L'armée américaine a achevé son retrait du Niger après 11 ans de coopération militaire avec ce pays d'Afrique de l'Ouest.
Cette décision fait suite à un désaccord majeur survenu au début de l'année, lorsque le gouvernement nigérien a accusé les États-Unis d'avoir eu une attitude condescendante pendant les négociations.
Les États-Unis ont retiré leur soutien militaire après que la junte nigérienne a pris le pouvoir en juillet 2023. La junte a alors déclaré que les États-Unis essayaient de la forcer à choisir entre la Russie et les États-Unis. Bien que les États-Unis aient obtenu un certain délai pour quitter le Niger, la suspension immédiate de la coopération militaire a été annoncée après une réunion entre les dirigeants militaires nigériens et les diplomates américains en mars 2024.
Peu après l'avis d'expulsion, l'armée américaine a commencé à chercher une autre base dans la région.
Je fais des recherches sur l'insécurité et la politique dans la région depuis plus de dix ans et j'ai déjà analysé l'impact de la base de drones américaine au Niger. Avant l'ouverture de la base, j'ai analysé les raisons pour lesquelles il était peu probable qu'elle réduise le terrorisme dans le pays ou la région.
Je soutiens que malgré la fracture actuelle au sein de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et l'animosité avec les partenaires occidentaux, en particulier les États-Unis, une collaboration régionale et internationale est nécessaire pour lutter contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest.
Dans la recherche d'une nouvelle base américaine dans la région, la Côte d'Ivoire et le Bénin sont les deux options les plus probables à ce stade. Toutefois, ces deux pays risquent de présenter des problèmes logistiques.
Le Tchad, ancien allié des États-Unis, aurait été l'option la plus appropriée, mais le pays a également explusé les forces spéciales américaines en avril 2024, quelques semaines avant l'élection présidentielle.
Alors que les prévisions en matière de sécurité pour la région restent sombres avec la montée du terrorisme, il est évident que les pays de la région ont besoin d'aide pour lutter contre le terrorisme.
Avec le refus de rejoindre à nouveau la Cedeao, d'autres domaines de coopération en matière de sécurité doivent être renforcés. La Force multinationale conjointe et l'Initiative d'Accra, auxquelles les trois pays sont toujours associés, doivent être renforcées. Il en va de l'intérêt de tous les pays de la région.
Importance de la lutte contre le terrorisme au Sahel
Le nombre d'attaques terroristes et de morts dans la région a augmenté depuis 2019 malgré la présence de partenaires militaires étrangers.
Bien que les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger aient formé l'Alliance des États du Sahel (AES) pour lutter contre le terrorisme et promouvoir le développement économique, les récentes attaques ayant fait de nombreux morts indiquent que les groupes terroristes pourraient déjà tirer parti de l'absence de stratégie coordonnée de lutte contre le terrorisme dans la région.
Le terrorisme risque également de s'étendre à d'autres pays côtiers d'Afrique de l'Ouest. Récemment, le représentant spécial des Nations unies pour le Sahel et l'Afrique de l'Ouest, Leonardo Simão, a souligné les menaces que le terrorisme fait peser sur l'ensemble de la région.
Les États-Unis et la recherche de nouveaux partenaires
Plusieurs mois avant que les États-Unis ne quittent définitivement le Niger, le Commandement des États-Unis pour l'Afrique avait commencé à chercher de nouveaux partenaires pour établir une nouvelle base dans la région.
Depuis janvier 2024, le commandant, le général Michael Langley, s'est rendu dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest pour renforcer les relations bilatérales.
Il s'est rendu au Nigeria en janvier. En avril, il a effectué une visiste en Côte d'Ivoire pour « renforcer le partenariat de longue date entre les États-Unis et le gouvernement ivoirien ». Il a déclaré que le Commandement américain pour l'Afrique fournirait plus de 65 millions de dollars en 2024 pour les opérations de lutte contre le terrorisme dans la région.
L'autre pays visité a été la République du Bénin en mai. Le Bénin est considéré en partie en raison de son appartenance à la Force multinationale conjointe, qui a été créée pour lutter contre le terrorisme dans la région. Cette force a travaillé en étroite collaboration avec les États-Unis dans la lutte contre Boko Haram et ses affiliés.
Peu après les visites américaines au Nigeria, en Côte d'Ivoire et au Bénin, les dirigeants du nord du Nigeria ont mis en garde le gouvernement contre l'idée de permettre aux États-Unis et à la France de transférer leurs bases du Sahel au Nigeria.
Ils ont affirmé que la tentative des États-Unis et de leurs alliés de lutter contre le terrorisme au Sahel avait été « assez peu impressionnante, voire un échec complet ».
Citant des données du Pentagone, les dirigeants ont affirmé (comme je l'ai fait) que le terrorisme avait augmenté de façon spectaculaire dans la région depuis le début des opérations américaines.
Les États-Unis ont finalement nié avoir l'intention d'établir une base militaire au Nigeria.
L'avenir des opérations américaines en Afrique de l'Ouest et au Sahel
Bien que la Côte d'Ivoire et le Bénin restent les deux options probables, des opérations américaines réussies à partir de ces pays sont peu probables. Cela pour trois raisons principales.
Premièrement, les deux pays sont trop éloignés de l'épicentre du terrorisme dans la région. La plupart des activités terroristes se déroulent autour des trois frontières du Mali, du Burkina Faso et de l'Algérie, qui se trouvent à des centaines de kilomètres de la Côte d'Ivoire et du Bénin. Faire voler des drones de reconnaissance à partir de l'un ou l'autre de ces pays poserait d'énormes problèmes logistiques aux États-Unis.
Deuxièmement, les drones opérationnels destinés à couvrir le Sahel devraient survoler le Mali et le Niger, deux pays actuellement hostiles aux États-Unis. Le Niger travaille actuellement avec la Russie, qui lui a fourni des systèmes de défense aérienne.
La récente incursion de l'Ukraine dans le Sahel pour soutenir les forces touaregs appuyées par des groupes terroristes a renforcé la suspicion à l'égard des partenaires américains dans la région.
Les États-Unis, en tant que fervent allié de l'Ukraine, sont restés silencieux sur l'attaque qui a entraîné la mort de dizaines de soldats maliens. Malgré ses divergences avec le Mali, la Cedeao a condamné « l'ingérence extérieure » dans la région.
Quelle est la voie à suivre pour les États-Unis ?
L'option la plus viable pour les Etats-Unis reste le Tchad. Les États-Unis ont entretenu des relations de travail avec le pays dans le cadre de la force multinationale mixte et ont déjà déployé des troupes au Tchad en nombre limité.
En septembre 2024, les États-Unis et le Tchad se sont mis d'accord sur le retour d'un « nombre limité » de forces spéciales dans le pays, quatre mois seulement après leur départ. Cela pourrait éventuellement conduire au retour des États-Unis dans la région.
Les États-Unis doivent revoir ce qui n'a pas fonctionné lors de leurs précédentes opérations dans la région. Il s'agit notamment de leur diplomatie, de la transparence dans les pays d'accueil et d'un véritable désir d'aider ces pays à lutter contre le terrorisme.
En attendant, il est nécessaire de renforcer la Force multinationale conjointe mixte et de mettre en oeuvre l'initiative d'Accra. Si la force multinationale reste opérationnelle, l'initiative d'Accra n'a pas été pleinement mise en oeuvre. Je pense que ces plateformes offrent les meilleures opportunités pour la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest et au Sahel à l'heure actuelle.
Olayinka Ajala, Associate professor in Politics and International Relations, Leeds Beckett University