Ile Maurice: Des défis légaux, une course contre la montre

4 Décembre 2024

L'annonce récente du gouvernement concernant l'introduction d'un 14e mois de boni pour les employés a suscité de vifs débats, non seulement sur son impact économique, mais aussi sur les implications légales nécessaires pour rendre cette mesure obligatoire. Selon la Workers' Rights Act de 2019, les employeurs doivent déjà accorder un boni de fin d'année aux salariés touchant jusqu'à Rs 100 000 par mois, pourvu qu'ils aient été en poste du 1er janvier au 31 décembre.

Cependant, l'introduction du 14e mois nécessitera une modification législative pour que cette mesure ait force de loi. Sans cela, les entreprises ne seront pas légalement tenues de verser ce boni additionnel. Outre l'aspect économique de cette mesure, le défi consiste à allier rapidité et rigueur légale.

Actuellement, la WRA impose aux employeurs de verser un boni équivalent à 1/12e des rémunérations annuelles pour les employés en poste du 1er janvier au 31 décembre. Ce boni doit être payé en deux tranches : 75 % avant le 20 décembre et le reste au plus tard le dernier jour de travail de l'année. Toutefois, sans amendement de la loi pour inclure le 14e mois, les entreprises ne seraient pas légalement tenues de le verser.

Cette problématique a déjà été mise en lumière lors de la tentative d'instauration de la relativité salariale en août par l'ancien gouvernement. Des retards dans la publication des Remuneration Orders avaient conduit certaines entreprises à refuser de se conformer aux annonces gouvernementales. Un autre exemple concerne les erreurs dans les Remuneration Orders qui, une fois publiés, avaient dû être corrigés par le ministère du Travail, prolongeant ainsi les délais de mise en application.

Business Mauritius conteste par voie de révision judiciaire ces nouvelles régulations salariales émises par le ministère du Travail sous l'Employment Relations Act (ERA). Cette bataille légale vise à clarifier les pouvoirs conférés au ministre par les articles 94 et 106 de l'ERA et leur interaction avec les articles 91 à 93. Selon Business Mauritius, qui représente le secteur privé, le recours à l'article 94 pour adopter les nouvelles régulations salariales pose problème.

Cet article, argue-t-elle, est principalement destiné à encadrer des ajustements limités comme les Additional Remunerations ou le National Minimum Wage, sans conférer de pouvoirs décisionnels étendus au ministre. Business Mauritius estime que ces régulations, en l'état actuel, pourraient ne pas respecter pleinement les cadres légaux définis par la loi.

Ce précédent souligne l'importance d'une préparation méticuleuse pour éviter des complications similaires avec le 14e mois. La procédure pour intégrer cette mesure à la législation doit encore être définie. Une fois les recommandations formulées par le ministère du Travail, elles devront être examinées par le State Law Office avant d'être traduites en loi et publiées dans le Journal officiel. Cette étape est essentielle pour garantir la force obligatoire de la mesure.

Ce processus peut s'avérer long. Le nouvel Attorney General, Gavin Glover, Senior Counsel, a toutefois indiqué que le 14e mois figurera parmi les dossiers prioritaires à traiter rapidement. Cependant, il reste à voir si le cadre légal pourra être finalisé dans les délais impartis afin d'éviter des situations où des compagnies refuseraient de payer, comme cela a été le cas pour la relativité salariale. À noter qu'à ce jour, les entreprises, particulièrement celles ne relevant pas de Remuneration Orders, attendent toujours des recommandations du National Remuneration Board au sujet de la relativité salariale. Ces recommandations devront également passer par le bureau de l'Attorney General avant d'être gazetted.

Rappelons que le droit au 13e mois, acquis en 1975, est le fruit d'un combat syndical intense, mené par des figures emblématiques. À l'époque, seuls les employés des grandes entreprises, notamment dans le secteur sucrier, bénéficiaient d'une gratification. Ce contexte a changé après le boom sucrier de 1973, qui a permis d'étendre ce bénéfice à tous les salariés, grâce à l'intervention du gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam.

Outre l'aspect économique, le gouvernement est face à une course contre la montre pour éviter les écueils du passé et s'assurer que cette promesse devienne une réalité pour les travailleurs avant la fin de l'année.

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