Alors que les critères ESG redéfinissent les normes de performance à l'échelle mondiale, de plus en plus d'entreprises tunisiennes s'approprient ce référentiel. Entre opportunités, contraintes et transformations, ces nouveaux standards environnementaux, sociaux et de gouvernance s'imposent comme une boussole pour conjuguer compétitivité et durabilité.
De plus en plus d'entreprises tunisiennes sont en train d'intégrer les critères ESG dans leurs systèmes d'évaluation de performance. E pour environnement, S pour sociétal et G pour gouvernance, les critères ESG jouent aujourd'hui un rôle clé dans l'élaboration des nouvelles politiques des entreprises qui se veulent respectueuses de l'environnement tout en générant un impact social positif et en préservant une performance économique et financière réussie.
Cependant, le concept demeure encore flou pour un bon nombre d'acteurs économiques qui peinent à en saisir l'apport et l'intérêt. Est-ce que toutes les entreprises sont concernées par ce système ESG ? Quels sont ses avantages, ses coûts? Quel type d'expertise faut-il développer pour pouvoir l'implémenter ? Autant de questions ont été abordées lors de la deuxième édition du sommet africain ESG, organisée récemment par le magazine « Managers ».
Une nouvelle donne, de nouvelles exigences
En ouverture de l'événement, Hédi Méchri, universitaire et directeur général de l'économiste Maghrébin, a mis l'accent sur l'impact du basculement géopolitique et géostratégique sur les entreprises « alors même qu'elles sont au coeur de transformations technologiques, environnementales, sociétales et de gouvernance ». Il a ajouté, qu'en conséquence, ces entreprises sont investies de plus de pouvoir et de transformation sociale et environnementale, mais aussi davantage de responsabilités et d'obligations.
« L'efficacité ne se mesure plus au seul profit financier, mais à la durabilité, c'est-à-dire la soutenabilité et l'impact éthique d'un investissement. Autant dire à l'aune de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. La rentabilité est désormais utilisée pour mesurer la responsabilité sociale d'une entreprise. Les entreprises avec une rentabilité plus élevée peuvent avoir plus de ressources et la capacité d'assurer plus de responsabilité sociale », a-t-il précisé.
Un référentiel universel
Interrogé sur la question, Slim Zghal, membre du bureau directeur de l'Iace, a expliqué que les critères ESG s'appliquent aussi bien aux entreprises industrielles qu'à celles de services. Si l'impact environnemental des entreprises de services est souvent limité, elles doivent néanmoins s'investir davantage dans les volets social et gouvernance. « Le volet de la gouvernance est aujourd'hui important surtout dans un contexte où les jeunes, notamment ceux qui travaillent dans le secteur des TIC, accordent une importance particulière à l'environnement professionnel dans lequel ils évoluent. Dans ces entreprises, la façon de diriger et de gérer a changé. On privilégie désormais le management participatif où on conduit par l'exemple. Ce ne sont plus les modèles paternalistes qu'on avait l'habitude de voir dans les entreprises industrielles. Donc, les attentes des jeunes sont extrêmement importantes. Au-delà du salaire, ils espèrent s'épanouir dans l'environnement professionnel où ils travaillent », a détaillé Zghal.
Il a ajouté, dans ce même contexte, que, dans le domaine technologique, de nombreuses entreprises oeuvrent à offrir un environnement attractif aux jeunes afin de les retenir et éviter leurs départs. Aussi, le côté social relève d'une importance cruciale, explique l'expert. « J'aimerais insister sur le fait que le côté social ne doit pas s'arrêter aux portes de l'entreprise. La responsabilité sociale déborde de ce cadre et on doit motiver les gens par rapport à leur environnement », a-t-il noté.
S'agissant de l'impact environnemental, Zghal a fait savoir qu'il y a une prise de conscience de la part des entreprises tunisiennes vis-à-vis de cette question qui occupe aujourd'hui le devant de la scène du développement économique à travers le monde. D'après ses dires, de nombreuses entreprises industrielles investissent aujourd'hui dans les processus de recyclage des eaux usées et des intrants industriels. Des investissements dont les retombées se font sentir, après, en termes de gain de coût.
Une opportunité à saisir
En outre, le membre de l'Iace a ajouté que de nombreuses entreprises ont décidé de mettre le cap sur la durabilité, certaines par conviction, d'autres sous la contrainte, notamment avec l'entrée en vigueur imminente de Macf (Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières) instauré par l'UE.
« Beaucoup d'entreprises sont déjà en train de former leurs équipes pour acquérir une certaine expertise en la matière. Elles sont en train de faire appel à des consultants. Ce qui permet à mon sens de développer un savoir-faire dans lequel la Tunisie peut exceller. Nous disposons de bonnes compétences spécialisées dans ces thématiques qu'on peut encore développer, même par rapport à nos voisins et à d'autres pays. On peut devenir un hub de compétences ESG comme on l'est pour d'autres secteurs », a-t-il poursuivi.
Sur la question d'un éventuel cadre réglementaire obligeant les entreprises à adopter les critères ESG, Slim Zghal estime que la dynamique doit d'abord venir des interactions entre entreprises. « On le constate déjà avec les entreprises exportatrices vers l'UE, qui s'adaptent à des référentiels comme Ecovadis. La tendance est désormais irréversible. Les entreprises doivent elles-mêmes prendre les devants, faute de quoi elles risquent d'être exclues du marché », a-t-il conclu.