La Cour des comptes a fait son rapport public hier. La situation de la Jirama a été particulièrement disséquée.
La gestion tatillonne de la Jirama étant ce qu'elle est, cette société d'État d'eau et d'électricité ne peut qu'intéresser les limiers de la Cour des comptes dans leurs investigations. Son président, Jean de Dieu, a tenu à préciser que « la Cour des comptes publie chaque année un rapport public dans lequel elle présente les principales observations et recommandations formulées par les juridictions financières, dans l'exercice de leur fonction de l'année écoulée ». Sacré champion international de la lutte anti-corruption en 2022 par l'Administration américaine, il a su renforcer sa notoriété au sein de la Cour des comptes.
Cette fois-ci, la Jirama et ses fonctionnalités ont été mises sous le feu des projecteurs, avec d'autres aspects de la vie économique et financière du pays. La Cour des comptes a mis en lumière diverses contradictions pouvant expliquer les difficultés actuelles endurées par la Jirama et qui se répercutent sur ses abonnés, avec leurs effets nuisibles pour la vie économique. Il a été mentionné dans le Rapport public 2024 que « la Cour des comptes a réalisé un suivi des recommandations émises en 2017 à la Jirama et a constaté que seulement 40 % des recommandations ont été suivies d'actions. Plusieurs améliorations sont encore requises, notamment pour le recouvrement des créances envers les clients administratifs».
La Cour a aussi audité la gestion du carburant par la Jirama pour le Réseau Interconnecté d'Antananarivo, couvrant la période de janvier 2020 à juin 2023.
Problèmes financiers
Au cours de cette période, les centrales hydroélectriques et les panneaux solaires produisaient environ 55 % de l'énergie requise par le Réseau, et le reste de l'électricité devait être produit par les centrales thermiques, à partir de carburant. Or, la Cour a constaté que la Société n'arrivait pas à acheter la quantité suffisante de carburant nécessaire à la production thermique.
Ainsi, en 2022, il manquait 27 500 000 kWh d'énergie, un déficit qui s'explique en partie par des problèmes financiers dus aux contrats qui avantagent les producteurs d'énergie privés au détriment de la société. Résultat : la Jirama croulait sous une dette cumulée de 2500 milliards d'ariary et elle était contrainte d'acheter du carburant par voie de réquisition, un mode d'achat qui contribue à son endettement, car les tarifs sont alors fixés par le fournisseur.
Ces indications ont peut-être déjà été soulevées à plusieurs reprises, mais elles ont le mérite d'être connues de tous, grâce à l'intervention d'un organe d'une neutralité acquise. La Cour des comptes n'a pas de pouvoir pour sanctionner, ses déductions peuvent être le point de départ des poursuites judiciaires par les juridictions compétentes.
Pour la Jirama, par exemple, des fuites dans l'achat de carburant ont été constatées. « La Cour a trouvé que la quantité de carburant livrée à la Jirama était inférieure à celle achetée. On note ainsi des écarts de plus de 126 000 litres de fioul et de près de 48 000 litres de gasoil, totalisant des pertes de 734 millions d'ariary. Elle note aussi des écarts entre l'enregistrement des stocks des producteurs privés et ceux de la Jirama.
Par exemple, les entrées de fioul enregistrées par un producteur à Ambohimanambola présentent un écart de 19 800 000 litres de plus que ceux enregistrés par la Jirama. Cette situation fait en sorte que l'information sur les stocks de carburant n'est pas fiable et il en résulte un risque de perte financière pour la Jirama. La Cour recommande de réviser les contrats des producteurs privés, promouvoir les énergies renouvelables en faisant construire des bassins de retenue, et faire le suivi des livraisons et des stocks ».
Des révélations pouvant aider la Jirama à mieux gérer les livraisons de carburant, une des causes principales de la baisse des productions des centrales thermiques, dans l'attente de l'effectivité de la transition énergétique.