La semaine qui s'ouvre risque d'être riche en rebondissements. En cause, le chiffrage de l'héritage économique laissé par le gouvernement sortant, qui pourrait choquer la population, selon le Premier ministre, Navin Ramgoolam.
Ce, vu l'ampleur des dégâts causés. Entre-temps, le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Rama Sithanen, qui poursuit ses consultations, veut restaurer la crédibilité et l'indépendance de cette institution devenue, dit-il, ces dernières années «une annexe du ministère des Finances».
«Nous saurons prochainement comment l'ancien régime a dilapidé l'économie, comment le ministre des Finances a faussé et manipulé les statistiques pour donner une illusion monétaire à la population», fait ressortir ces derniers jours le nouveau chef du gouvernement, qui a mis en place une équipe pour se livrer à un état des lieux économique. Le monitoring serré pour recueillir tous les faits entourant les gabegies financières est avancé par Navin Ramgoolam pour justifier le choix de garder le portefeuille des Finances. Il sera assisté par le député travailliste élu en tête de liste dans la circonscription du no 8 (Quartier-Militaire-Moka), Daneshwar Damry, nommé junior minister vendredi, qui se verra confier des dossiers spécifiques sur lesquels il sera appelé à se pencher avec son équipe dans l'ancien bureau de Renganaden Padayachy.
Entre-temps, le nouveau gouverneur de la BoM a déjà balisé le terrain après une semaine en poste, multipliant les rencontres avec les opérateurs économiques, les responsables d'institutions financières, les économistes, le personnel de la banque ou encore les officiels du gouvernement pour les écouter. «Il faut une collaboration entre les différents stakeholders. Il faut une cohérence entre la politique monétaire et fiscale. We are all in this together», confie Rama Sithanen à l'express.
Il rappelle toutefois que ses priorités urgentes à la banque restent la stabilisation de la roupie, la disponibilité de devises étrangères sur le marché, les problématiques à la Mauritius Investment Corporation (MIC) et la conduite de la politique monétaire. Il reconnaît que sur le front de la roupie, la situation est devenue compliquée avec le renforcement du dollar suivant la victoire de Donald Trump aux États-Unis. «Le dollar est presque à parité avec l'euro. C'est une situation qui forcément impactera la valeur de la roupie.» Vendredi, le billet vert s'échangeait à Rs 47,26 contre Rs 46,42 le 6 novembre, le lendemain de la victoire du candidat républicain.
Rama Sithanen, qui poursuit son audit des opérations de la BoM, insiste sur la nécessité de redonner à celle-ci ses lettres de noblesse pour opérer en toute indépendance, et conformément à son mandat de contrôler l'inflation, de stabiliser le système financier, de réguler le marché de devises et surtout, de promouvoir un développement économique ordonné et équilibré. «J'insiste sur ce dernier objectif car nous connaissons tous l'ambiguïté à laquelle la BoM s'était confrontée durant le Covid. Nous savons qu'il y avait un besoin à l'époque de sauver les emplois et les entreprises. Estce que c'était le meilleur moyen de le faire. Ça c'est une autre question», s'interroge le nouveau gouverneur.
Aujourd'hui, il faut travailler pour que la BoM soit «back to its basics». Or, à la base, dit-il, une banque centrale est une institution régulatrice ; elle assure aussi la supervision, mais elle n'est pas un opérateur ou un investisseur qui investit dans des secteurs économiques oùil peut potentiellement y avoir des conflits d'intérêts, notamment dans sa conduite de la politique monétaire.
«Pour la BoM, il faudra savoir la meilleure solution à prendre. Il y a plusieurs institutions qui ont formulé des recommandations pour gérer cette situation. Il est essentiel qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans le mandat de la banque.» Rama Sithanen s'emploiera pour que la BoM soit crédible et indépendante et non une antenne du ministère des Finances, comme cela a été malheureusement le cas ces dernières années.
Parallèlement, le dossier brûlant de la MIC occupe une place centrale dans la remise en ordre de la maison par le nouveau gouverneur. «C'est une responsabilité fiduciaire de la BoM de protéger son argent et par ricochet, celui des contribuables. Il faudra un forensic audit sur la gestion de la MIC. Pour le moment, il importe de stabiliser la situation. Tout sera fait dans la discipline et le professionnalisme.»
En attendant, les premières mesures économiques à caractère électoraliste doivent être annoncées cette semaine, suivant la formation du nouveau gouvernement. Tout laisse croire que ce sera la baisse des prix de l'essence et du diesel. Ce qui nécessitera un financement de Rs 2,1 milliards au 30 juin 2025 et de Rs 4,3 milliards annuellement jusqu'à 2030, selon une étude d'Axys figurant dans son document The Winds of Change - Challenges of the New Government rendu public la semaine dernière.