Les séquelles des geôles affectent toujours les manifestants proches du Mouvementent pour la renaissance du Cameroun (Mrc), après la dénonciation du « hold up électoral » de 2018. Le comité de l'Onu contre la torture interpelle....
Ancien déporté politique et secrétaire du bureau de la fédération régionale du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) à l'Ouest, Me André Marie Tassa, est sorti de son flegme et de sa réserve légendaire pour esquisser quelques pas de danse le samedi 23 novembre 2024 à Malantouen.
En marge des états généraux de la fédération départementale du Mrc pour le Noun, le titre de la chanson intitulé « douleur de la renaissance », interprété par l'artiste musicien « Joé La Conscience », de son vrai nom, Kameni, lui rappelle les tortures orchestrées par ses geôliers pendant ses deux semaines d'incarcération subie, courant fin janvier -début février 2019, au camp du commandement central du Groupement mobile d'intervention (Gmi) à Yaoundé.
C'est ainsi qu'il s'est levé de son siège installé à l'estrade principal du lieu du conclave politique pour sautiller, fléchir son torse et agiter ses bras au rythme de cette musique de portée révolutionnaire, initiée par l'artiste afro-américain Bob Marley et repris par de nombreux musiciens africains engagés pour la libération des peuples de l'Afrique à l'instar de Alpha Blondy, artiste musicien ivoirien prononcé contre les dictatures et pour la dénonciation des injustices sociales.
Violations des droits humains fondamentaux
En effet, Me André Marie Tassa, alors défenseur acharné des militants et « marcheurs pacifistes » du Mrc revendiquant «la victoire volée » du Pr Maurice Kamto suite à l'élection présidentielle d'octobre 2018 au Cameroun, avait été arrêté dans la matinée du samedi 26 janvier 2019 parce que suspecté de vouloir participer à « la marche blanche » initiée par les dirigeants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc).
Transféré dans les locaux de la Division régionale de la police judiciaire de l'Ouest (Drpj-O) à Bafoussam en compagnie d'une centaine de manifestants interpellés dans les rues de la cité régionale et dans diverses autres localités de la région de l'Ouest, l'actuel patron régional du Mrc avait été déporté, nuitamment, à Yaoundé, la capitale politique du Cameroun puis embastillé. Plus de cinq ans après cette épreuve, Me André Marie Tassa est toujours habité par ce triste souvenir.
Ce 04 décembre 2024, ses confrères avocats du Collectif Me Sylvain Souop, notamment Me Hyppolite Meli, ont ponctué un communiqué de presse qui liste 716 militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun victimes des tortures menées par des gendarmes et policiers Camerounais. Ce qui, selon Me Hyppolite Meli, est contraire aux dispositions des articles 29,30,40 et 41 alinéa 1 et 2 du décret n°2012/546 du 19 novembre 2012 portant Code de déontologie des fonctionnaires de la Sureté Nationale.
Tout comme cet avocat s'appuie sur un communiqué de presse du Secrétaire d'Etat à la défense chargée de la gendarmerie nationale du 13 novembre 2024 au sujet des Gardes à vue et détention abusives dans les unités de gendarmerie. Après les bienveillantes observations finales concernant le 6e rapport périodique du Cameroun adopté et publié le 21 novembre 2024, le le comité contre la torture de l'Onu , recommande à l'Eta du Cameroun de veiller en droit et en pratique afin que les agissements de tortures ne se reproduisent plus dans son espace territorial. Malgré cette mise en garde, la réalité est toujours triste.
Le 27 novembre, des gendarmes, dans la ville de Douala, ont arrêté et violemment battu Richard Tamfu(n° 715 sur la liste des 716 personnes torturées), éminent avocat des droits humains. « Cette attaque vicieuse s'inscrit dans le cadre d'attaques officielles contre des avocats, vraisemblablement destinées à les dissuader de faire leur travail », dénonce l'organisation de défense des Droits Humains, Human Right Watch. « Notre séjour au commandement central du Gmi a été pénible. Il est arrivé un moment où nos geôliers nous ont privés de visite, surtout celles de nos confrères avocats. Nous avions été victimes des violations de nos droits humains fondamentaux.
Il a fallu que le Bâtonnier du Conseil de l'ordre et plusieurs autres confrères du barreau des avocats du Cameroun engagent une démarche de lobbying afin que je sois libéré deux semaines après», se rappelle Me André Marie Tassa, numéro 591 sur la liste des personnes victimes de tortures. Ses codétenus n'ont pas eu cette chance. Il s'agit, entre autres, de Roger Dafem(n°70 sur la liste des personnes torturées), Theodore Jiatsa (202...), Joël Nsiyip Mete (484..), Michael Nyayo (489...), Takafo Dongmo Antoine(570...), Takam Eric Michel Takam(571...), Emmanuel Tallah(578...), André Téné(644).
Ceux-ci ont été, après leurs séjours au camp du commandement central du Gmi à Yaoundé, conduits chez le commissaire du gouvernement près du tribunal militaire et incriminés, entre autres, pour incitation à la révolte, attroupement sur la voie publique, rébellion et hostilité à la patrie. Car, certains d'entre eux, encerclés par les forces de maintien de l'ordre en face du siège de la Coopérative agricole des planteurs de l'Ouest (Uccao) à Bafoussam, ils s'étaient mis à entonner des messages d'indignation face à ce qu'ils perçoivent comme des manquements du système Biya : « Non à la guerre ! Non au retrait de la Can ! Non au hold up électoral... ».
Par contre, les autorités gouvernementales camerounaises, notamment le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Ndi, ont qualifié ses agissements sous les vocables juridiques de « participation à une marche non autorisée », « trouble à l'ordre public », « rébellion », « outrage au président de la république », « hostilité à la patrie »,« révolte » et « incitation à la révolte »...Des infractions actées et réprimées par le code pénal camerounais.
A ce jour, Roger Dafem, participant à cette marche de janvier 2019 et embastillé pendant plus d'un an à la prison centrale de Koldengui à Yaoundé, n'a pas renoncé à ces convictions politiques. Il est resté antisystème Biya qui selon, lui, ne repose que sur la « répression brutale » des libertés publiques. « Je sais que j'ai été fiché. Je suis, même à l'heure actuelle, surveillé par les forces répressives. Elles m'ont harcelées et menacées plusieurs fois afin que je renonce à mes convictions pendant mon séjour carcéral.
On m'a demandé ce qu'un ingénieur agronome comme moi gagnait en soutenant Kamto. On m'a fait des propositions de recasement et de positionnement professionnel au sein du sérail, j'ai refusé », affirme-t-il. Surtout qu'il reste affecté par les discours nocifs des officiers de police judiciaire et ceux du commissaire du gouvernement près du tribunal militaire de Yaoundé.
Embastillés suite aux revendications postélectorales de 2018
André Téné surnommé le «père des déportés» et membre du directoire national du Mrc, garde lui, aussi, le tableau sombre de séjour carcéral dans sa mémoire. Il dénonce les tortures psychologiques et physiques auxquelles lui et ses codétenus ont été soumis. Pour cet enseignant de philosophie à la retraite, il est clair que les règles minimas des conditions de détention, autrement désignés Principes Nelson Mandela, édictées par l'Organisation des nations unies (Onu) n'ont pas été respectées par les geôliers et les magistrats en charges des différentes affaires opposant les manifestants pro Mrc au ministère public. « On n'a pas droit à recevoir des informations de la presse écrite, de la radio ou de la télévisions.
Les cellules étaient non éclairées ou mal éclairées. Des repas irréguliers et de mauvaise qualité nous étaient servis. Tout comme, nous n'avions pas accès à de l'eau potable », explique-t-il. La longueur interminable des délais de procédures-plus de 12 mois pour certains-sans être renvoyés devant le juge, le mépris des avocats des poursuivis, la stigmatisation et la propagation des discours haineux, l'exacerbation du tribalisme d'Etat, les renvois fantaisistes des audiences et autres font partie des manquements qui continuent de choquer André Téné et autres militants et cadres du Mrc dont Joël Nsiyip Mete.
Celui-ci pense que la machine répressive de l'Etat s'est acharnée sur les « manifestants pacifistes » du Mrc pour les fragiliser et les bâillonner afin qu'ils renoncent à leur engagement pour l'alternance au sommet de l'Etat du Cameroun, dirigé par Paul Biya, chef de l'Etat depuis le 06 novembre 1942, soit plus de 42 ans déjà au pouvoir. Ce résistant fait savoir que durant son incarcération à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, il a été contraint de dormir pendant deux mois sur un sol humide en compagnie de son « ami politique » Emmanuel Talla.
Pour l'élection présidentielle annoncée pour 2025, Me André Marie Tassa, André Téné, Joël Nsiyip Mete et autres militants du Mrc, même ceux qui n'ont pas été embastillés suite aux revendications postélectorales de 2018 à 2022, se disent déterminés à défendre leurs votes, quel que soit le prix à payer, pour foutre hors du butoir l'ordre de 82.
Ils affirment être loin des menaces , sans cessent proférer par le ministre de l'Administration territoriale qui, comme les autres membres du gouvernement de Yaoundé à l'instar du ministre de la Justice, Laurent Esso, n'ont jamais considéré les violations des droits humains des détenus ou prisonniers politiques du Mrc en milieu carcéral comme des manquements aux instruments juridiques internationaux ratifiés par le Cameroun. Il s'agit principalement de la Convention contre la torture et du pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifiée par le Cameroun au début des années 1980.