Burkina Faso: Hypominéralisation des molaires et des incisives - « Nous recommandons une visite annuelle pour toute personne dès l'âge de 2 ans », Salama Yabré, dentiste

2 Décembre 2024
interview

L'Hypominéralisation des molaires et des incisives (HMI), plus connue sous son appelation anglosaxone « Molar Incisor Hypomineralisation » (MIH) est caractérisée par un défaut de développement de l'émail conduisant à des anomalies de translucidité. Cette pathologie intéresse au moins une des 4 premières molaires permanentes et elle est fréquemment associée à des opacités au niveau des incisives permanentes supérieures et, plus rarement, au niveau des incisives inférieures.

Plus de précision avec Dr Salama Yabré, dentiste lieutenant-colonel.

Pourriez-vous expliquer ce qu'est l'Hypominéralisation des molaires et des incisives (MIH) et comment elle se manifeste chez vos patients ?

Le terme « Molar incisor hypomineralisation » ou « MIH » est défini comme étant une hypominéralisation d'origine systémique atteignant une à quatre premières molaires permanentes associées ou non à une atteinte des incisives permanentes.

Les dents atteintes présentent des tâches d'un jaune brunâtre ou encore d'un crème blanchâtre et sont le plus souvent sensibles. Cette maladie est due à un défaut de minéralisation de l'émail dentaire : celui-ci est alors plus tendre et plus poreux que sur des dents saines, et donc aussi bien plus sensible que plus vulnérable à l'infiltration de bactéries, qui, à leur tour, peuvent être à l'origine de caries.

Quelles sont, selon vous, les principales causes ou facteurs de risque de l'apparition de la MIH ?

La formation des dents définitives commence déjà dans le ventre de la mère et s'achève à l'âge de trois ans et demi à quatre ans. C'est à cette époque que le phosphate et le calcium se fixent pour durcir l'émail. Si ce processus est perturbé, l'émail reste tendre, une MIH peut alors en découler. Les origines d'un tel trouble ne sont pas encore clairement déterminées. Différents facteurs sont avancés, par exemples des antibiotiques ou des maladies infectieuses au cours de la petite enfance ou pendant la grossesse, ou l'exposition aux polluants comme les dioxines, les bisphénols. Une carence en vitamine D aussi fait l'objet de soupçons. Les facteurs génétiques notamment une variation génétique de la protéine matricielle amélaire (énaméline) a été associée au MIH. Une analyse génomique très récente montre une association entre le MIH et le polymorphisme d'un nucléotide situé sur le chromosome 22.

Quels sont les premiers signes cliniques qui vous alertent ?

Les signes précoces peuvent être des tâches d'un crème blanchâtre à un jaune brunâtre sur les molaires, touchant éventuellement aussi les incisives. On peut avoir : émail écaillé, absence de cuspides, douleurs pendant le brossage des dents, sensibilité, voire douleurs, notamment au chaud ou au froid, en mangeant.

Quelles sont les conséquences cliniques de la MIH sur la santé bucco-dentaire à long terme ?

L'émail étant plus poreux, il ne remplit plus son rôle de protection de la dentine et de la pulpe. Les patients se plaignent de douleurs importantes au contact du froid, du chaud mais aussi au contact de l'air. De par ces sensibilités thermiques, chimiques et mécaniques, les enfants souffrant de MIH trouvent le brossage dentaire douloureux. L'accumulation de plaque dentaire favorise alors le développement de lésions carieuses d'autant plus que l'émail est déjà fragilisé. Les défauts de minéralisation sur les incisives sont fréquemment source de complexe chez ces enfants sur le plan esthétique.

Quels traitements proposez-vous pour gérer la MIH chez les enfants et les adultes ?

La prise en charge de la MIH dépendra du degré d'atteinte et de types de dents. L'arsenal thérapeutique comprend le conseil sur l'hygiène de vie au cours de la grossesse, des traitements préventifs à partir de matériaux relarguant le fluor (le vernis, le sealent et les cvi), aux restaurations aux composites en cas de perte de substances dentaires légère et moyenne, aux coiffes pédodontiques préformées en cas de perte de substance grande et à l'extraction en cas d'atteinte sévère.

Quels défis rencontrez-vous généralement dans la prise en charge des patients atteints de MIH, en particulier lors des soins dentaires ?

Le défi majeur reste les reprises de soins. Les restaurations effectuées sur ces dents ont une durée de vie réduite, de par l'étendue des lésions et de l'adhésion plus difficile à cette structure amélaire modifiée. Il est souvent difficile de déterminer les limites de la préparation de la dent lors de l'éviction de la lésion carieuse. Cette frontière est parfois difficile à visualiser pour le chirurgien-dentiste, qui est partagé entre la volonté de ne pas être trop invasif et la certitude d'avoir éliminé tout l'émail nécessaire à une restauration pérenne dans le temps. L'autre défi est le coût des prises en charge qui n'est pas souvent à la portée de nos patients qui ont des moyens financiers limités.

Quels sont les effets de la MIH sur la qualité de vie des patients, notamment en termes de douleur, d'esthétique et de fonction masticatoire ?

La MIH est sans doute l'une des pathologies les plus difficiles à gérer tant pour le patient que pour le praticien. Elle impacte de manière délétère la qualité de vie des patients en termes d'hypersensibilité, des difficultés masticatoires et même l'esthétique lorsque les incisives sont atteintes.

Il convient afin de réduire considérablement les conséquences de cette maladie de se faire dépister très tôt pour une meilleure prise en charge. Nous recommandons une visite annuelle pour toute personne dès l'âge de 2 ans, seul moyen de dépistage et de prise en charge précoces de ces pathologies.

 

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