À Madagascar, le cri d'alarme des opérateurs de mobile money après la présentation d'un projet devant l'Assemblée nationale le 18 novembre 2024 qui prévoit de taxer à hauteur de 0,5% tous les transferts mobiles de plus de 150 000 ariary, soit 30 euros, à partir de l'année 2025. D'une même voix, les trois acteurs du marché, MVola, Orange Money et Airtel, demandent à l'administration fiscale de « reconsidérer » une mesure jugée à la fois inefficace pour l'État et dangereuse pour les usagers.
L'annonce a secoué le monde du mobile money à Madagascar, un secteur qui n'avait connu en dix ans que la prospérité et la croissance de ses abonnés, portés à 23 millions en 2024 contre 3 millions en 2014.
D'une seule voix, les opérateurs assurent qu'une telle entrave aux activités de transferts d'argent ne fera que freiner des recettes fiscales que l'État espérait accroître au bénéfice de l'investissement public. Louis Favot, directeur général de MVola, affirme : « Dans l'ensemble des pays africains qui se sont lancés dans une telle mesure, juste après l'introduction de cette taxe, il y a eu une chute brutale de l'activité de mobile money de l'ordre de moins 40 à moins 60%. Cela engendre moins de transactions, donc moins de TVA, et donc moins de recettes fiscales pour l'État. Les 143 milliards d'ariary [environ 29 millions d'euros, NDLR] espérés (par l'État) suite à l'introduction de cette taxe ne sont pas crédibles. »
« Le choix du moindre mal »
Les transferts supérieurs à 150 000 ariary, concernés par le projet de taxe, participent à 80% du montant global des transferts du secteur. En plus de pointer son inefficacité fiscale, les acteurs du secteur anticipent des risques sécuritaires et économiques associés au retour à l'argent liquide, à l'économie informelle et à une perte directe du pouvoir d'achat des ménages, explique encore Louis Favot : « Un transfert de 250 000 ariary [50 euros, NDLR], qui correspond au salaire minimum, aujourd'hui coûte 1 200 ariary (24 centimes). Demain il va coûter aux consommateurs 2 450 ariary (50 centimes), soit deux fois plus. Donc l'impact de cette taxe, il est concret, il est mesurable et il est extrêmement lourd pour l'ensemble des consommateurs. »
Sollicitée par RFI, la ministre de l'Économie et des finances, Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, défend « le choix du moindre mal ». Et d'ajouter : « Nous gagnerions six fois plus en taxant le riz ou les médicaments par exemple. »
Le mobile money s'est imposé comme un service du quotidien dans le pays
Sur les réseaux sociaux malgaches, les internautes ne cessent d'exprimer eux aussi leurs inquiétudes. Pour les commerçants, les entrepreneurs comme les agriculteurs, le mobile money s'est imposé comme un service du quotidien dans le pays.
L'annonce de ce projet de taxe sur les transferts mobiles intervient alors que Madagascar s'est engagé cette année à mobiliser plus de ressources fiscales en portant d'ici 2028 la part des impôts dans le PIB à 18% contre 12,6% en 2023. Un taux encore inférieur à la moyenne de l'Afrique subsaharienne située à 17%. Pour y parvenir, MVola, Orange Money, et Airtel estiment que l'administration fiscale ne pourra se passer du mobile money. D'après ces opérateurs, en cas de déclin du secteur, le manque à gagner pour l'État s'élèverait entre 60 et 100 milliards d'ariary.