La sortie de l'ambassadeur de l'Union européenne à Dakar mardi, 12 novembre 2024 devant des journalistes et annonçant le non-renouvellement de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (Appd) à cause de « défaillances » de l'Etat du Sénégal dans la lutte contre la pêche illégale n'est pas du goût des autorités sénégalaises.
La ministre sénégalaise en charge des pêches, des infrastructures maritimes et portuaires, Dr Fatou Diouf, soutient que le Sénégal n'était pas dans une logique de renouvellement de l'accord parce qu'étant dans une phase d'évaluation et émet des « réserves » sur la sortie de Jean-Marc Pisani.
Le Sénégal n'était pas dans une logique de renouvellement de l'accord de pêche qui le liait avec l'Union européenne (Ue) depuis 2028 et celle-ci le savait déjà. Ceci ressort du point de presse tenu hier jeudi, 28 novembre 2024, 17 jours après la sortie du représentant de l'UE à Dakar, annonçant le non-renouvellement dudit accord, qualifiant le Sénégal de « pays non-coopérant à la lutte contre la pêche INN (illicite, non déclarée et non réglementée Ndlr) ».
A ce titre, Dr Fatou Diouf confie que le Sénégal avait, déjà, par lettre n°001031/CAB/DC/SP du 11/11/2024, pris toutes les dispositions nécessaires pour saisir ses partenaires de l'Ue aux fins d'informer d'avance les armateurs, propriétaires de navires titulaires d'une autorisation de pêche dans les eaux sous juridiction sénégalaise, d'arrêter toutes activités de pêche dans la Zone économique exclusive du Sénégal (Zee).
Aussi, ajoute-t-elle dans la foulée, « le Sénégal a fait preuve de patience et de discernement avant de communiquer sur ce sujet ». En effet, la ministre a confié aux journalistes que tout au début de son arrivée à la tête de ce département et pour se conformer à la promesse de campagne de son candidat à présidentielle du 24 mars dernier, elle avait annoncé une mission d'évaluation de ce protocole qui devra leur servir de baromètre pour la prise de décision.
Elle a soutenu que « cette évaluation qui est une première du côté du Sénégal parce que n'étant jamais effectuée, est en cours et se fera de manière objective et transparente ». « Vous comprendrez aisément que notre pays n'est pas dans une logique de continuité comme l'a d'ailleurs parfaitement illustré la lettre que j'avais adressé à l'Union européenne dès le 11 novembre 2024 pour lui demander d'informer ses navires qu'ils n'ont plus le droit de pêcher dans nos eaux à partir du 17 novembre à minuit », précise la ministre.
Elle a dit que son département se permet d'émettre quelques réserves sur la sortie de la délégation de l'Ue, tant dans la forme que dans le fond. D'abord elle rappelle que lors de l'audience qu'elle avait accordé à l'ambassadeur de l'Ue, 72 heures avant la sortie de leur communiqué, la délégation leur avait exposé les éléments de leur adresse à la presse, ce qu'ils avaient « salué », avant même de rajouter un point sur les exportations. Ainsi, selon elle, il était retenu le partage du projet de texte au moins 24 heures avant la tenue de leur point de presse pour observations.
« Finalement, à ma grande surprise, c'est un document définitif qui m'a été envoyé le jour même de la conférence de presse à 10H 09mn. Nous avons pu constater que dans leur communiqué, ils ont plus accusé le Sénégal de pays non-coopérant à la lutte contre la pêche INN, malgré les efforts consentis depuis mon installation à la tête du département pour une gestion transparente de nos ressources halieutiques », a regretté la ministre.
Aussi, révèle-t-elle, « le carton jaune que l'Ue justifie par des défaillances dans le système de certification et de pratiques de pêche illicite concerneraient des faits qui datent entre 2011 et 2020, bien avant l'installation de notre gouvernement (une responsabilité qu'on nous a fait endosser au nom de la continuité de l'Etat), et auxquels le Sénégal travaille depuis, à apporter des correctifs nécessaires. En ce sens, la ministre semble faire dans la prudence en employant le mode conditionnel pour dire que le carton jaune collé au Sénégal « concernerait » des faits et pratiques qui datent entre 2011 et 2020.
Mais sur ce point précis, Dr Fatou Diouf soutient que l'Etat du Sénégal attend de l'Union européenne la communication des mesures prises contre ses propres entreprises importatrices des produits incriminés et dont la responsabilité doit être située (responsabilités en tant qu'Etat du marché).
Revenant sur le carton jaune, elle rappelle que lors de la première audience qu'elle avait accordée à l'ambassadeur de l'Ue, elle lui avait demandé le « pourquoi de la notification du carton jaune seulement maintenant, alors que celui-ci concerne des événements qui remontent depuis 2016 ».
« Sa réponse était que le contexte préélectoral de l'époque n'était pas favorable pour communiquer. Donc, vous comprenez aisément notre surprise de découvrir la communication de l'Ue sur ce même carton jaune en pleine campagne électorale et à 72 heures de la tenue des élections législatives », signale la ministre en charge des pêches.
Dans la même dynamique, la ministre dit qu'ils ont noté aussi une démarche communicationnelle de l'Ue plus destinée à l'opinion qu'à l'Etat du Sénégal. En effet, argue-t-elle, dans le cadre d'un partenariat juste et bien entretenu par chaque partie, la primeur des informations doit être réservée exclusivement aux canaux d'échange entre les différentes parties prenantes avant l'opinion publique (cas du communiqué sur le carton jaune publié sur leur site et largement commenté par les médias avant sa notification officielle).