Sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) concernant la mobilisation des recettes publiques, l'État tire à tout ce qui bouge. Ainsi, les transactions effectuées via les mobiles money peuvent être soumises à une taxation.
Prendre les devants. Sentant qu'un vent de fronde allait s'élever quelque part, Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, ministre de l'Économie et des Finances, avant-hier à Tsimbazaza, après la présentation du Projet de loi de finances 2025 (PLFI), devant la presse, s'est empressée de préciser que « la Taxe de 0,5% sur les transactions mobiles (TTM) n'est que symbolique et ne devrait pas pénaliser outre mesure les usagers ».
Cependant, cet avis est loin d'être partagé par les trois opérateurs présents sur le marché. Dans un communiqué commun où ils ont oublié un moment leurs rivalités sur un marché prospère, ils ont mis en évidence ce qu'ils assimilent à une mesure inhibitrice pour le secteur en plein essor. « Suite à l'annonce dans la presse, le jeudi 14 novembre, de l'intention de la Direction Générale des Impôts d'introduire une taxe de 0,5 % sur le montant des transactions mobile money (au-delà de 150 000 ar), les trois opérateurs actifs - MVola, Orange Money et Airtel Money - dénoncent fermement cette mesure. Cette taxe constituera un fardeau pour les 23 millions de Malgaches qui utilisent nos services et met en péril l'économie nationale ainsi que l'avenir de l'inclusion financière ».
Ils enfoncent le clou : « En augmentant significativement le coût des services de mobile money, cette mesure pénalisera d'abord les utilisateurs finaux. Pour les ménages, cela représentera une hausse des frais, pouvant aller de x2 à x5 pour les transferts d'argent et de x2 à x10 pour les paiements les commerçants. Ces charges supplémentaires, couplées à un risque accru d'inflation, viendront directement affecter le pouvoir d'achat des foyers les plus vulnérables. Par ailleurs, cette mesure affectera également directement les 164 000 agents de distribution (cash point).
Risques sécuritaires
La réduction de l'utilisation des services mobile money limitera leurs revenus, menaçant ainsi la stabilité économique de toutes ces familles (ce qui représente environ 1 million d'individus) ».
Ils craignent un retour aux paiements en cash qui, selon eux, « freinera la digitalisation de l'économie malgache en décourageant l'utilisation des services de mobile money, entraînant un recul équivalent à une décennie de progrès, accentuera l'économie informelle, réduisant la traçabilité des transactions et compliquant la collecte de recettes fiscales pour l'État.
De plus, cette situation accroîtrait les risques sécuritaires en augmentant la manipulation d'argent liquide, réduirait les entrées de devises, essentielles à l'équilibre macroéconomique du pays, et découragerait les investissements locaux et internationaux. Cela enverrait un signal négatif aux entrepreneurs, aux petites et moyennes entreprises, et aux investisseurs, tout en allant à l'encontre des efforts d'inclusion financière soutenus par la Banky Foiben'i Madagasikara, ainsi que des initiatives de digitalisation de l'économie soutenues par l'État lui-même». Soyons tous cohérents.
Dans les faits, ils estiment qu'il s'agit d'un « leurre pour les finances publiques. Loin d'apporter les recettes fiscales attendues, cette mesure s'avère contre-productive. À l'instar des autres pays en Afrique qui ont expérimenté ce projet de taxe (Tanzanie, Ghana, Cameroun, République Centrafricaine notamment), une telle taxe engendrera à Madagascar une baisse immédiate et durable du nombre d'utilisateurs actifs du mobile money (-30 %), ainsi que sur la valeur des transactions (avec une baisse à 6 mois estimée à -60 %). Ainsi, les recettes obtenues suite à la mise en place de cette taxe se révèleront bien inférieures aux prévisions, ne dépassant pas les 50 milliards d'ariary annuels (et donc bien loin des 143 milliards d'ariary escomptés) ».
Des statistiques récentes ont démontré que « 342 millions de transactions financières ont été effectuées via mobile money l'année dernière. Ces opérations avaient valu 38 161 milliards d'ariary, d'après le rapport du service de la Coordination nationale de la finance inclusive (CNFI), qui est une structure rattachée à la direction des Opérations financières (DOF) au sein de la Direction générale du trésor (DGT) ». Un magot qui n'a cessé de gonfler, attisant bien des convoitises.