Au Mali, Joliba TV cesse d'émettre à partir de ce mardi 26 novembre. Mais ni la chaîne, ni les organisations professionnelles maliennes de la presse ne comptent en rester là. Cet après-midi, une délégation de la Maison de la presse du Mali s'est rendue à la Haute autorité malienne de la communication (HAC).
La délégation de la Maison de la presse comptait une dizaine de personnes, représentant l'ensemble des organisations de journalistes du Mali. Face à eux, les neuf membres du collège de la Haute autorité de la communication (HAC)
« Nous leur avons dit que leur décision était disproportionnée, extrême, qu'elle mettait en péril des emplois et qu'elle portait atteinte à la liberté de la presse », explique un participant, qui se dit « confiant » : « Ils ont exprimé de bonnes intentions et promis une réponse diligente, nous sommes suspendus à leur décision. Nous souhaitons à présent que tout le monde pose la balle à terre. »
Rediffusion de l'émission
Un discours d'apaisement qui n'empêche pas la Maison de la presse de menacer : l'organisation faîtière a prévenu dès samedi 23 novembre que si elle n'était pas entendue, un appel serait lancé à tous les médias maliens pour rediffuser l'émission à l'origine de la fermeture de Joliba TV. Cela en signe de solidarité et de protestation.
La HAC a décidé de fermer la chaîne Joliba TV, à la demande du Burkina Faso. Il y a deux semaines, lors d'une émission de débat, un invité avait jugé que la dernière affaire de supposé coup d'État déjoué par les autorités burkinabè n'était pas crédible. Issa Kaou N'Djim a été emprisonné dans la foulée - le 13 novembre - il sera jugé en février pour « offense commise publiquement envers un chef d'État étranger ».
La chaîne privée malienne a reçu la notification du retrait de sa licence jeudi 21 novembre et immédiatement initié une procédure de recours. Cette démarche de la chaîne et la médiation de la Maison de la presse du Mali permettront-elles de sauver Joliba TV ?
Sollicité par RFI, le président de la HAC Gaoussou Coulibaly rappelle que RFI est déjà coupée au Mali - depuis plus de deux ans et demi - et n'a donc pas souhaité répondre. À ce stade, le signal de Joliba TV est toujours censé être coupé ce mardi.
« Uniformiser la pensée dans l'Alliance des États du Sahel »
« Ils rendront compte un jour devant le peuple, prédit avec colère un dirigeant de Joliba TV. C'est une décision politique, ils veulent uniformiser la pensée dans l'Alliance des États du Sahel, poursuit cette source, nous préférons perdre notre licence que d'être une caisse de résonance. » Une colère qui n'est évidemment pas exempte d'amertume : « Si Joliba tombe, tous les médias maliens sont menacés. C'est la survie de la profession qui se joue. »
« Nous ne nous tairons pas », « préparez-vous au réveil du peuple », « vive la liberté, vive Joliba ! », ont réagi ouvertement plusieurs journalistes maliens.
Les condamnations politiques sont également nombreuses. La quasi-totalité des partis maliens, rassemblés au sein de la « Déclaration du 31 mars » pour le retour à l'ordre constitutionnel, demande ainsi aux autorités de « reconsidérer » une mesure « qui porte atteinte » à « la liberté d'expression, à la liberté de presse » et qui « ternit l'image du pays. »
L'espace des libertés individuelles et civiques n'a cessé de se restreindre au Mali depuis le coup d'État militaire d'août 2020. En ont témoigné de nombreux rapports des Nations unies, d'organisations de défense des droits humains (Ammnesty, FIDH, Human Rights Wahtch) ou de la profession (Reporters sans frontières).