Afrique Centrale: Corridor stratégique Douala-Bangui - Rassurés, les camionneurs reprennent la route

Des centaines de camions à l'arrêt depuis deux semaines à la frontière Cameroun-Centrafrique ont repris la route ce mercredi 4 décembre. Les camionneurs camerounais faisaient « volant mort » suite à la mort de l'un de leur collègue sur le corridor Douala-Bangui, vital pour la République centrafricaine.

Douala-Bangui. 1 500 kilomètres de route en état divers. La voie d'accès à la mer de la République centrafricaine enclavée sur le continent. Ce corridor routier permet l'exportation des produits centrafricains, notamment son bois. Il est surtout la principale voie d'approvisionnement du pays, notamment en produits manufacturés, en vivres et en carburants. « Plus de 80% des biens importés sur le territoire national transitent par le port de Douala et de Kribi », précise le ministère des Finances et du budget centrafricain. Jusqu'à 1 200 camions peuvent circuler sur ce corridor chaque mois, selon le ministre centrafricain des Transports.

Essentiel au quotidien des Centrafricains, le corridor est également primordial pour les finances de l'État. En 2024, la loi de Finance précisait que les droits de douanes représentaient 67 500 000 FCFA, soit près d'un quart des recettes propres de l'État.

Deux semaines après le blocage de la frontière, les conséquences se font sentir, notamment sur la disponibilité des carburants et les prix en augmentation sur le marché noir. Un grand commerçant contacté par RFI assurait cependant avoir des stocks - notamment de produits surgelés - pour au moins deux mois et ne s'inquiétait pas de pénuries. À Bangui, le souvenir du dernier blocus lors de la crise de 2020-2021, qui avait duré plus de deux mois, reste bien présent, marqué par des rayons et des étalages vides.

Des mauvais traitements récurrents

Depuis la tentative de la prise de Bangui par la coalition rebelle CPC, les camionneurs ne circulent plus qu'en convoi sur cet axe pour des raisons de sécurité. En effet, durant cette période, les camions et leurs marchandises étaient régulièrement pris pour cible par les rebelles. Avait alors été instauré un système d'escorte, à la demande des syndicats camerounais. Une escorte un temps assurée par les Nations unies, puis par les différents services de sécurité centrafricains, mais également par les paramilitaires russes. Un service facturé 25 000 FCFA par camion par aller. 50 000 FCFA pour l'aller-retour Douala-Bangui. Malgré la normalisation de la situation sécuritaire, ce système de convoi a perduré.

Ce qui a mis le feu aux poudres est la mort violente du chauffeur Mohamadou Awalou, le lundi 18 novembre. Les syndicats camerounais expliquent, d'après le témoignage de l'aide chauffeur, qu'un incident sur le véhicule l'empêchait de rouler au rythme du convoi, sécurisé par les paramilitaires russes. Toujours selon les témoignages rapportés les syndicats, l'un des membres de l'escorte aurait alors fait descendre le chauffeur de son véhicule et l'aurait froidement abattu. Les premiers éléments de l'enquête centrafricaine rendus publique parlent eux d'une « attaque du convoi », qui serait donc extérieure et commise par des auteurs qui « ne sont pas identifiés ».

Un cas extrême qui a délié les langues des transporteurs qui dénoncent des mauvais traitements subis lors des escortes prises en charge par les éléments russes. « On n'arrive pas à s'entendre avec eux du coup, avec cette incompréhension-là, il y a souvent des écarts de comportements venant de leur part, témoigne Magloire Tchoumi le président national du syndicat SNP-PLC, et lui-même chauffeur à l'arrêt à Garoua-Boulaï. Les convois ne sont plus sécurisés comme à la genèse. Pourtant, nous payons. » Al Hadji Djika, président de l'intersyndicale union pour le transport, va dans le même sens : « Nous sommes chaque fois sous la menace, les tracasseries multiples, le racket, la bastonnade et jusqu'à mort d'homme. C'est insupportable. » « C'est un paradoxe, insiste-t-il. C'est nous qui payons la sécurité de la route et malgré cela, on n'a pas cette sécurité-là. »

« Le gouvernement prend ses responsabilités »

Ces questions étaient au coeur des doléances déposées par les syndicats auprès des autorités. Le ministre des Transports centrafricain Herbert Gontran Djono-Ahaba s'est rendu d'abord à Yaoundé rencontrer son homologue, puis s'est déplacé à la frontière mardi pour discuter avec les routiers. Des mesures ont été actées, telles que la suppression des frais de visa aux frontières, ou encore, le passage en revue des barrières sur le tronçon Cantonnier-Beloko.

Sur la question des frais d'escorte, il a été convenu le maintien des 25 000 FCFA pour l'aller, mais revues à 15 000 FCFA pour le retour, étant donné que les camions repartent à vide et donc sans marchandise à sécuriser.

Concernant les difficultés avec les escortes russes, le ministre Djono-Ahaba souligne qu'il s'agit essentiellement d'un problème de communication. « Il est question au niveau de chaque dispositif de nos alliés qu'il y ait vraiment un ou deux interprètes pour faciliter la communication », nous assure-t-il. « Le gouvernement prend ses responsabilités pour renforcer vraiment le dispositif sécuritaire au niveau du corridor pour que les camionneurs circulent en toute sécurité. Les policiers et les gendarmes existent sur les barrières légales, et ils sont là à tout moment », poursuit-il. Certains espéraient la reprise des escortes par les forces de l'ordre centrafricaines, d'autres par les forces camerounaises elles-mêmes. Des assurances qui ont donc néanmoins convaincu les camionneurs à reprendre la route. Cependant, Magloire Tchoumi tempère. Il ne souhaite pas signifier sa satisfaction avant d'avoir pu constater la mise en place concrète des promesses faites.

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