Du 18 au 19 novembre, Goma a accueilli un atelier d'évaluation des activités des Commissions consultatives de résolution des conflits coutumiers (CCRCC) dans la province du Nord-Kivu.
Organisée sous l'égide du gouvernement provincial du Nord-Kivu, avec le soutien de la section des Affaires civiles de la MONUSCO, cette rencontre a réuni près de 72 chefs coutumiers, dont cinq femmes, provenant des territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. L'objectif était d'évaluer les résultats de ces commissions, d'identifier les forces et faiblesses des mécanismes en place et de définir un plan d'action pour renforcer leur efficacité dans la gestion des conflits locaux.
Les CCRCC ont été mises en place en 2018 dans le but de faciliter la médiation et la résolution des conflits de nature coutumière en utilisant des méthodes et pratiques traditionnelles de règlement des différends.
Selon Erin Mooney, cheffe de la section des Affaires civiles de la MONUSCO, « l'engagement, la ténacité et la résilience des membres des CCRCC ont fait de ces dernières des mécanismes solides de résolution des conflits coutumiers dans la province et cette expérience de la CCRCC au Nord-Kivu inspire la nation tout entière ».
En effet, en plus de respecter les usages coutumiers locaux, ces commissions impliquent également des conciliateurs traditionnels dans le processus décisionnel. Cependant, à mesure que la MONUSCO prépare son retrait progressif de la province, les chefs coutumiers et les autorités locales se préoccupent des défis liés à l'autofinancement et à l'autonomie future des CCRCC.
Arthur Mumbere, expert en questions coutumières au sein du cabinet du gouverneur militaire du Nord-Kivu, a souligné l'importance de cet atelier pendant cette période de transition : « Depuis leur création, les CCRCC ont largement bénéficié du soutien de la MONUSCO. Il est désormais crucial de réfléchir à leur mécanisme d'auto-fonctionnement pour qu'elles continuent à jouer un rôle central dans la résolution des conflits coutumiers ».
Erin Mooney se veut, quant à elle, confiante et rassure que, même après le départ de la MONUSCO, « les CCRCC continueront à jouer un rôle crucial dans la gestion des conflits locaux et dans la promotion de la paix au sein des communautés (..) En tant que gardiens des traditions et des valeurs coutumières, elles jouent un rôle crucial dans la préservation de l'harmonie, la cohésion et la paix au sein de ces communautés ».
Contribuer à la stabilité
Le coordonnateur de la section des Affaires civiles au bureau de la MONUSCO à Goma, Robert Ngangue, a détaillé les réalisations des CCRCC soulignant que, depuis quatre ans, 147 conflits coutumiers ont été recensés dans plusieurs territoires de la province, avec un total de 81 conflits auditionnés par lesdites commissions consultatives. Parmi ceux-ci, 21 ont été résolus à l'amiable, tandis que 60 cas ont fait appel de la décision. Cette dynamique montre l'impact concret des CCRCC dans la stabilisation des communautés locales, une mission essentielle face à l'ampleur des conflits dans la région.
A noter que ces commissions ont également contribué à la désignation des leaders coutumiers légitimes, ce qui a renforcé la stabilité des entités coutumières. Et Arthur Mumbere d'ajouter que ces commissions sont devenues des références pour les autorités politico-administratives, qui sollicitent leur expertise pour la gestion des conflits traditionnels. « Au-delà des décisions rendues, les CCRCC ont joué un rôle clé dans la restauration de la paix et dans la cohésion sociale », a-t-il insisté.
Des défis persistants
Malgré ces avancées, des défis majeurs subsistent. L'ingérence politique dans le travail des CCRCC et l'insécurité générée par les groupes armés, notamment le M23, ont été largement évoqués lors des discussions. Ce dernier, en occupant certaines zones du Nord-Kivu, a instauré une administration coutumière parallèle, exacerbant les tensions ethniques et communautaires. Les participants à l'atelier ont unanimement condamné cette ingérence, qui selon eux, déstabilise davantage les institutions coutumières et aggrave les conflits au sein des communautés.
L'atelier s'est conclu par l'adoption d'une feuille de route visant à améliorer les performances des commissions consultatives et à assurer leur pérennité. Pour leur part, les chefs coutumiers ont notamment recommandé une meilleure gestion des conflits coutumiers à l'échelle locale. Achille Kalwene, expert en questions coutumières, a souligné que la stabilité des entités coutumières est essentielle pour la cohésion sociale, la paix durable et le développement socio-économique dans la province. « Les CCRCC sont parmi les artisans de premier plan pour la paix et le relèvement économique dans le Nord-Kivu », a-t-il conclu.