La 16e journée de l'Association des malades du cancer (AMC), qui a eu lieu samedi dernier à Tunis, a été axée sur la corrélation entre le parcours thérapeutique et les conditions qu'endure le patient pour parvenir à son but. «Parcours du patient : comment avancer avec espoir et dignité ?» constitue une problématique qui en dit long sur les obstacles et les contraintes auxquels se heurte le malade du cancer ; des contraintes administratives et procédurales qu'il est possible d'aplanir dans le cadre d'un consensus édifiant entre les parties concernées.
Depuis sa création effective en 2011, l'AMC ne ménage aucun effort dans le but de soutenir les malades du cancer dans leur parcours pour la guérison. Situé au coeur de la zone hospitalière à Beb Saâdoun, elle met à la disposition des malades un foyer doté de toutes les commodités nécessaires afin de leur faciliter le déplacement vers les centres d'oncologie et donc, l'accès aux soins et ce, à titre gratuit.
Parallèlement, elle leur offre toute une panoplie de prestations sociales, psychologiques et de divertissement et leur facilite les démarches administratives, relatives au parcours thérapeutique. Outre l'appui aux malades, l'AMC multiplie ses actions de sensibilisation et de dépistage du cancer et ce, via l'organisation de caravanes de santé, de journées portes-ouvertes en tenant à impliquer les spécialistes, les institutions nationales et la société civile.
Faire sortir le patient du circuit des médicaments
Néanmoins, et en dépit des efforts fournis par les organisations gouvernementales et non gouvernementales pour hisser le niveau des prestations de soins anticancers, le parcours du patient demeure un véritable calvaire. Tourmenté par tant de craintes, d'angoisses et d'interrogations sur son avenir, le patient se doit, en dépit de la douleur physique et mentale de s'adonner à une véritable course afin de préparer son dossier et bénéficier, enfin, du droit au médicament. «Il est pénible de devoir passer une heure à rédiger des papiers pour que le patient, qui se trouve en face de moi et qui vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer, puisse entamer sans tarder les procédures, lesquelles prennent immanquablement du temps, pour qu'il décroche enfin, l'accord de bénéficier du traitement.
En 2022, un projet a été lancé afin de faire sortir le patient du circuit des médicaments. Nous avons convenu ainsi que l'hôpital Salah Azaïez, la Pharmacie Centrale et la Cnam à ce que le médicament soit, désormais, disponible à l'hôpital. Ce qui manquait à l'aboutissement du projet n'était autre qu'un logiciel pour informatiser les données et les ordonnances prescrites !», a indiqué le Dr Nesrine Mejri, oncologue à l'hôpital Abderrahmen Mami à Tunis qui s'était déplacée, spécialement, pour mettre le doigt sur la blessure béante. «Il faut avancer dans ce sens et ne pas baisser les bras ! Il ne faut aucunement lâcher prise en donnant pour prétexte les innombrables lacunes du système», a-t-elle ajouté.
Thérapie ciblée : place à la production nationale !
Faciliter l'accès mais aussi garantir la disponibilité des médicaments : voilà le challenge de la Pharmacie Centrale qui doit réussir sa mission en la présence d'un «véritable glissement thérapeutique anticancer», selon les propos de M. Mahdi Dridi, directeur général de la PCT. Certes, les médicaments classiques sont disponibles surtout que la Tunisie dispose de deux industries locales qui assurent leur production. Cependant, pour la thérapie ciblée, c'est une autre paire de manches.
«Le coût d'un traitement par thérapie ciblée par malade varie de cinq mille dinars à quinze mille dinars. Ce coût augmente remarquablement au fil des années. Cette année, il ne nous coûtera pas moins de 300 millions de dinars alors qu'il était aux alentours de 120 millions de dinars et de 80 millions de dinars en 2022. Un tel chamboulement ne nous rend pas la tâche facile puisqu'on a du mal à cadrer avec une telle évolution», a avoué le responsable de la Pharmacie Centrale. Cette dernière peine à honorer ses engagements internationaux à temps. Elle poursuit tout de même ses négociations avec les big pharma mondiales pour garantir la disponibilité des médicaments. «Nous sommes dans l'incapacité même de stocker les médicaments», a-t-il ajouté. Toutes les conditions convergent vers l'indispensable passage à la production nationale des médicaments innovants, relatifs à la thérapie ciblée.
De la culture de la prévention
Parallèlement aux défis qui se présentent aux institutions nationales, d'autres défis doivent être relevés par les Tunisiens : il s'agit d'une prise de conscience collective sur l'indispensable lutte contre les maladies cancéreuses ; une cause qui passe, avant toute chose, par la prévention. Si le Dr Mejri appelle au sevrage tabagique pour freiner l'un des principaux facteurs de risque propice au cancer, le Pr Sami Ben Rhouma, urologue, lui, attire l'attention, outre le sevrage tabagique, sur la notions de santé et de bien-être.
«Les Occidentaux font tout pour ne pas tomber malades, vu que l'accès aux soins leur est fort coûteux. Leur hygiène de vie est saine : ils mangent équilibré, font du sport et préservent leur environnement afin qu'il soit propre et sain. Nous, en revanche, nous vivons dans un environnement objet de peu d'intérêt. Notre alimentation est loin d'être équilibrée. Pis encore : nos aliments regorgent de pesticides. Le plastique est utilisé comme emballage pour tous les produits ou presque. Certes, poursuit-il, le tabac constitue un sérieux facteur de risque. Cependant, nos aïeuls fumaient et n'avaient pas le cancer, car leur hygiène de vie était meilleure». Pour lui, la prévention implique une bonne hygiène de vie, un environnement sain mais aussi le dépistage précoce.
Le «novembre bleu» est consacré, désormais, à la lutte et à la sensibilisation sur le cancer de la prostate ainsi que sur tous les cancers qui menacent la santé et le bien-être des hommes. Le Pr Ben Rhouma appelle les hommes qui ont un antécédent de faire un examen par scanner annuel pendant cinq années successives, en guise de dépistage. Pour les hommes qui n'ont pas d'antécédents, un examen par prélèvement sanguin (PSA) s'impose à partir de l'âge de cinquante ans.
«Pour les hommes qui ont un facteur héréditaire ou qui ont une parente qui a été atteinte d'un cancer du sein, le PSA s'impose dès l'âge de quarante ans», a-t-il précisé. Cancer de la prostate, du poumon, mais aussi de la vessie ; des maladies qui peuvent être évitées via une bonne hygiène de vie et un sevrage tabagique.