Burkina Faso: Adaptation aux changements climatiques dans le Centre-Nord - Des PDI adoptent les semences améliorées

4 Décembre 2024

Les terres dans la région du Centre-Nord sont reconnues pour leur pauvreté, éprouvant durement les producteurs, en l'occurrence, les Personnes déplacées internes (PDI) dans leurs activités culturales. Mais, d'autres phénomènes, à savoir les changements climatiques, avec à la clé la rareté des pluies et la pression démographique demeurent des préoccupations majeures pour ces PDI tout comme les autres travailleurs de la terre.

A Boussouma et à Kaya, avec l'appui des techniciens d'agriculture, certains d'entre eux utilisent des semences de variétés améliorées de mil, de sorgho blanc, de niébé, etc. sur des superficies acquises auprès de propriétaires terriens. Reportage, après les récoltes, sur l'adaptation aux changements climatiques des PDI de Boussouma et de Kaya, par l'usage des semences de variétés améliorées.

Zakaria Kouanda, 52 ans, est un producteur à Tiffou, dans un village à quelques encablures de la ville de Kaya, dans la région du Centre-Nord. La cinquantaine révolue, cette Personne déplacée interne (PDI), mariée, père de 10 enfants et originaire de Namsiguia (commune de Bourzanga) ayant fui les affres du terrorisme en 2019, s'est lancée dans l'agriculture à son arrivée à Tiffou. C'est sur la plante des pieds que le quinquagénaire dit rejoindre son « second village » avec sa "petite famille", en laissant derrière lui des hectares (ha) de terre où il cultivait les semences classiques de mil, de sorgho, de niébé et de sésame avec les siens. Il dit comprendre que devant une telle situation, l'aide alimentaire ne suffira pas à nourrir sa famille.

Il ne renonce donc pas malgré les douloureux souvenirs qui hantent toujours son esprit en raison des pertes énormes qu'il a subies dans son village natal avant de regagner Tiffou. Il décide enfin de cultiver la terre comme, il le faisait auparavant, contre vents et marées. Le lopin de terre qu'il a obtenu des propriétaires terriens se présente visiblement pauvre en oligo-éléments d'où un apport en nutriments était nécessaire.

« Le sol pauvre et encroûté m'a amené à creuser manuellement des trous pour y concentrer les eaux de ruissellement, des feuilles mortes et des déjections d'animaux », explique Zakaria Kouanda. Cette activité, il l'a menée depuis le mois de mai 2024 avant de commencer à semer en fin juillet 2024, profitant de l'appui des agents techniques d'agriculture qui lui a permis de s'en tirer avec six sacs de 50 kilogrammes (kg) de mil blancs, entre autres, spéculations. M. Kouanda assure qu'en comparaison aux semences paysannes dites classiques, celles de variétés améliorées ont un cycle court (2 mois et demi) pour faire face à la rareté des pluies. Son hôte, le vieux Souleymane Pafadnam, un septuagénaire, rappelle qu'auparavant, les terres à Tiffou, étaient bien arrosées quand le "climat n'avait pas encore changé".

Contrer les effets de la variabilité climatique

Comme Zakaria Kouanda, ils sont nombreux les PDI dans la région du Centre-Nord qui utilisent les semences de variétés améliorées pour contrer les effets de la variabilité climatique. A Boussouma, à 25 kilomètres de Kaya, des producteurs et productrices PDI, faute de terre, cultivent sur des collines culminant à près de 150 mètres (m).

C'est sur ces hauteurs que Zalissa Bamogo, 45 ans, mariée et mère de six enfants, une PDI originaire de la commune rurale de Barsalogho, dans le village de Nagraogo, tire sa pitance. Elle quitte Nagraogo en 2019 dans un contexte d'attaques terroristes pour se retrouver à Boussouma. Ayant approché les propriétaires terriens, elle obtient une colline qui la laisse dubitative au début car, elle a abandonné derrière elle, plus de deux ha, sur lesquelles, elles cultivaient les semences classiques de sorgho, de mil blanc, de niébé et de sésame.

Mais, en prenant son mal en patience, elle dit braver les morsures des serpents et les gros cailloux pour cultiver dans ce milieu hostile, en utilisant les semences améliorées de mil blanc. Elle confie avoir pratiqué depuis le mois de mai 2024, des techniques de régénération des sols en faisant des diguettes filtrantes, en vue de contrer l'érosion hydrique. C'est avec un sourire aux lèvres qu'elle nous raconte, en ce mois de novembre 2024, sa satisfaction après les récoltes.

« J'ai pu avoir six sacs de 50 kg de mil blanc et de sorgho rouge, quatre sacs de mil blanc de variétés améliorées, en appliquant à la lettre les conseils des techniciens d'agriculture », laisse-t-elle entendre au milieu de sa concession au secteur 1 de Boussouma. La cheffe de l'Unité d'appui technique en agriculture (UATA) de Boussouma, Mahoua Bawa/Traoré, au service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Boussouma, fait comprendre que les PDI ont reçu divers conseils.

« Ces producteurs ont été amenés d'abord à amender la terre par la fumure organique avant de semer. Ensuite, 15 jours après les semis, ils ont appliqué l'engrais NPK et l'urée à 45 jours des semis », explique-t-elle. Zakaria Bamogo, 40 ans, marié et père de sept enfants, est également un déplacé interne originaire de la commune rurale de Dablo qui s'est retrouvé sur l'une des collines de Boussouma pour cultiver, depuis 2021. Ce sont les mêmes raisons que celles de Mme Bamogo qui l'ont poussé à quitter là où « son placenta a été enterré ». Il est heureux d'avoir récolté quatre sacs de 50 kg de variétés améliorées de niébé, appelées « Komcallé ».

Une autre productrice, PDI, Salamata Ouédraogo, 46 ans, mariée et mère de six enfants « a dit au-revoir », en 2019, à Nongo, à Barsalogho, sa terre natale occupée à l'époque par les terroristes pour se retrouver au secteur 3 de Boussouma, laissant derrière elle plus de quatre ha de terre cultivable. En suivant judicieusement les conseils de Mahoua Bawa/Traoré, elle différencie, après la moisson sur sa terre ferme, clairement ses spéculations à base de semences améliorées et celles paysannes qu'elle stocke dans sa maison. Elle affirme que les récoltes ont été satisfaisantes surtout en ce qui concerne les variétés améliorées de niébé et de mil blanc. « J'ai eu quatre sacs de mil blanc de variété améliorée et deux sacs de mil paysan », se réjouit-elle.

Plus de 200 t de semences améliorées pour le Centre-Nord

Selon le directeur régional en charge de l'agriculture du Centre-Nord, Ragnimsom Serge Igor Birba, dans la dynamique de l'Offensive agro-pastorale et halieutique, l'Etat et ses partenaires ont consentis d'énormes efforts pour procurer à la région du Centre-Nord, des semences améliorées.

« Dans un contexte de crise et de changements climatiques, ce sont plus de 200 tonnes (t) de semences améliorées et plus de 2 000 t d'engrais qui ont été mises à la disposition de la région », précise-t-il. Les plus vulnérables comme les PDI ont bénéficié de 5% des semences améliorées tout comme les engrais offerts par l'Etat et gratuitement par des partenaires. « Avec les changements climatiques, il nous faut adopter de nouvelles pratiques. Pour cela, l'offensive agro-pastorale et halieutique permet d'aller à l'intensification au regard du manque de terres en utilisant les semences améliorées qui comptent pour plus de 30% de la production dans la région, en termes de rendement », explique Ragnimsom Serge Igor Birba.

Le directeur provincial en charge de l'agriculture de la province du Sanmatenga, Daouda Kiemdé, affirme que les quantités de semences de variétés améliorées utilisées dans la province du Sanmatenga peuvent être estimées à environ 165 125 kg.

« A l'échelle de la province, nous accompagnons les producteurs à travers les distributions d'intrants (semences et engrais) à prix subventionnés, la mise en place des outils de vulgarisations agricoles pour la promotion des variétés améliorées (promotion variétale, parcelles vitrines, champs écoles agro-pastoraux...), les labours gratuits et les appuis conseils », détaille-t-il. Pour Daouda Kiemdé, les semences améliorées contribuent fortement à la sécurité alimentaire et à l'atteinte des objectifs de l'offensive agro-pastorale et halieutique car utilisées dans des conditions optimales, elles augmentent les rendements d'au moins 40% par rapport à la semence traditionnelle. « En outre, au regard de la précocité de certaines variétés, les producteurs arrivent à avoir un rendement satisfaisant en cas d'installation tardive ou de fin précoce de la campagne. Aussi, certaines variétés ont une très grande valeur nutritive et résistent aux maladies », apprécie-t-il.

Des formations appropriées pour les PDI

Pour le chef du service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Kaya, Boureima Kiéni, les producteurs, notamment les PDI bénéficient de formations appropriées pour être au diapason des nouvelles technologies agricoles et pastorales.

Il en veut pour preuve, la formation à l'utilisation des semences améliorées qu'a subie Zakaria Kouanda, « PDI modèle » du village de Tiffou dont le champ a fait l'objet de visite par les responsables du ministère en charge de l'agriculture au cours de la campagne agricole humide 2024-2025. « M. Kouanda est un producteur déplacé interne dynamique. A son arrivée à Kaya, il a manifesté son intérêt à poursuivre l'agriculture et l'élevage en nous approchant pour des aides.

Aujourd'hui, il est admirable car, avec les conseils, il applique bien les pratiques agricoles à la différence de certaines PDI qui sont toujours attachés à l'assistanat », raconte le chef du service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Kaya. Toutes ces PDI qui ont utilisé les variétés de semences améliorées durant la campagne agricole humide 2024-2025, apprécient positivement la résilience de ces variétés face aux changements climatiques, à telle enseigne qu'ils ont songé à en conserver pour les campagnes agricoles à venir. Mahoua Bawa/Traoré assure que son service fera de son mieux pour susciter un fort engouement autour de l'adoption des semences de variétés améliorées, tout en insistant que la variété de niébé « Komcallé » est déjà beaucoup utilisée par les agriculteurs, à Boussouma.

De bonnes récoltes à base de semences améliorées

Pour la campagne agricole humide 2024-2025, les producteurs notamment les PDI de Boussouma et de Kaya, de façon générale, apprécient positivement son déroulement. Il en est de même pour leurs encadreurs techniques. Selon le chef du service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Kaya, Boureima Kiéni, avec l'aide de l'Etat, 80% des producteurs ont utilisé les semences améliorées.

Les inquiétudes concernant l'installation tardive de la saison des pluies ont été levées dans le mois d'août avec une pluviométrie abondante couplée à l'adoption des semences améliorées par les paysans, dans leur ensemble. Les récoltes sont, pour M. Kiéni, fort appréciables, en atteste le sorgho qui a atteint à des endroits une tonne (t) et demi à l'hectare (ha), le niébé 900 t/ha voire 1, 2 t/ha. D'habitude, en milieu paysan, les producteurs sont à 600 t/ha. Mais, avec l'usage des semences améliorées et la pluviométrie favorable, ils sont entre 800t/ha et 1,5 t/ha. Boureima Kiéni affirme que la plupart des évaluations ont été faites sur les parcelles des PDI pour voir la plus-value de la contribution de l'Etat à l'endroit de ces PDI qui ont été, pour beaucoup, libérées de l'assistanat.

Un levier pour augmenter la production agricole

L'Etat burkinabè encourage l'utilisation des semences de variétés améliorées par les producteurs pour faire face aux changements climatiques en vue de booster la production agricole. A travers cette initiative, l'agriculture peut ainsi jouer son rôle de moteur de développement socio-économique. C'est également, dans cette dynamique que se tient la foire aux semences améliorées organisée par l'Institut de l'environnement et de recherches agricoles (INERA) qui est une tribune pour booster la productivité agricole.

C'est aussi une opportunité pour sensibiliser les acteurs sur la création des semences de variétés améliorées d'espèces agricoles et forestières. Dans un contexte de dérèglement climatique, de dégradation des sols et de croissance démographique, il y a une pression considérable sur les ressources naturelles entravant ainsi la sécurité alimentaire. C'est pourquoi, les semences de variétés améliorées sont un remède pour renforcer la résilience des systèmes agricoles tout en contribuant à la protection de l'environnement et à la gestion durable des ressources naturelles et des écosystèmes, selon des techniciens agricoles.

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