Sénégal: 80 ans du massacre de Thiaroye – Le président Faye annonce un comité international de chercheurs pour la reconstitution des faits

2 Décembre 2024

Ce 1er décembre 2024, le Sénégal a célébré le 80ème anniversaire du massacre du camp militaire de Thiaroye, survenu un 1er décembre 1944.

Ce massacre a été commis par les troupes coloniales et des gendarmes français à l’encontre de tirailleurs africains, particulièrement des sénégalais. Il survient à la suite d’une manifestation de tirailleurs, anciens prisonniers de la Seconde Guerre mondiale récemment rapatriés, réclamant les indemnités, les soldes, les primes de démobilisation et autres allocations, mais aussi les conditions du cantonnement à Thiaroye et de retour aux pays d’origine qui leur était promis depuis des mois.

Malheureusement, ce fut un moment tragique pour ces combattants qui réclamaient ce qui leur revenait de droit.

Cette cérémonie présidée par SEM Bassirou Diomaye Faye, Président de la République du Sénégal a regroupé des Chefs d’Etat africains tels que SEM Adama Barrow de la Gambie, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema du Gabon, SEM Mohamed Ould Ghazouani de la Mauritanie, SEM Azali Assoumani des Comores, SEM Umaro Sissoco Embaló de la Guinée Bissau, M.  Jean-Noël Barrot, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,  ainsi que M. Mamadou Diouf, Président du comité chargé de la commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais dans le but de rendre un vibrant hommage aux braves combattants qui ont versé leur sang et leur sueur au nom de la paix et de la liberté pour en retour recevoir une fin tragique et impunie.

A cette occasion, M. Mamadou Diouf a porté un discours plein d’émotion où il condamne la position de la France à vouloir dissimuler les preuves de cette ignominie.

« Le 1er décembre 1944, à 5h30 du matin, 1200 hommes des troupes coloniales françaises et de la gendarmerie prennent position autour du camp militaire de Thiaroye. Les soldats, armés et prêts, sont soutenus par trois véhicules blindés et deux chars. Dans l’enceinte de la caserne, 1200 à 1800 tirailleurs sénégalais ont répondu présent.

La qualification territoriale, « sénégalais » gomme la diversité de leur provenance territoriale. Ils ont été recrutés, souvent de force, dans les possessions françaises d’Afrique (AOF, AEF et Cameroun et au-delà). Ils ont été les victimes des traitements racistes associés au système colonial. Ils ont participé à la guerre sur tous les fronts, en premier lieu, le front européen », a rappelé le Président du comité chargé de la commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais.

Selon lui, dans les jours qui ont suivi le massacre, les autorités françaises ont tout fait pour dissimuler ce que Lamine Gueye qualifiait de « carnage et tuerie ».

Un premier bilan fait état de 35 morts dans une « mutinerie ». Le bilan officiel français dénombre 70 tirailleurs sénégalais décédés. Les estimations les plus crédibles avancent les chiffres de 300 à quatre 400 victimes.

« La violence systématique de la gouvernance coloniale reprenait ses droits. Le paradoxe est que la célébration de la « libération », l’emblème distinctif de la France à la fin de la guerre, signe le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye », a indiqué M. Mamadou Diouf lors de son allocution.

Pour lui, les circonstances, l’intensité des opérations répressives, le nombre de morts demeure incertain à ce jour. « Certaines archives administratives et militaires sont inaccessibles, falsifiées, disparues ou incohérentes », assure-t-il.

Par conséquent, il souligne que lever le voile sur le massacre contre les manœuvres de dissimulation de la vérité est, aujourd’hui, un impératif catégorique. Il appelle ainsi à une collaboration franche et entière de la France.

Un comité international de chercheurs pour la reconstitution des faits

En effet, le Président de la République SEM Bassirou Diomaye Faye a salué la mémoire de ces tirailleurs, martyrs de la liberté, qui ont tout sacrifié : « ils ont donné de leur jeunesse, ils ont donné de leur sang, ils ont donné de leur chair pour la liberté et pour la paix dans le monde ».

Aujourd’hui par devoir de mémoire, de vérité et de justice, « nous ne pouvons oublier l'horreur des exécutions sommaires ici au camp de Thiaroye », a-t-il poursuivi. Selon lui, il est impératif de rappeler toute l'histoire sans trou de mémoire, et c'est ce qui fonde l'essence universelle des valeurs de paix, de libertés, d'égale dignité attachées à la nature humaine.

À en croire le Président Diomaye Faye, toutes ces raisons ont renforcé leur conviction de commémorer l'anniversaire du massacre de Thiaroye pour d’une part, rendre hommage aux victimes et graver leur mémoire dans leur conscience collective et d'autre part jeter les bases de la restauration de la vérité historique en mettant fin à l’omerta sur cet épisode tragique, omerta voulu et entretenu par l'autorité coloniale.

Ce faisant, ajoute-t-il, « il ne s'agira pas d'une porte ouverte pour susciter le ressentiment ni entretenir la colère et la haine, ce que nous faisons ici relève du devoir de mémoire contre l'oubli et pour la manifestation de la vérité des faits pour nous acquitter d'une dette morale vis à vis des tirailleurs et de leurs familles.

C’est pourquoi, SEM Bassirou Diomaye Faye a indiqué la mise en place d’un Comité international de chercheurs indépendants pour aider à la reconstitution exacte des faits et à une meilleure connaissance de cette séquence de notre histoire partagée avec la France.

Pour faciliter les travaux de recherche « J'ai sollicité du Président de la République française la mise à disposition de tous documents d'archives pouvant contribuer à la manifestation de la vérité et leur collaboration le moment venu dans la localisation des sépultures, et l’identification éventuelle des victimes », a-t-il déclaré.

Toutefois, il a salué l'ouverture des autorités françaises actuelles qui ont accédé à leur requête pour la manifestation de la vérité. Il a tenu à rappeler qu’avant cette commémoration, des membres du Comité international de chercheurs se sont rendus en France et ont eu des séances de travail avec les autorités françaises et les responsables de sites où sont présumés garder les archives manquantes. Les recherches se poursuivront après la commémoration, a informé le Président de la République.

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