80 ans après, les fantômes des victimes des massacres du camp de Thiaroye, le 1er décembre 1944, hantent plus que jamais la France, particulièrement sa classe politique.
En effet, il y a quelques jours de cela, lors d'un entretien accordé à notre confrère Radio France internationale (RFI), l'ancien président français, François Hollande a qualifié ce qui s'est passé dans la banlieue de Dakar de « massacre ».
Sur l'échelle de gravité, il faut dire que l'ex-locataire de l'Elysée a poussé le curseur plus haut, puisqu'en 2014, lors d'un voyage dans la capitale sénégalais, il avait parlé de « répression ». Les vagues déclenchées par le pavé mémoriel jeté dans la mare par l'enfant de Corrèze lors de son récent entretien à la Radio mondiale continuait d'agiter bien d'esprit. Et voilà qu'un groupe de députés français entend ressortir les cadavres de Thiaroye des placards de l'histoire.
Hier mardi 26 novembre, cinq parlementaires ont demandé la mise en place d'une commission d'enquête afin de lever définitivement le restant de voile qui couvre encore les évènements sanglants qui se sont déroulés au camp de Thiaroye.
Huit décennies après, Thiaroye continue de diviser aussi bien les historiens, les hommes politiques et bien d'acteurs de la société civile, tant sont aussi épaisses que nombreuses, les zones d'ombre qui entourent toujours l'un des épisodes féroces du passé colonial de la France.
Là où tous s'accordent c'est que des soldats africains ayant combattu auprès de la France lors de la seconde guerre mondiale et ayant été des prisonniers Nazi ont pris le chemin de retour à la fin du conflit. Arrivée à Dakar, d'où chacun devrait regagner son bercail, ces soldats démobilisés ont subi l'épreuve du feu, assassinés par leurs frères d'armes français. Pour cause : ils revendiquaient le payement de leurs soldes avant de se séparer. La suite on la connaît.
Combien sont tombés sous les balles ? Quelles sont leurs identités ? Qui a donné l'ordre de tirer ? Où ont-ils été exactement inhumés ? Autant de questions qui divisent aussi bien en France, au Sénégal que dans l'opinion publique africaine.
La requête des cinq députés, symboliquement appelée « Proposition de résolution Ousmane Sembène », du nom de cet ancien tirailleur, écrivain, cinéaste et réalisateur du film « Camp de Thiaroye » en 1988, va-t-elle prospérer ? La question a tout son sens quand on connaît les enjeux mémoriels, politiques, historiques qui entourent ce dossier.
A quelque quatre jours de la commémoration de cet événement, sous un jour nouveau au Sénégal avec l'arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son mentor, et Premier ministre, Ousmane Sonko, on espère que cette commission d'enquête parlementaire verra effectivement le jour afin de permettre à l'Histoire de prendre tous ses droits sur un passé diversement décrit à l'ancre de la politique.