Cela fait désormais plus d'une vingtaine de jours que l'incendie de Mare-Chicose fait rage. Il faudra encore attendre un certain temps avant que les pompiers parviennent à maîtriser les flammes et que les habitants des environs, y compris ceux des régions du plateau central, soient enfin libérés des fumées et des odeurs. Depuis le début du sinistre, le gestionnaire du site, le partenariat Sotravic-Strata, fait l'objet de critiques. Un rapport de Luxconsult, le consultant du projet, détaille les manquements et accorde un délai jusqu'au 2 décembre pour que des mesures correctives soient prises.
À l'issue d'une réunion avec les parties prenantes, jeudi, Rajesh Bhagwan, ministre de l'Environnement, affirme que la priorité est avant tout l'extinction du feu. «J'ai déjà été ministre de l'Environnement par le passé. En 1996, j'ai pris en charge ce projet et j'ai suivi les opérations pendant mon mandat de 2000 à 2005. Par la suite, j'ai continué à suivre le dossier dans l'opposition et Joanna Bérenger, qui est responsable de la Commission développement durable, connaît bien le dossier également», dit-il.
Au-delà de l'incendie, Rajesh Bhagwan explique que les stations de transfert de La Chaumière et de La Brasserie, gérées par Sotravic, nécessitent également un désengorgement. Interrogé sur les dysfonctionnements signalés concernant la gestion du site de Mare-Chicose, le ministre précise que lui et sa junior minister n'ont pas encore pris pleinement connaissance des dossiers.
«Il ne faut pas oublier que nous avons prêté serment il y a à peine une semaine. Nous nous sommes rendus sur le terrain dès le lendemain et je répète que, pour l'instant, la priorité est d'éteindre les flammes», insiste-t-il. Il ajoute qu'il existe des rapports ayant souligné des manquements, mais que ces problèmes devront d'abord être abordés en Conseil des ministres.
Manque d'équipements pour le personnel sur le terrain
Il reste encore une quinzaine de jours de travail avant que l'incendie ne soit circonscrit. «Nou pa satisfe ek progresion travay», déplore le ministre de l'Environnement. La tâche est d'autant plus difficile que le personnel sur le terrain doit faire face à un manque d'équipements. Nous avons lancé un appel au secteur privé et à la population, qui ont répondu présents», souligne-t-il. Rajesh Bhagwan a également sollicité des associations de planteurs de canne afin qu'elles mettent des bulldozers à disposition pour aplatir les montagnes de déchets et faciliter le travail.
Concernant la gestion des déchets, qui a conduit à la catastrophe incendiaire, il précise que le problème de Mare-Chicose ne peut pas être traité de manière isolée. «Pendant des années, il y a eu des ateliers de travail et des discours sur l'économie circulaire et le tri des déchets. Des décisions sur l'utilisation du plastique ont aussi été prises mais ont été reportées à plusieurs reprises», explique-t-il.
Tous ces problèmes sont interconnectés et doivent être abordés simultanément. «Joanna ek mwa, nou pa pe rod galoupe avan marse.» Il rappelle ensuite qu'il existe deux volets au problème : le premier est l'incendie lui-même et le second est l'extension du contrat pour la gestion du site, prolongé de dix ans juste avant les élections. Un sujet qui, selon le ministre, sera également soulevé en haut lieu.
Non-respect de l'appel d'offres
Pour en revenir à l'incendie, depuis les élections, les élus n'ont pas mâché leurs mots envers Sotravic. Pour rappel, le gestionnaire du site d'enfouissement est le partenariat Sotravic-Strata. Arvin Boolell avait évoqué un manque de rigueur et de la négligence, ainsi que des normes qui n'avaient pas été respectées. Rajesh Bhagwan, après sa prestation de serment, a aussi parlé de «laxisme du gestionnaire» et a précisé que les explications avancées n'étaient «pas recevables». Selon lui, Sotravic ne dispose ni d'équipements adéquats ni du personnel expérimenté.
C'est d'ailleurs ce qui ressort d'une lettre de Luxconsult, consultant chargé de superviser les opérations et la gestion de Mare-Chicose, adressée à Sotravic-Strata et datée du 18 novembre. Le jeudi 28 novembre, Sotravic-Strata a émis un communiqué affirmant que le contenu de ce «prétendu rapport (...) ne reflète pas la réalité de nos opérations ni de nos engagements», rejetant «les tentatives de remettre en question la crédibilité de la joint-venture Sotravic-Strata, une entité reconnue pour son expertise et son dévouement à fournir des solutions de qualité».
Dans ce rapport, le premier point soulevé concerne l'assurance. Le consultant met en avant que le gestionnaire ne dispose pas d'une police d'assurance, ce qui constitue un «blatant disregard for compliance» et une «serious breach of contractual obligations». L'appel d'offres spécifiait clairement que le contractant était tenu d'avoir une police d'assurance couvrant les blessures et les dommages aux propriétés, pour un montant de Rs 10 millions par affaire.
Le document mentionne également que, malgré le paiement intégral effectué par la Solid Waste Management Division du ministère de l'Environnement, le 15 octobre, Sotravic-Strata, en tant que gestionnaire, n'a pas démontré d'amélioration notable dans l'avancement des travaux sur le site, ni déployé les ressources nécessaires pour accélérer les opérations comme prévu dans le contrat. «De plus, le contractant a ignoré la demande de l'ingénieur (NdlR, du consultant) concernant les détails des dépenses relatives au paiement anticipé. Cela est totament inacceptable.» Le rapport souligne également que le gestionnaire n'a pas soumis de plan d'action.
Le document mentionne également un «failure to mobilise key equipment». Selon l'appel d'offres, Sotravic-Strata devait s'assurer de la disponibilité de terre pour une extinction rapide en cas de feu. Des pompes à eau connectées aux nappes phréatiques, devaient également être installées autour du site. Il était aussi prévu d'utiliser l'eau de la rivière La Chaux, avec des pompes, qu'elles soient permanentes ou temporaires, afin de répondre aux incendies. Le défaut de mobilisation de cet équipement clé, indique Luxconsult dans son rapport, représente un manquement significatif aux obligations contractuelles.
«Cette défaillance a entraîné des retards dans les opérations prévues et a impacté l'avancement global sur le site.» Une autre exigence de l'appel d'offres concerne le «key personnel», incluant un «Construction Manager», un gestionnaire de site et un spécialiste des gaz émanant des centres d'enfouissement. Dans sa lettre, Luxconsult souligne que l'absence de mobilisation de ce personnel clé est préoccupante.
Aucune action n'a été entreprise, malgré les inquiétudes soulevées à plusieurs reprises par l'ingénieur. De plus, aucun rapport quotidien concernant l'implication et les contributions de ces personnels n'a été soumis depuis le début du contrat. «Les postes contractuels requis sont essentiels pour garantir que les travaux soient correctement planifiés et gérés. (...) L'ingénieur affirme que la mauvaise performance constante du contractant aurait pu être évitée si le personnel clé approprié avait été déployé dès le début du contrat», peut-on lire dans le document. Sotravic-Strata avait jusqu'au 4 novembre pour remédier à ces deux problèmes, mais rien n'avait été fait au 18 novembre.
Le lixiviat constitue également un problème majeur à résoudre. Selon Luxconsult, le non-respect par Sotravic-Strata de l'obligation d'évacuer le lixiviat, à une fréquence requise de 6 000 m³ par semaine, représente une violation directe des clauses du contrat. Malgré plusieurs rappels à l'ordre, aucune amélioration n'a été constatée. Les retards dans la soumission d'un plan de gestion des gaz ont également été vivement critiqués.
Pour remédier à cette situation, Luxconsult a d'abord demandé à Sotravic-Strata de remplacer son représentant officiel actuel. Le consultant précise que le nouveau représentant devra avoir des qualifications et une expérience au moins équivalente à celles du titulaire en poste. Un délai jusqu'au 2 décembre a également été accordé à Sotravic-Strata pour résoudre tous les problèmes identifiés.
De son côté, la joint-venture Sotravic-Strata défend son bilan dans un communiqué en affirmant : «La joint-venture Sotravic-Strata s'est toujours engagée à respecter les normes les plus élevées en matière de performance opérationnelle, à collaborer étroitement avec ses partenaires pour offrir des solutions fiables et dans les délais, dans la mesure où les circonstances le permettent.»
Le plan d'action du ministère de l'environnement se dessine
Les priorités de Rajesh Bhagwan et de Joanna Bérenger sont désormais établies dans les grandes lignes. En plus du dossier brûlant de Mare-Chicose, les projets liés à l'économie circulaire et au tri des déchets figurent parmi les chantiers à mener à bien. À la suite d'une rencontre avec le commissaire de police, la police de l'Environnement a également été réactivée. Des transferts ont été effectués, et cette unité a été renforcée par des policiers et des équipements supplémentaires.
«Il ne faut pas oublier que cette unité avait été créée par moi en 2004. D'ailleurs, j'ai toujours dit que chaque policier sur le terrain est un policier de l'environnement», souligne Rajesh Bhagwan. Par ailleurs, une réunion entre le ministre, la junior minister et des organisations non gouvernementales (ONG) est prévue la semaine prochaine. «Les ONG crédibles ne joueront pas un rôle secondaire en matière de protection de l'environnement», dit Rajesh Bhagwan, qui rappelle que plusieurs de ces ONG ont contribué à la victoire de l'Alliance du changement.