Ce qui devait arrivé est arrivé. Le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, et l'ensemble de son gouvernement ont été remerciés selon un communiqué lu hier en début de soirée à la télévision nationale. Les rumeurs sur cette éviction s'étaient accentuées depuis le report dans la matinée du traditionnel Conseil des ministres au palais de Koulouba.
En temps normal, ce n' était pas un événement. Pour une ou mille raisons, la rencontre hebdomadaire des membres du gouvernement peut être reportée sans que cela donne lieu à quelque conjecture que ce soit. Sauf que depuis samedi, le temps n'était plus vraiment à la normale sur les bords du Djoliba.
A la faveur d'un meeting du Mouvement du 5-Juin Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) à l'occasion de la reconquête de Kidal, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, avait en effet sorti l'artillerie lourde contre les militaires qui dirigent le pays depuis maintenant quatre ans.
Entre autres griefs, la prolongation de la Transition sans consultation puisqu'il dit avoir appris la décision du report sine die des élections dans les médias, pour ne pas dire dans la rue, comme n'importe quel quidam. Il se sentait donc contourné et n'a pas caché son amertume sur la conduite des affaires de l'Etat.
Du coup, pour de nombreux observateurs, ses jours à la Primature étaient comptés. Il faut dire que par définition, un Premier ministre est toujours assis sur un siège éjectable, que ce soit en bonne démocratie ou dans un Etat d'exception, puisqu'il est souvent considéré comme le fusible qui doit sauter pour sauver son patron pour ne pas dire toute la machine gouvernementale.
Pour le cas-ci, le PM s'était mis objectivement sur la voie du «dégagement», pour reprendre une expression en vogue sous le Conseil nation de la révolution (CNR) de Thomas Sankara. Et on ne voyait pas trop comment il pouvait continuer à servir un président qu'il a littéralement dézingué dans son interminable allocution devant ses partisans.
D'ailleurs, ces derniers jours, de nombreux soutiens du pouvoir avaient battu le pavé à Bamako et à l'intérieur du pays pour exiger la démission de celui qui était désormais considéré comme un traire. Sauf que l'incriminé ne voulait pas se résoudre à la démission, préférant plutôt qu'on le démette sur fond de petits calculs politiciens d'arrière-boutique.
Il a eu beau jeu de faire feu sur les généraux pour se faire une nouvelle «virginité politique», mais n'a-t-il pas contribué à pourrir la situation au temps de IBK avec d'autres forces comme le Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) avec à sa tête l'imam Dicko, chose qui avait amené les militaires à «prendre leurs responsabilités»? N'est-ce pas le même Kokolla Maïga qui ne voulait même pas voir les soldats en peinture qui a fini par se mettre à leur service, poussé sans doute par une certaine ambition dévorante? Pour ainsi dire, il était très mal placé pour cracher dans la soupe kaki après s'en être goulûment délecté pendant plus de trois ans.
Mais si son objectif était de se mettre en réserve de la République dans la perspective du «retour à une vie constitutionnelle normale», il se berce d'illusions, car sauf tremblement de terre on ne voit pas trop comment le général Assimi Goïta va lâcher l'affaire.