Des dizaines de tirailleurs sénégalais y furent tués par l'armée coloniale française. Le travail de mémoire reste source de tension entre Dakar et Paris.
Le 1er décembre 2024 marque le 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, près de Dakar, au Sénégal.
Le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, des tirailleurs ouest-africains revenus de France après plus de quatre ans de captivité furent abattus dans des circonstances encore en partie obscures. Ces soldats réclamaient le paiement des soldes qui leur étaient dues, mais leur protestation s'est heurtée à une répression sanglante menée par des officiers français.
Ce drame, survenu à une époque charnière entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les luttes de libération des peuples colonisés à travers l'Empire français, reste au coeur de multiples mémoires, tant au Sénégal qu'en France.
Zone d'ombres
Mamadou Diouf, historien sénégalais et professeur d'histoire et d'études africaines, insiste sur la nécessité de faire la lumière sur les zones d'ombre entourant ce massacre.
Selon lui, "nous ne connaissons pas le nombre exact des victimes. Même les cimetières existants soulèvent des questions : nous ignorons si ces sépultures contiennent réellement les corps des tirailleurs. On parle beaucoup de fosses communes ; il serait essentiel de les localiser et de les identifier".
En juin dernier, Paris a reconnu à titre posthume six tirailleurs comme "morts pour la France". Une démarche mémorielle inédite dans ce dossier chargé d'histoire.
Critiques de Dakar
Cependant, fin juillet, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a critiqué cette reconnaissance, estimant qu'il n'appartient pas à Paris de "déterminer unilatéralement le nombre d'Africains trahis et assassinés".
Selon les archives officielles françaises de l'époque, au moins 35 tirailleurs ont été tués à Thiaroye. Ce chiffre demeure controversé, plusieurs historiens affirmant qu'il pourrait être bien plus élevé.
En France, des historiens, des juristes et des députés se sont récemment réunis à l'Assemblée nationale lors d'une conférence plaidant pour la reconnaissance officielle du massacre par l'État français et la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire.