Sénégal: Médias reconnus - La riposte des grands absents de la liste

4 Décembre 2024

Le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Alioune Sall, a publié la liste des médias reconnus conformes au Code la presse par l'Etat hier, mardi 3 décembre 2024. Ils sont 112 à respecter le Code de la presse, parmi les 535 recensés au préalable par le Gouvernement.

Les médias du Groupe 3M Universel (7TV, Az Actu), absents de cette liste provisoire, la promotrice, Maïmouna Ndour Faye qui, face à la presse, a chargé Alioune Sall, a décidé d'attaquer cette décision de l'autorité car, soutient-elle, il n'appartient pas au ministre de «décider de la légalité ou non d'un média». De son côté, Madiambal Diagne, du Groupe Avenir Communication refuse «d'accepter une telle décision illégale» et «ridicule». Les médias recalés sont appelés à se régulariser sur la plateforme mise en place à cet effet.

MAÏMOUNA NDOUR FAYE, DIRECTRICE DE 7TV

«Ce n'est pas au ministre de décider de la légalité ou non d'un média»

La Directrice générale du groupe 3M Universel (7TV, Az actu), ne décolère pas. Après la publication de liste des «médias légaux», donc en conformité avec les dispositions du Code de la presse, selon le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Maïmouna Ndour Faye s'est insurgée contre l'absence des organes de presse de son groupe de cette liste. «Ce n'est pas au ministre de décider de la légalité ou non d'un média», a-t-elle martelé dans sa déclaration simultanément en wolof et en français. La journaliste a dénoncé une «tentative de liquidation de la presse privée par le nouveau régime». «Le régime a commencé par suspendre les contrats de conventions, nous avons résisté. Cette fois, encore, nous allons mener le combat. Nous n'accepterons pas que quelqu'un nous prive de notre passion».

Selon elle, la plateforme mise en place pour l'enregistrement et pour le recueil des données et informations sur les médias ne fait pas la différence entre presse écrite et audiovisuelle. Et de s'interroger : «qu'est-ce qu'on nous reproche : de ne pas faire de la propagande ? Qu'est-ce qu'on nous reproche : d'être équidistant ? Qu'est-ce qu'on nous reproche : d'avoir été neutre ? Un média doit être neutre. Au nom de quoi doit-on reprocher à un média sa neutralité, parce que tu considères que tu mets en avant un projet et que ce projet-là doit être le Coran ou la Bible. Non ! C'est un projet politique. Il y a des gens qui sont convaincus et qui croient en ce projet ; il y en a qui n'ont pas la conviction et qui n'y croient pas. Cela n'engage que le citoyen ; le média n'a rien à avec cela».

«LES DECISIONS SERONT ATTAQUEES»

Pour M. N. Faye, les autorités actuelles veulent imposer «un nouvel ordre de communication : il faut être sur les plateaux (de télévision), il faut être des agences de communication. Moi, je ne suis une agence de communication de personne. Et ma voix, personne ne l'étreindra , jusqu'à l'extinction du soleil. Qu'ils se le tiennent pour dit. Ce n'est pas avec une simple note qu'on va nous rayer de la carte», a-t-elle dit.

Très en verve, Maïmouna Ndour Faye décide d'attaquer la décision de l'autorité. «Les décisions seront attaquées. Je disais la dernière fois qu'on est dans un combat de corporation. Moi je peux me battre et j'ai les moyens de mon combat». Pour elle, il ne faut pas se dire simplement que «je ne suis pas concerné», mais ajouter «du moins pour le moment». «Cette affaire, c'est un affront orchestré et perpétré par le ministère de la Communication et ses hommes». Il y a de la «revanche», de la «méchanceté» du «cynisme», de la «sournoiserie». «Moi je suis insensible à ça... Rien ne peut m'ébranler. Ce combat, je peux le mener, c'est un combat pour la liberté ; c'est un combat pour le droit d'entreprendre ; c'est un combat pour le droit d'exister et c'est un combat pour le futur. Si nous acceptons ce qu'ils sont en train de faire, alors nous seront lâches...»

«JE PENSE QU'IL Y A UN AGENDA CACHE QU'ON EST EN TRAIN DE DEROULER. MAIS C'EST PEINE PERDUE»

Faisant référence à des propos de El Malick Ndiaye, porte-parole de Pastef, qui réagissant alors à la dissolution de son parti par le régime précédent, relevait que pour dissoudre Pastef il faudrait l'enrayer des coeurs des Sénégalais, la promotrice de 3M Universel a ajouté : «Nous, pour nous faire taire, en tant que journaliste, il faudra nous prendre la vie. Pour nous empêcher d'exister à travers les médias, il faudra éradiquer tous les médias de ce pays-là.

Pour enrayer de la carte des médias nos médias, il faudra aussi aller dans les coeurs des Sénégalais qui nous aiment, qui nous regardent, enrayer l'amour qu'ils ont pour nos médias. Qu'on arrête de jouer ; un pays doit être régi par l'Etat de droit. On ne peut pas arriver, trouver des entités qui existent et vouloir remettre en cause leur existence. Or ces dernières ont réussi à asseoir leur existence sur des bases légales. C'est-à-dire, même l'entreprise que tu as créée, le ministère l'a enrayée. Sur quelle base ?»

Et elle poursuit sur le mutisme de leur élimination de la liste des médias reconnus. «La non-conformité, c'est par rapport à quoi ? Par rapport au Code de la presse ? Qu'ils sortent les dispositions du Code de la presse qui éliminent ces médias-là. Moi j'aimerai bien qu'eux, ils communiquent sur ça. Au moment où ils ont sorti la liste, ils pouvaient sortir la liste des autres médias éliminés pour non-conformité et donner les raisons. Moi, à mon âme et conscience, je pense qu'il y a un agenda caché qu'on est en train de dérouler. Mais c'est peine perdue.

Cet agenda, c'est depuis le début : ils vont choisir les médias qui vont exister et qui vont parler ; ils vont choisir les journalistes qui vont exercer et qui vont parler. Toutes les voix discordantes, ils vont les faire taire. Mais c'est ne pas connaître le Sénégal. Au Sénégal, celui qui veut essayer d'imposer la dictature de la pensée, c'est parce qu'il méconnait l'histoire de ce pays-là. Celui que veut essayer la restriction de la liberté, c'est parce qu'il méconnait l'histoire de ce pays-là et de ces citoyens. Au Sénégal, celui qui veut essayer l'injustice, c'est parce qu'il ne connait pas. On ne peut pas dénoncer des injustices et user de tous les pouvoirs» conférés pour «dérouler les pires injustices. Cela n'a pas de sens, cela ne fait pas partie de la foi, ni de la conviction».

LE CORED MIS EN GARDE CONTRE TOUTE COMPLICITE DE «MEURTRE» DE MEDIAS

Dans sa charge, elle n'a pas épargné le Conseil pour l'Observation des Règles d'Ethique et de Déontologie dans les Médias (CORED) et son président, Mamadou Thior, qu'elle met en garde contre toute complicité de «meurtre» de médias. «Ce ministre-là, depuis qu'il est là, tous les actes qu'il a posés, il est dans la division». A l'en croire, le ministre dit qu'il a fait ce travail en parfaite «entente avec le CORED. Alors, que le CORED prenne ses responsabilités...

Et je prie Mamadou Thior de ne pas être complice du meurtre qu'on est en train de commettre parce sa position, parfois, moi, ça ne me rassure pas. Comment peut-on être dans une commission et le ministre pend une décision in éclat, tu l'acceptes. Le ministre les a engagés, qu'ils prennent leur responsabilité... Le CORED, c'est un Tribunal des pairs, il ne peut remplacer le patronat (de presse), il ne peut remplacer le SYNPICS. Le ministre les associe à ce qu'il fait. Peut-être que le ministre pense qu'ils sont ensemble, ils ont la même vision. Des non-pratiquants ne peuvent pas décider à la place de ceux qui pratiquent et connaissent leur métier».

MADIAMBAL DIAGNE, GROUPE AVENIR COMMUNICATION

«Nous refusons d'accepter une telle décision illégale»

Plusieurs organes de presse qui pèsent sur l'échiquier médiatique sénégalais sont absents de la « liste des médias reconnus conformes au Code de la presse » rendu public hier, mardi 3 décembre 2024, par le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Alioune Sall. Parmi ces entités, il y a la Sen TV et la radio Zik FM, membres du groupe D-Média de Bougane Guéye Dany, dont le journal, La Tribune, classé sur la liste de «presse écrite» n'en fait pas partie. Il s'y ajoute aussi le journal Le Quotidien, du groupe Avenir Communication de Madiambal Diagne.

Sur son compte X, Madiambal Diagne a dénoncé une décision «ridicule» et «illégale» de l'autorité. «Tout le monde aura remarqué que Le Quotidien, ce journal de référence, ne fait plus partie des médias reconnus au Sénégal par le régime Pastef ; le ridicule est poussé aussi loin, pour réserver le même sort à DMédia et la 7TV. Nous refusons d'accepter une telle décision illégale», a-t-il posté sur ses réseaux sociaux, hier mardi.

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