Dans la guerre qui oppose les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) à l'armée régulière soudanaise depuis près de 19 mois, les FSR multiplient depuis plusieurs semaines les attaques contre l'armée, moyennant de nouveaux drones. Des « drones stratégiques » selon Khartoum qui dénonce une ingérence dans les affaires soudanaises « directe et claire » de la part des Émirats arabes unis et du Tchad voisin. Dans un développement inédit depuis le début de la guerre en avril 2023, le ministère de la Défense soudanais hausse le ton et menace d'y répondre.
C'est lors d'une conférence de presse tenue ce lundi à Port-Soudan que les responsables soudanais ont multiplié les accusations contre les Émirats arabes unis et le Tchad pour leur implication « directe et claire » dans la lutte en cours au Soudan, aux côtés des FSR ce qui pourrait prolonger la durée de la guerre et la souffrance du peuple soudanais.
Il s'agit de l'utilisation pour la première fois, le 24 novembre 2024, des « drones stratégiques » de fabrication tchèque, mais rassemblés à Abou Dhabi avant d'être acheminés vers le Tchad pour frapper l'armée soudanaise à partir d'un aéroport tchadien situé près de la frontière.
Ces « drones stratégiques » porteurs de missiles ont visé les sites militaires de l'armée à Omdourman. Six missiles ont été lancés, a affirmé un cadre du ministère soudanais de la Défense. Ces drones s'appuient sur des satellites pour lancer des missiles dirigés. Ils ont depuis été utilisés à plusieurs reprises à Khartoum et à El-Fasher, toujours selon le gouvernement soudanais.
Selon le ministre soudanais de l'Information et de la Culture, Khalid Ali Aleisir, le gouvernement soudanais considère que c'est une attaque « directe » d'Abou Dhabi et de Ndjamena « contre le Soudan et son peuple », a-t-il dit. Quant au ministre de la Défense, Yassin Ibrahim Yassin, il a considéré que c'est un acte « ennemi » affirmant que le Soudan « se réserve le droit d'y répondre au moment opportun ».
L'armée s'est basée sur l'analyse des éléments des missiles lancés par les drones qui pourraient visiblement parcourir plus de 1 000 km pour frapper Khartoum.
Le Tchad et les Émirats arabes unis ont été accusés à plusieurs reprises de s'être impliqués directement dans le dossier soudanais ; alors qu'ils ont toujours nié leur implication, même si cela a été notifié dans des rapports des Nations unies.
Sollicité, le porte-parole du gouvernement tchadien n'a pas encore réagi à ces nouvelles accusations.
Des drones Danger Propellers interceptés
Un communiqué des forces communes qui combattent, aux côtés de l'armée au Darfour, fait état d'interception d'autres drones de ce type nouveau, porteur de missiles, dimanche 1er décembre, aux mains des FSR, près de Nyala, en route vers le centre du Soudan. Le communiqué précise que ces armes venaient du Tchad.
Les documents filmés de l'opération montrent un butin de trois drones pouvant porter quatre missiles chacun, et six autres plus petits qui pourraient être chargés de deux missiles chacun. Il s'agit de Danger Propellers, fabriqués en République tchèque par la société Woodcomp Propellers. Selon les autorités soudanaises, ils auraient été assemblés à Abou Dhabi.
Mais aussi des drones kamikazes
Autre aspect inquiétant et qui pourrait augmenter le risque de l'extension du conflit au Soudan : l'apparition, depuis plusieurs semaines, de dizaines de drones kamikazes, utilisés par les Forces de soutien rapide pour frapper l'armée. Depuis quinze jours, presque quotidiennement des villes comme Shendi, Meroë et Atbara, situées dans l'État du Nil au nord du pays, une région calme et non touchée par la guerre jusqu'ici, sont attaquées par les drones kamikazes. Et ce sont les pistes d'atterrissage de l'aéroport de ces villes qui ont été spécifiquement visées. Seize drones kamikazes ont attaqué l'aéroport de Meroë, selon un communiqué de l'armée, quatre autres l'aéroport de Shendi... Certains ont cependant été abattus.
Cette région accueille de multiples bases militaires de l'armée régulière. Selon des experts militaires, en attaquant des lieux relativement épargnés depuis le début de la guerre, les FSR veulent passer un message à l'armée : elles sont capables de frapper partout au Soudan.
El-Fasher en ligne de mire
À El-Fasher, les drones kamikazes sont entrés massivement dans la bataille il y a un mois. L'armée a annoncé samedi dernier y avoir abattu une vingtaine de ces drones suite à une grande attaque qui a eu lieu jeudi et vendredi derniers.
Cette nouvelle arme utilisée par les FSR au Soudan vise à faire tomber la ville d'El-Fasher aux mains de l'armée. La ville est encerclée depuis des mois par les FSR. Selon des comités locaux, ces drones kamikazes ont une capacité de vol de 300 km.
El-Fasher est le dernier bastion de l'armée soudanaise dans les cinq États du Darfour contrôlé à 90% par les FSR.