Cette table ronde s'est déroulée avec, en fond de mire, les recherches démontrant qu'à ce jour l'intelligence artificielle (IA) a le potentiel de contribuer à hauteur de 15 700 milliards de dollars à l'économie mondiale d'ici 2030, dont 1200 milliards de dollars qui pourraient être générés en Afrique, ce qui représente une augmentation de 5,6 % du Produit intérieur brut du continent d'ici à 2030.
Pour débattre sur ce thème, ce panel, animé par Siham Allali, CEO, PGT Group, a vu la participation d'Akoua Awoudja, conseillère experte en transformation digitale avec le secteur public-privé, GIZ Togo & WIA Young Leader 2024 ; Adil Tourabi, Sales Director Africa & Middle East, OVH CLOUD ; Yaya Sylla, président directeur général, Sah Analytics International ; Thierry Kientega, CEO, OUIcoding ; et Luc Missidimbazi, conseiller postes, télécommunications et numérique du Premier ministre du Congo.
Extrait de la communication de Luc Missidimbazi
Pendant que le Congolais intervenait à Paris, au même moment, à Brazzaville, le chef de l'État, Denis Sassou N'Guesso, inaugurait la mise en place de la 5G en République du Congo. Pour Luc Missidimbazi, toutes les questions relatives à l'IA sont pertinentes. Elles nécessitent de répondre d'emblée à une série d'interrogations. Par exemple, comment pourrait-on développer les axes d'opportunités dans le cadre de l'IA pour l'Afrique ? / Comment décrire l'état actuel de l'adoption de l'IA en République du Congo ? / Existe-t-il des secteurs qui se démarquent par rapport à l'IA ?
Esquissant une première réponse à ce questionnement, il a estimé que l'IA en est à l'étape embryonnaire mais son usage ne cesse de croître d'une manière significative. Pour preuve, le dynamisme de la téléphonie mobile avec un taux de pénétration progressif de l'utilisation de l'IA communicationnel par des entreprises qui s'imprègnent des solutions en place. Cependant, il a relevé que le nombre d'acteurs technologiques et de développeurs demeure réduit. « Les jeunes qui sont porteurs de projets se sont vite accaparés de ce sujet et proposent quelques solutions (Chatbot, gestion documentaire, ...) », a-t-il expliqué.
En ce qui concerne les principaux obstacles à l'adoption de l'IA en Afrique, les freins sont quasiment les mêmes que ceux déjà rencontrés dans la transformation numérique. On déplore la maîtrise de données de qualité et leur faible quantité. À ce problème de données s'ajoute également l'insuffisance de modèles ML adaptés à l'Afrique, ce qui exige la création de centres de formation. Les experts qui maîtrisent le traitement des données, les accélérateurs matériels, les outils logiciels et les infrastructures réseaux sont trop peu nombreux. Il est impératif d'obtenir cet ensemble et de le faire fonctionner conjointement dans le but de concevoir, déployer et gérer des systèmes IA.
Autant de freins qui résultent, à la fois, du faible financement, d'une méconnaissance des enjeux économiques et d'un manque d'expertise (entreprises dédiées à l'IA). Un manque significatif de solutions IA pour les besoins africains. La recherche et la formation sont insuffisantes, voire même inexistantes, sans compter le manque d'infrastructures informatiques et les recherches adéquates y afférentes. En sus, il a souligné la non-identification des opportunités d'affaires qu'offre l'IA, empêchant ainsi l'implication d'acteurs financiers.
Autre interrogation : quelles sont les infrastructures technologiques existant actuellement pour soutenir le développement de l'IA (ex : réseaux Internet, centres de données, accès aux équipements numériques) ?
Le conseiller a estimé que la présence en nombre croissant des data center, des points d'échange internet et l'arrivée de la connectivité très haut débit (5G au Congo) sont des infrastructures essentielles. Cependant, il a déploré le fait que les outils nécessaires pour le traitement des données et l'apprentissage soient très limités. Dans l'immédiat, les solutions AWS, Google Cloud... sont les seules plateformes, virtuelles de surcroît, sur lesquelles s'appuient les acteurs de l'IA. Il faut souligner qu'on perçoit un faible intérêt de ces plateformes pour l'Afrique et ses petits pays. Pour en profiter, il faut donc s'orienter vers une mutualisation des ressources et particulièrement les infrastructures pour pouvoir développer des systèmes IA à grande échelle.
Enfin, existe-t-il des partenariats ou des investissements internationaux pour soutenir l'infrastructure technologique de la République du Congo dans le domaine de l'IA ?
Luc Missidimbazi a répondu qu'il faudrait que se déploient en Afrique, outre les acteurs de l'industrie de l'IA qui ont la maîtrise des données, les outils qui vont avec, les entreprises de stockages, les structures de formations. Cela permettrait la création de réels écosystèmes tech & IA, facilitant ainsi parallèlement la mobilisation des fonds. Il faut noter que plusieurs partenaires au développement (Banque mondiale, BAD, l'AFD ...) appuient les pays africains dans leur transformation numérique et les politiques IA.
Mais, pense-t-il, un pays seulement ne disposera pas, à lui seul, de l'investissement suffisant pour mener à bien ce développement. Il propose une mutualisation des plateformes et des infrastructures. Conscient de la mise en place de ce projet commun, il a appelé de tous ses voeux la construction des infrastructures en Afrique centrale, celle-ci se trouvant donc un peu plus au milieu, prête à expérimenter les solutions via la multiplication de projets intégrant la formation, « mais il faut qu'on arrive aujourd'hui à mutualiser ces efforts-là pour mutualiser aussi les financements et apporter un résultat bénéfique pour tout le monde ».