Félix Tshisekedi appelle la population à s'approprier le projet de révision constitutionnelle alors que le débat sur une éventuelle modification reste entouré de flou.
Les déclarations de Félix Tshisekedi au sujet de la constitution sont explicites :
"Ce que j'ai dit à Lubumbashi en ce qui concerne la Constitution, je n'ai rien à changer. Mon message reste le même. Vous êtes un peuple plein d'initiatives, qui a combattu la dictature la plus atroce. Vous devez aussi prendre l'initiative pour ce qui est de cette Constitution, qui ne vise pas l'intérêt de la nation congolaise."
Cependant, cette initiative ne peut aboutir que si la population est pleinement informée et son choix respecté. C'est ce qu'a rappelé Maurice Kabange, un jeune leader de la société civile de la province du Tanganyika, où le chef de l'État congolais est actuellement en visite.
"On ne veut pas que les choses soient imposées. Si cela doit passer par un référendum, il faut rassurer la population sur ce qui est en jeu. S'il s'agit d'un changement, d'une modification ou d'une quelconque action sur la Constitution, il faut expliquer clairement de quoi il retourne. Et comme cela se fera par référendum, il est impératif de respecter l'avis du peuple, car c'est lui l'arbitre. "
Que disent les textes ?
La Constitution congolaise ne prévoit pas de "changement" mais parle de "révision". Le politologue Christian Moleka souligne que l'article 218 définit les conditions d'une révision : soit un vote des deux chambres réunies en Congrès (à une majorité des 3/5), soit par un référendumconvoqué par le président.
Selon Christian Moleka, le scénario du référendum semble être celui privilégié.
"Aujourd'hui, il est évident que la stratégie de la famille présidentielle est de changer la Constitution, notamment pour lever le verrou de l'article 220, qui empêche un troisième mandat présidentiel. Les arguments avancés jusqu'ici pour justifier cette démarche, comme ceux basés sur l'article 51 ou 217, ont été rapidement contestés par la société civile et l'opposition. Le projet semble désormais assumé : modifier la Constitution pour permettre un autre mandat au-delà des deux prévus actuellement", explique-t-il.
Paradoxe des priorités
L'un des sujets de débat porte sur le coût du référendum et sa pertinence face aux priorités urgentes des Congolais. Dans une récente interview accordée au magazine La Croix, Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), a déclaré : "La situation socio-économique des Congolais devrait être la priorité des gouvernants, plutôt que de penser à changer les textes fondamentaux."
Une position partagée par Augustin Muhesi, qui enseigne les sciences politiques dans l'Est de la RDC. Il dénonce le décalage entre les priorités des dirigeants et celles du peuple.
Pour lui, "le président de la République a inscrit à l'agenda le projet de changement ou de révision de la Constitution. Mais cela ne signifie pas que le peuple partage cette priorité. Dans l'Est de la RDC, par exemple, la guerre contre le M23, l'insécurité croissante et les déplacements massifs sont des préoccupations majeures. Beaucoup de déplacés aimeraient simplement rentrer chez eux. Il y a donc un contraste évident entre les priorités présidentielles et celles de la population".
Martin Fayulu, figure emblématique de l'opposition, s'oppose fermement à ce projet. Sur son compte X, il a mis en garde contre une potentielle dérive autoritaire et une aggravation de la situation sécuritaire dans l'Est du pays.