Les derniers événements liés à la décision prise par le Sénégal et le Tchad « d’acter » le retrait des troupes militaires françaises est, selon toute vraisemblance, l’arbre qui cache la forêt du profond malaise qui sévit comme une lame de fond, dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. C’est même un truisme de le dire.
Après un peu plus de soixante années après les indépendances, les relations bilatérales comme multilatérales entre la France et ses anciennes colonies ont vacillé au gré des intérêts du moment, d’une élite « françafricaine », oubliant du coup les bruits assourdissants des peuples de plus en plus jeunes et exigeants vis– à vis des régimes qui jurent avec la mal gouvernance et les élections truquées, quoique soutenus vaille que vaille par la France.
Si l’armée française a été virée d’abord du Mali, du Niger et du Burkina Faso dans les circonstances que l’on sait, et aujourd’hui au Tchad et très prochainement au Sénégal, il semble qu’au niveau de l’hexagone qu’on ait pas compris le signale lancé auparavant, sur l’incongruité de sa présence dans ces pays.
Si au départ, c'était pour des raisons historiques qu’il serait long à expliquer, et parmi lesquelles il y avait, les accords de défense, pour porter une assistance militaire aux pouvoirs en place et la formation des élites, à l’arrivée la mission a changé. En effet, en plus de la protection des intérêts stratégiques, s’est greffée la lutte contre le terrorisme qui régnait sur la bande sahel avec, il faut le reconnaitre, des hauts faits d’arme, naguère salués.
Or, aujourd’hui après presque une décennie, rien ne confirme la pertinence de cette présence, tant les forces armées des pays de stationnement pour l’essentiel, sont débordés, faute de moyens et d’appui, par une vague djihadistes, qui a fait irruption dans le sahel à la suite de la liquidation du régime de Mouammar El Khadaffi. Aux yeux de l’opinion, la responsabilité principale du gouvernement français sous le mandat de Sarkozy est engagée, dans cette vulnérabilité provoquée ainsi par le démantèlement de la Libye.
Il s’y ajoute, le discours condescendant constaté au niveau de l’Establishment Français vis-à-vis de certains régimes, surtout francophones, avec un système de deux poids deux mesures qui a fini par remettre en cause tout le sens de la solidarité francophone. Le dernier en date est l’éclatement de la CEDEAO en deux entités aujourd’hui irréconciliables entre l’AES et ce qui reste de l’organisation communautaire. Sans oublier que Mahamat Idriss Déby a été adoubé à la suite d’un « putsch » pour remplacer son père assassiné en présence du président Macron lui-même au Tchad.
Enfin le dernier acte posé lors du dernier sommet de la francophonie, avec la réintégration de la Guinée naguère exclue pour cause de coup d’état militaire contre le régime d’Alpha Condé, au mépris de la Charte de la Francophonie, alors que les pays de l’AES en demeurent exclus.
Au fond, ce qui a été considéré comme un épiphénomène au moment de la crise de la CEDEAO, ou tout le monde voyait la main de la France, est finalement devenu une véritable doctrine diplomatique des pays d’Afrique francophone, désireux de recouvrer leur pleine souveraineté et d’assurer entièrement leur sécurité, et qui sait prochainement leur souveraineté monétaire.
L’un dans l’autre on est presque sur une ligne de crête au propre comme au figuré.
Si on y ajoute les énormes complaintes d'incivilités observées dans les consulats de France un peu partout, vis-à-vis de ces pays, et le vent de souverainisme qui souffle dans ces pays, il y a fort à parier qu’un aggiornamento, dans les relations entre la France et ses traditionnels alliés africains, est plus qu’urgente, et sous de nouveaux paradigmes devant des nouveaux dirigeants totalement décomplexés aujourd’hui.
Cela doit être bien compris et analysé, sinon on va droit vers une rupture qui serait fort préjudiciable à la France d’aujourd’hui, un peu moins pour les anciens alliés africains qui ont d’autres alternatives de coopération à leur porte.