Le Festival Kreol, qui célèbre cette année son 25e anniversaire à Rodrigues, aurait dû être une occasion de fierté pour Arnaud Henri, plus connu sous le nom de scène Byron Jah. Ce chanteur et musicien originaire d'Agaléga, âgé de 31 ans, devait se produire ce samedi lors du prestigieux concert de l'océan Indien. Mais à quelques heures de son vol prévu de Maurice, l'artiste se retrouve cloué sur son île, incapable de rejoindre Rodrigues, faute de moyen de transport. Son vol de Maurice pour Rodrigues est prévu aujourd'hui à 10 h 40.
Arnaud Henri a reçu une invitation officielle il y a plus de deux semaines. Dès le 27 novembre, il a adressé une demande aux autorités, notamment à l'Outer Islands Development Corporation (OIDC), au ministère des Arts et de la culture, ainsi qu'à d'autres instances concernées. Il sollicitait un siège sur le Dornier, l'avion qui relie Agaléga à Maurice. Cependant, ses requêtes sont restées lettre morte. «Je voulais représenter mon île avec fierté», confie l'artiste. «Mais si je ne peux pas partir, je vais devoir publier une vidéo sur YouTube ou TikTok. C'est déplorable et inacceptable.»
Le dernier vol du Dornier vers Agaléga remonte aux élections générales, lorsqu'il transportait les urnes. Depuis, aucun transport régulier n'a été assuré entre les deux îles. Le Dornier était attendu en début de cette semaine pour le transport des infirmiers pour relever leurs collègues sur l'île - où le seul médecin a dû faire le déplacement à Maurice depuis un mois pour raisons personnelles. Jusqu'à présent aucune disposition n'a été prise pour permettre à Byron Jah de voyager.
Le Festival Kreol aurait été une tribune exceptionnelle pour Arnaud Henri, qui milite depuis des années pour que les artistes d'Agaléga obtiennent la même reconnaissance que leurs homologues des autres régions. «La vie d'artiste à Agaléga est un véritable parcours du combattant. Il n'y a presque pas d'événements culturels officiels, et se déplacer reste une épreuve», explique-t-il.
Un sentiment d'abandon
Avec plusieurs morceaux à son actif, dont Zot pe pran partou, où il aborde les problématiques liées aux constructions massives sur l'archipel, Byron Jah incarne une voix artistique unique. Ses chansons témoignent des défis sociaux auxquels Agaléga est confrontée, tout en célébrant l'identité culturelle de son île natale. Cette performance aurait également marqué sa quatrième participation au Festival Kreol.«C'est une opportunité rare de montrer au reste le talent des artistes agaléens», souligne-t-il avec émotion.
Pour Arnaud Henri, cette situation illustre un problème plus large.«Les artistes d'Agaléga se sentent abandonnés. Manque de fonds, manque de reconnaissance... Les autorités ne nous soutiennent pas», déplore-t-il. L'absence de moyens de transport entre Agaléga et le reste du pays ne fait qu'aggraver ce sentiment d'isolement. Malgré l'urgence, les autorités n'ont toujours pas répondu à ses sollicitations.
Arnaud Henri espère encore un miracle de dernière minute, mais il est conscient que chaque heure qui passe réduit ses chances de participer au concert. Cette situation, une fois de plus, met en lumière les défis auxquels font face les habitants d'Agaléga. «Si on ne nous donne pas les moyens de nous déplacer, comment voulez-vous qu'on se fasse entendre ?» conclut-il, amer.