Ile Maurice: Le masque de l'argent sale

4 Décembre 2024

De nouveaux billets de Rs 100, Rs 200 et Rs 1 000 entreront en circulation. C'est ce qu'annonce la Banque de Maurice. En polymère, ils coexisteront avec les billets en papier. Mais d'ici 2025, tout basculera vers le polymère. Ce changement va plus loin que l'apparence ou la durabilité. Il marque un combat. Celui contre l'économie parallèle, le blanchiment d'argent et une mafia enracinée dans nos institutions.

Pendant 20 ans, les billets actuels ont circulé. Ils ont porté, en silence, des fortunes illégales, le trafic de drogue et des transactions illicites. Chaque billet en papier est un témoin. Un fragment d'un système gangrené. Rien que le trafic d'héroïne génère au moins Rs 5 milliards par an à Maurice. Derrière ce chiffre, une réalité oppressante : corruption, violence et évasion fiscale.

Changer les billets est une nécessité. Une urgence. D'anciens gouverneurs de la Banque centrale l'ont dit : cela aurait dû être fait depuis longtemps. Ce n'est pas qu'une question technique. C'est une arme stratégique pour déstabiliser les réseaux criminels.

Le polymère, c'est la modernité. Solide, durable, presque infalsifiable. Trois coupures en polymère existent déjà - Rs 25, Rs 50, Rs 500. Étendre cette technologie à toutes les dénominations est une avancée logique. Mais c'est plus que ça. C'est une tentative de forcer les criminels à sortir de l'ombre. Les liasses cachées sous les matelas ou dans les coffres devront être déclarées. Le papier disparaît, et, avec lui, un pan de l'économie parallèle.

Le rapport de la commission Lam Shang Leen a été clair. Les grosses coupures, comme le billet de Rs 2 000, doivent disparaître. Elles sont les alliées des trafiquants. Légères, compactes, elles permettent de transporter des fortunes illicites discrètement.

Certes, leur usage diminue. Mais leur existence reste une menace. Ramesh Basant Roi l'avait d'ailleurs souligné dans une interview à l'express : à l'ère des paiements électroniques, ces coupures n'ont plus leur place. Tout peut désormais se faire en ligne. Un clic suffit pour transférer des millions.

Mais remplacer les billets n'est pas sans risque. L'Inde en 2016 en est un exemple. Une démonétisation surprise a semé le chaos. Files interminables devant les banques. Une économie paralysée. Maurice ne peut suivre ce chemin.

Il faudra du temps. De la pédagogie. Informer, expliquer, rassurer. Les citoyens doivent savoir ce qui se passe. Ils doivent avoir le temps d'échanger leurs billets sans crainte.

Changer les billets, c'est bien. Mais ce n'est pas suffisant. Le problème est systémique. La monnaie en circulation croît de plus de 10 % par an. Pourquoi ? Parce que l'argent liquide est au coeur de l'économie parallèle.

Le gouvernement doit aller plus loin. Il doit s'attaquer aux racines du mal. Réguler davantage. Renforcer les contrôles. Promouvoir les paiements électroniques. Et traquer, sans relâche, les flux d'argent illicites.

L'image de Maurice est en jeu. Le monde nous regarde. Sommes-nous sérieux dans notre lutte contre la criminalité financière ? Ou restons nous un paradis pour l'argent sale ?

Une monnaie obsolète nuit à notre crédibilité. Adopter des billets modernes, sécurisés, est un premier pas. Mais cela doit s'accompagner d'une volonté politique forte. Sans cela, le changement restera superficiel.

Changer les billets, c'est plus qu'un geste technique. C'est un signal. Celui d'un pays qui refuse de se laisser dévorer par la corruption et l'inaction.

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