Sénégal: Thiaroye 44 - les historiens invités à la vigilance

Dakar — Les historiens doivent toujours faire preuve de vigilance dans le travail de mémoire et éviter de "se laisser embarquer par un dossier", a recommandé l'universitaire sénégalais Ibrahima Thioub, en prononçant, lundi, la leçon inaugurale du colloque international organisé à l'UCAD, à l'occasion de la commémoration des 80 ans du massacre de Tirailleurs sénégalais à Thiaroye.

"En vue d'une histoire de mémoire, les historiens doivent toujours garder la vigilance et ne pas se laisser embarquer par un dossier. Ils ont à investir cette mémoire, à en faire une matière première pour en rendre compte dans les règles de la discipline", a-t-il préconisé.

Il a appelé ses collègues historiens à "rester attentifs à la différence des visées", précisant que "la visée mémorielle n'est pas la visée historienne".

Ibrahima Thioub estime que si les historiens font le travail et un travail d'historien, ils peuvent éclairer la mémoire, donner de la matière à la mémoire, pour que soient édifiés en toute connaissance de cause, des monuments, pour que des films de très bonne qualité continuent d'être produits.

Il estime en effet que "la mémoire a cette capacité à mobiliser que les historiens n'ont pas".

"S'il y a un évènement survenu durant la deuxième Guerre mondiale qui demeure ancré, vivace dans les mémoires africaines de la colonisation, c'est bien le massacre des tirailleurs sénégalais, survenu le matin du 1er décembre 1944", insiste le professeur Ibrahima Thioub.

Il soutient que "c'est une tragédie qui se rattache en fait, à une longue tradition du gouvernement colonial de répression et de maintien de l'ordre public".

L'ancien directeur de l'Institut interdisciplinaire virtuel des hautes études sur les esclavages et les traites indique que la sensibilité de la question dans les relations franco-africaines explique certainement, le renoncement du Sénégal à faire du 1er décembre la date de commémoration de la journée du tirailleur, sous le règne du président Abdoulaye Wade.

"La mémoire africaine construite sur le passé des tirailleurs se révèle comme toute mémoire sélective", a souligné le Pr Thioub, fondateur du Centre africain de recherches sur les traites et les esclavages du département d'histoire de l'UCAD.

Ce colloque est organisé par la Faculté des lettres et sciences humaines de l'UCAD, en partenariat avec le comité scientifique de la commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs à Thiaroye.

Il a vu la participation de la rectrice intérimaire de l'UCAD, Aminata Niang Diène, d'éminents professeurs, de chercheurs et d'étudiants.

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