Cote d'Ivoire: Dialogue intergénérationnel - Samo, une inspirante expérience du « vivre ensemble »

20 Novembre 2024

« Sômôo » signifie en abouré éhivè : « Maman, lève-toi pour continuer la marche ». Ce nom est devenu Samo, par la retranscription dans les registres par des commis de l'administration coloniale.

Cette découverte est un des éléments nouveaux appris au cours du dialogue intergénérationnel (Dig), dont le clap de fin a été donné justement à Samo, ce village carrefour de la sous-préfecture de Bonoua, le dimanche 17 novembre 2024.

En prenant ses quartiers pour cette dernière édition dans le village de Samo, la délégation du réseau des femmes journalistes et des professionnelles de la communication (Refjpci), avec à sa tête sa présidente S.M. Agnès Kraidy, voudrait en savoir plus sur le mécanisme qui fait cohabiter une population cosmopolite, sans véritable accroc. En clair, comment faire cohabiter dans une belle harmonie une population aussi cosmopolite ?

Pour soulager, quelque peu, la curiosité qui transpire de toutes ces questions, quatre représentants de toutes les composantes de la population de Samo ont animé un panel. Ce sont : Mahiga Tidiane, planteur et porte-parole de la cour royale de Samo, Coulibaly Bakari, représentant des personnes du 3e âge, Traoré Maza, enseignant, président des jeunes et Mme Kouaho Ne, commerçante, présidente des femmes.

Sous le regard bienveillant de Nanan Otron Mossouhn Jean-Baptiste, chef du village de Samo entouré des chefs des autres villages abouré (Assé, Kodjoboué, Larabia), les panélistes ont entretenu l'auditoire. De l'économie de leurs interventions, on retient l'unanimité autour de la bonne gouvernance, la clairvoyance de leur chef de village. Dans la gestion des affaires de la cité, les jeunes et les femmes tiennent une place prépondérante. « Si dans les autres contrées, les femmes ne sont pas consultées, ici à Samo, le chef requiert toujours notre avis et tient toujours compte de nos observations », affirme Mme Kouaho, présidente des femmes.

De l'histoire de Samo, contée par Mahiga Tidiane, il ressort que Samo est le cordon ombilical de tout le peuple abouré éhivè. « Fuyant les guerres fratricides, ce peuple s'est retrouvé en ce lieu. Malheureusement, ici manquait un élément vital qui permet à toute population de se fixer sur un terroir : l'eau, source de vie. Ne disposant pas de cours d'eau à proximité, les populations ont dû migrer vers des endroits où l'eau était disponible. A l'exception de Samo, tous les royaumes et villages abouré sont pratiquement installés en bordure de cours d'eau », narre-t-il

De fait, Samo est le premier village du peuple Ehivè. Il abrite environ 30.000 âmes vaillantes et héberge des ressortissants de neuf différentes communautés venues de la sous-région ouest africaine qui y cohabitent en bonne intelligence. Pas étonnant que Samo soit considérée comme une Cedeao en miniature. Et cette communauté Cedeao a un président qui l'administre en toute autonomie, sous la supervision de la chefferie du village.

La notabilité de Samo met un point d'honneur à préserver la cohésion sociale sur son espace de vie. Alors, toutes les communautés sont tenues de respecter les us et coutumes en vigueur.

Quand bien même le village abrite un commissariat de police, les litiges des populations se règlent en interne. Et la saisine de la cour royale ne se fait qu'en dernier recours. Ce schéma de règlement de conflits fonctionne si bien que les escarmouches liées à la crise électorale passée n'ont pas prospéré à Samo. La chefferie s'en félicite et fait preuve de sérénité quant aux échéances à venir, particulièrement l'année 2025.

Village cosmopolite parce que terre d'accueil et d'intégration, mais très stricte sur le respect de ses traditions ancestrales qui régissent la gouvernance, cette terre qui fut prospère grâce à l'ananas, ce qui avait permis l'installation sur le territoire de Samo d'unités industrielles de transformation de l'ananas (cf : Salci Ono) qui ont fermé l'une après l'autre, ce village pensait trouver en l'hévéa sa résurrection économique. Malheureusement, le prix d'achat de cette culture de rente n'étant pas attrayant, c'est la ruée vers la vente des terrains pour des réalisations immobilières.

De ce fait, les terres arables se font rares et l'élément économique viable reste le commerce de vivriers, principalement tenu par les femmes. Ces dernières aujourd'hui font grise mine. La raison, la nouvelle route qui mène à Assinie ne passe plus par là. La clientèle fortunée faisant défaut, les conséquences sur l'activité commerciale sont désastreuses.

Cette situation est quelque peu préoccupante, mais pas insoluble. Le chef Otron Jean-Baptiste et sa notabilité sont à pied d'oeuvre pour garantir un mieux-être à la population. Et pour ce faire, Samo dispose d'un atout majeur : la paix.

Il faut le noter, cette séance des Dig marque le dernier acte d'un projet qui dure depuis quatre ans. Ce projet dénommé « Innover pour dialoguer » a bénéficié de l'accompagnement financier de la coopération allemande à travers la Deutsche Welle Akademie (Dwa). Comme à chaque étape, une session de formation a été animée par Marie-Laure Zakry, journaliste, au bénéfice des animatrices et animateurs des radios de proximité du Sud-Comoé (Bonoua, Aboisso, Samo, Grand-Bassam).

Avant de quitter ce village-carrefour, Agnès Kraidy a saisi l'opportunité du panel pour faire passer le message du dépistage précoce du cancer de la prostate chez les hommes, en ce mois de novembre. En tant que porte-flambeau de la lutte contre tous les cancers, elle a renouvelé son message clé à l'auditoire, à savoir « combattre les cancers de l'ignorance et de l'indifférence » en donnant cette information capitale : le cancer se guérit lorsqu'il est pris en charge tôt. D'où l'importance du dépistage pour une prise en charge précoce.

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