Sur les 380 médias enregistrés sur la plateforme de déclaration des médias au Sénégal, seuls 112 organes sont reconnus conformes aux dispositions du Code de la presse. L'annonce a été faite par le ministre des Communications, des Télécommunications et du Numérique, Alioune Sall, lors d'une conférence de presse avant-hier, mardi 3 décembre 2024. Entre polémiques et spéculations sur la décision du ministère.
Mamadou Thior, président du CORED et Ibrahima Bakhoum, journaliste-formateur, qui siègent dans la Commission de conformité mise en place par le ministère et qui s'est basée sur les données enregistrées dans la plateforme de déclaration des médias au Sénégal, apportent des éclairages. En effet, l'article 94 du Code de la presse stipule : «L'exercice de toute activité d'édition, de distribution et de diffusion de services de communication audiovisuelle quelle que soit la technologie utilisée, est subordonné à une autorisation délivrée par le Ministre chargé de la Communication, après avis conforme de l'organe de régulation, dans les conditions définies par le présent Code»
IBRAHIMA BAKHOUM, JOURNALISTE ET FORMATEUR, SUR LES MÉDIAS AUTORISÉS À DIFFUSER
«Oui à l'assainissement, mais...»
Le journaliste et formateur Ibrahima Bakhoum s'est dit très favorable à l'assainissement de la presse tel que conçu par le ministère de la Communication, des Télécommunications et des Numériques (MCTN). Réagissant par rapport à la liste des médias reconnus, publiée par le ministre Alioune Sall, avant-hier mardi, Ibrahima Bakhoum a affirmé : «Je suis pour l'assainissement et tout ce qui y concourt». Avant d'ajouter : « Je salue cette volonté d'assainir la profession et je dis merci. Enfin, cette idée est portée dans une forme qui la rend tangible. Désormais, chacun a bien en tête que la profession sera mieux organisée».
Approuvant cette initiative, il a poursuivi : «Je ne peux pas avoir consacré toute une carrière à une profession qui, jour après jour, se désorganise.» Ainsi, saluant avec enthousiasme l'initiative, il a conclu : «cela vient à point nommé».
Cependant, des interrogations subsistent sur certains termes employés par le ministre, notamment «illégal» et «non-autorisé», qui relèvent de la sémantique. Ibrahima Bakhoum a précisé : «Combien d'organes de presse, qualifiés d'illégaux, selon cette interprétation, ont pourtant bénéficié de l'aide à la presse durant plusieurs années ? Ces organes devront-ils rembourser cette aide au prétexte qu'ils n'y avaient pas droit ?»
Sur la question de la conformité, il a mis en lumière une difficulté majeure : «Nombre de personnes ayant travaillé durant des années dans ces organes de presse ne sont pas des professionnels des médias. Pourtant, en répondant au questionnaire de la plateforme, on constate que leurs CV ne remplissent pas les critères requis pour obtenir la carte de presse et d'autres documents professionnels.» Enfin, il a jugé le délai de 72 heures accordé aux médias recalés pour régulariser les situations, dès réceptions de la notification des manquements à combler, comme étant particulièrement court.
MAMADOU THIOR, PRESIDENT CORED
«Comme le processus est en cours, il n'y pas lieu de s'emporter»
Le président du Conseil pour l'observation des règles d'éthique et de déontologie dans les médias (CORED), Mamadou Thior, a précisé que l'initiative de régularisation du secteur qui a abouti à la publication de la liste des médias reconnus conformes au Code de la presse, n'est pas un projet du régime actuel. Il a été initié depuis le régime de Macky Sall, avec alors Moussa Bocar Thiam comme ministre de tutelle.
Invité de l'émission «Ndekki Li» de Sud Fm Sen Radio, hier mercredi, il a relevé que déjà, le 3 octobre 2023, lors de l'installation du Tribunal des pairs du CORED, le représentant du ministère de la Communication, le Directeur de la Communication d'alors, Ousseynou Dieng, avait annoncé que la tutelle avait terminé le processus d'enregistrement des médias au Sénégal et que bientôt il allait procéder à la publication de la liste. «Ce que la CORED avait salué parce que cela allait nous faciliter le travail...» Mais cela a tardé. «Après une relance en décembre 2023, nous avons adressé une lettre officielle au ministère pour demander à quand la publication de la liste».
Réagissant aux récriminations nées de la publication de la liste des médias reconnus par le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, il a déclaré : «Nous, nous avons été associés parce que nous faisons de l'autorégulation. Et tous ceux qui militent pour l'assainissement de la corporation doivent saluer l'initiative... Chaque métier obéit à des règles et l'enregistrement en fait partie. Dès sa prise de fonction, le ministre a rencontré toutes les organisations des médias. Nous avons échangé sur les difficultés du secteur. Il a reçu le CORED pour l'imprégner de la plateforme mise en place en août. Il y a des critères à remplir et des informations à fournir. Ceux qui ont rempli ces critères ont été sélectionnés.
Pour le reste, il n'y pas lieu de s'alarmer, ils n'ont qu'à attendre la réunion de la commission dans laquelle est représentée le CORED, le CNRA, le doyen Ibrahima Bakhoum qui est de loin notre aîné dans ce métier. Et personne ne peut faire faire à Ibrahima Bakhoum quelque chose qui n'est pas légal. Et moi aussi je ne peux pas cautionner cela. Mais je n'accepterai pas également des irrégularités et dérives dans le métier. Je dirige une structure chargée de l'autorégulation des médias. Pour tous les recalés, la commission leur adressera des correspondances pour les informer des manquements à corriger. Donc il n'y pas de quoi s'alarmer. C'est seulement quand après correction des manquements, ils sont recalés, qu'ils devront se faire entendre».
Pour le président de l'organe d'autorégulation des médias, «Comme le processus est en cours, il n'y pas lieu de s'emporter trop». Et de donner, à titre illustratif, un motif qui pourrait justifier le rejet de certaines déclarations. «Un exemple, la commission de la carte nationale de presse, qui est à sa 4e année d'existence, a commencé à délivrer les premières cartes de presse (dont la durée de la validité est de 3 ans, ndlr) depuis juin 2021. Pour les premiers qui en ont bénéficié, ils sont en train de renouveler.
Mais, jusque-là, il y a des organes où seuls les reporters ont fait les démarches pour l'obtention de la carte, des patrons de presse et autres responsables des rédactions n'ont pas jugé nécessaire de s'en procurer. Et pourtant, actuellement, au Sénégal, quel que soit son statut (journaliste ou technicien), celui qui n'a pas de carte de presse ne peut être considéré comme professionnel des médias. Moi je n'y étais pas, peut-être que beaucoup ont été recalés sur la base de ce critère. C'était le premier filtre et l'enregistrement des médias en est le deuxième. Cela facilitera le travail pour tous». «Il y a quelque chose de nouveau, le Code de la presse. La Commission s'est basée sur le Code de presse.»