Maroc: Conférence de l'OFI sur la violence contre les femmes et les indicateurs du développement

Hanane Rihab : Les femmes victimes de violence sont celles qui ont le moins accès au marché du travail, tandis que les filles victimes de violence sont celles qui ont le moins accès à l'éducation

Khadija Rebbah : Nous devons tous nous unir pour dire à haute voix "Stop à la violence"

Touria Lachrech : Nous aspirons à un monde sans violence ni harcèlement contre les femmes

Meriem Jamal Idrissi : Notre véritable combat ne consiste pas uniquement à modifier les lois et la législation, mais il doit être contre nous-mêmes et nos stéréotypes

A l'instar des mouvements féministes dans le monde entier, l'Organisation des femmes ittihadies (OFI) se joint au mouvement mondial pour marquer la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'encontre des femmes et le début des 16 jours d'activisme contre la violence à l'égard des femmes et des filles.

Lors d'une conférence organisée à Casablanca mardi dernier sous le thème «La violence à l'égard des femmes et les indicateurs du développement», la présidente de l'OFI, Hanane Rihab, a souligné que la mesure de l'évolution des indicateurs du développement dans notre pays doit inclure l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des filles.

Elle a affirmé que la persistance de ce phénomène a un impact considérable sur le cycle économique de notre pays, sur la production en général, ainsi que sur la stabilité sociale, précisant que les femmes victimes de violence sont celles qui ont le moins accès au marché du travail et contribuent moins au cycle de production et à l'économie nationale, tandis que les filles victimes de violence sont celles qui ont le moins accès à l'éducation.

Par conséquent, il est impossible, selon la présidente de l'OFI, d'évoquer de manière définitive et claire une gestion efficace du phénomène de la violence à l'égard des femmes sans l'associer à son coût économique et à son coût social.

«Nous ne pouvons pas parler d'un modèle de développement garantissant la stabilité familiale et assurant la présence des femmes dans la vie publique, économique, sociale, politique et culturelle lorsque nous sommes confrontés à des chiffres élevés qui confirment la normalisation de la violence à l'égard des femmes et des filles », a-t-elle assuré.

Selon elle, 85% du coût économique total est dû à la violence physique, et les chiffres révèlent que le coût économique de la violence sexuelle contre les femmes atteint 70% du coût direct associé à la violence conjugale et 43% des dépenses que notre pays tente de consacrer directement aux services de santé sont inefficaces, car une grande partie est allouée à réparer les effets de la violence faite sur les femmes et les filles, tout en mettant en question l'efficacité des programmes de l'Exécutif dédiés à la lutte contre ladite violence.

L'intervention de la coordinatrice du Mouvement pour la démocratie paritaire, Khadija Rebbah, était sur la même longueur d'onde. Elle a fait savoir que l'OFI organise ces journées internationales dans un contexte politique difficile, marqué par des guerres, des crises et une forte prévalence des violences à l'égard des femmes et des filles dans de nombreuses régions du monde, assurant qu'il est impossible de parler de démocratie inclusive alors que des femmes et des filles continuent de faire l'objet de violence ou tout bonnement de mourir chaque jour, que ce soit à cause de la guerre, de la violence conjugale ou de la violence exercée dans l'espace privé.

Elle a souligné que la violence est aujourd'hui omniprésente, que ce soit dans les espaces privés, publics, numériques ou encore dans les institutions éducatives. De nombreuses jeunes filles se plaignent de harcèlement, de violences, voire de comportements tellement graves qu'ils sont difficiles à évoquer.

Elle a mis l'accent sur l'importance de s'engager dans cette campagne internationale placée sous le slogan: «Il n'y a pas d'excuse pour la violence contre les femmes et les filles», appelant tout le monde - hommes et femmes, dans les écoles et toutes les institutions - à s'unir pour dire à haute voix "Stop à la violence".

Khadija Rebbah a présenté les résultats d'une étude démontrant la corrélation entre la démocratie et la violence à l'égard des femmes, précisant à cet égard que les pays où les indices de démocratie, en particulier de démocratie inclusive, sont élevés, enregistrent de faibles taux de violence, qu'elle soit économique, physique ou psychologique. A l'inverse, les pays ayant de faibles indices de démocratie affichent des niveaux élevés de violence à l'égard des femmes et des filles.

Dans son intervention lors de cette conférence, Touria Lahrech, membre de la Coalition 190 pour un monde du travail sans violence ni harcèlement, a mis en exergue les efforts déployés pour promouvoir les droits des femmes sur le lieu de travail et lutter contre la violence à leur encontre, notant que la création de la Coalition 190 s'appuie sur la Convention n° 190 de l'Organisation internationale du travail, qui traite de la lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, ainsi que sur la recommandation n°206 la complétant.

La militante des droits de l'Homme a affirmé que les syndicats se penchent sur la violence domestique en raison de son impact direct sur la vie professionnelle des femmes, expliquant que cette violence entraîne des conséquences telles que la dépression, affectant négativement la productivité des femmes au travail et l'éducation de leurs enfants.

Elle a mis l'accent sur l'importance de la notion «monde du travail», qui dépasse le lieu de travail traditionnel pour inclure tous les espaces qui lui sont associés. Elle a également souligné la nécessité d'apporter soutien et accompagnement aux femmes qui subissent des violences, que ce soit via les syndicats ou les associations. Et Touria Lachrech de conclure : «Nous aspirons à un monde sans violence ni harcèlement contre les femmes».

De son côté, Meriem Jamal Idrissi, avocate au barreau de Casablanca, a critiqué les stéréotypes sociaux qui vident le concept de la violence à l'égard des femmes de son sens.

Selon elle, d'aucuns limitent la violence à l'égard des femmes à la violence exercée par le mari sur sa femme, alors que les femmes peuvent être exposées à la violence de la part de leur oncle, de leur frère, de leur père et même de leur soeur. «La violence contre les femmes ne se limite pas aux conflits entre un homme et une femme au travail ou dans les espaces publics et virtuels.

Il est erroné de résumer l'affaire à un conflit entre un mari et sa femme, alors qu'il est question plutôt d'une femme en conflit avec des stéréotypes issus d'un héritage socioculturel et des mentalités que nous, les femmes, défendons», a-t-elle martelé. Et d'ajouter : «Aujourd'hui, notre véritable combat ne consiste pas uniquement à modifier les lois et la législation, mais il doit être contre nous-mêmes et nos stéréotypes ».

Il y a lieu de souligner que dans le cadre de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes et le début des 16 jours d'activisme contre la violence à l'encontre des femmes et des filles, l'OFI a mis en place un programme s'étalant du dimanche 1er au 15 décembre 2024, et comprenant de nombreuses conférences-débats portant, entre autres, sur la loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes au Maroc, les défis et approches de réforme et de modernisation, les transformations sociétales et les femmes au Maroc, les femmes dans l'espace public, et la violence numérique. Ces activités se dérouleront dans les villes suivantes : Zagora, Casablanca, Rabat, Lahraouyine/Médiouna, Larache, Al Hoceima et Berrechid.

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.