Madagascar: Trafic d'animaux - Le retour de lémuriens et tortues «vitrines de la biodiversité du pays»

À Madagascar, c'est un tournant dans la lutte contre le trafic d'espèces sauvages, avec le retour sur l'île de 47 lémuriens et d'un millier de tortues, endémiques de l'île, saisis le 1er mai dernier en Thaïlande. L'affaire a pris une dimension internationale avec l'implication des autorités thaïlandaises d'abord, à l'origine de la saisie, Interpol, et les autorités malgaches, qui, par la voie du ministre de l'Environnement, ont plaidé pour le retour des animaux. Depuis le 1er décembre, deux vols ont finalement atterri à Antananarivo avec une partie des animaux.

Soulagement sur le tarmac de l'aéroport d'Ivato, à Antananarivo, ce dimanche. Max Fontaine, ministre malgache de l'Environnement, vient d'atterrir en compagnie des premiers animaux rapatriés : des lémurs catta. « C'est juste émouvant de voir ces animaux, qui sont la vitrine de la biodiversité de Madagascar, de nouveau revenir sur le territoire », lance-t-il.

Les soupçons laissent penser à une capture à bord de petites embarcations illicites sur la côte ouest de Madagascar, puis à un transfert en haute mer jusqu'en Thaïlande, hub connu du trafic d'espèces sauvages.

« C'est un fléau qui gagne du terrain »

« C'est un fléau qui gagne du terrain, notamment en Asie du Sud-Est, la domestication de ces espèces sauvages qui attirent une affection particulière, explique Max Fontaine. Par exemple, on a eu des cas à Hong-Kong, de personnes qui se promènent dans la rue avec des tortues en laisse ».

L'enquête menée par le ministère thaïlandais de la Justice et par le Pôle anticorruption côté malgache a déjà permis d'arrêter 6 individus en Thaïlande, 9 à Madagascar. Les « moyens financiers colossaux » des suspects laissent deviner un réseau criminel organisé, difficile à démanteler, explique encore Max Fontaine : « Il y a toujours des forces du mal qui sont très bien organisées, car il y a des grosses sommes en jeu. Quand on parle des tortues, ce sont plusieurs milliers de dollars, quand on parle des lémuriens, ce sont plusieurs dizaines de milliers de dollars. »

En Thaïlande, une cinquantaine de tortues et un lémurien n'ont pas survécu aux conditions de captivité, malgré la qualité des soins dispensés sur place, fait savoir le ministère de l'Environnement. Les premiers animaux rapatriés ont déjà rejoint, sous haute sécurité, le Sud de Madagascar.

« Ce réseau de trafiquants est très bien organisé et a beaucoup de ressources »

Ndranto Razakamanarina, président de l'alliance Vohary Gasy, la plus grande structure de la société civile engagée dans la défense de l'environnement sur l'île, salue un signal fort dans une lutte, encore largement freinée rappelle-t-il, par le manque de moyens et par la corruption : « C'est impossible que ces tortues et ces lémuriens arrivent en Thaïlande en traversant tout le pays, à Madagascar, sans la complicité de plusieurs fonctionnaires, des hauts placés de l'État ou même des politiciens. Ce réseau de trafiquants est très bien organisé et a beaucoup de ressources. Et, à l'opposé, on n'a pas le réseau vertueux qui peut les affronter. Moins de 1% du budget est alloué au secteur des ressources naturelles à Madagascar. C'est très faible. »

Ndranto Razakamanarina conclut : « Je tiens à féliciter quand même le ministre pour les efforts qu'il a fait, parce que c'est une première. On sent toujours que les affaires qui sont attrapées en-dehors de nos frontières, on n'arrive pas à les traiter chez nous. Et j'espère que ça [traiter les affaires à l'étranger, NDLR] va continuer. Je crois fermement que c'est la bonne gouvernance de nos ressources naturelles qui peut sauver ce pays. »

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