Dans l'est de la RDC, les autorités locales tentent de freiner l'usage de plus en plus répandu de la monnaie ougandaise dans les échanges commerciaux.
Certaines villes congolaises, à la frontière avec l'Ouganda, connaissent une importante circulation des shillings ougandais. C'est le cas dans la ville de Nobili, un point d'entrée en Ouganda, à partir de Beni, dans l'est du pays. La ville est restée enclavée et isolée du reste du Nord-Kivu.
La route qui la relie au reste de la province est dans un mauvais état et la sécurité n'y est pas assurée. Une situation qui empêche les habitants d'effectuer des échanges avec le reste de la province. Conséquence : la cité s'est tournée vers l'Ouganda et sa monnaie, au détriment du franc congolais.
Les prix fixés en schilling
Ces appels qui tournent en boucle proviennent des haut-parleurs installés au marché de Nobili. Ils fixent le prix des différents articles en shillings ougandais. Ici, il n'est plus question de préférer ou non la monnaie ougandaise. En vérité, le shilling a supplanté le franc congolais.
Kavindo Kyavu est vendeuse de souliers dans ce marché. Elle avoue qu'elle n'utilise que les shillings ougandais dans son commerce.
Elle explique qu'ici, "les prix sont fixés en shillings. Même à l'école, je paye les frais scolaires en shillings. Je travaille dans ce marché depuis 2020, mais je vois rarement les francs congolais. Nous sommes malheureusement dominés par la monnaie étrangère, comme si nous étions des Ougandais".
L'usage du shilling est devenu courant à Nobili, comme dans toute la chefferie dont fait partie la cité. Mais pour Bosco Mundeke, président de la fédération des entreprises du Congo, c'est la rareté du franc congolais, dans cette ville frontalière avec l'Ouganda, qui favorise le recours au shilling.
Il estime que "la monnaie ougandaise est plus utilisée ici, non pas parce que nous le voulons, mais parce que nous sommes enclavés. Il n'y a pas d'échanges commerciaux réguliers entre nous et d'autres villes de l'est du pays. La seule route qui nous relie n'est pas praticable et elle est insécurisée. Par exemple, s'il faut aller se ravitailler à Beni ou à Butembo, les commerçants sont obligés de passer par l'Ouganda et là, ils font deux jours de route ! C'est comme ça qu'on est plus tourné vers l'Ouganda et sa monnaie".
Les autorités impuissantes
Depuis plusieurs années, les autorités congolaises tentent d'interdire les transactions en shillings ougandais. A la mi-novembre 2024, l'administrateur du territoire de Beni s'est même rendu dans la cité de Nobili pour rappeler l'interdiction de l'usage de la monnaie ougandaise en RDC.
Au lendemain de sa visite, plusieurs personnes ont été arrêtées puis relâchées. La société civile locale s'est toujours opposée à cette interdiction. Pour Maurice Mabelé, avant de bannir l'utilisation des shillings ougandais, l'Etat congolais devrait désenclaver la ville. Un désenclavement qui passe par la réhabilitation et la sécurisation de la route qui relie Nobili à Beni et Butembo.
Maurice Mabelé constate que "c'est la monnaie ougandaise qui sillonne dans tous les bureaux, ici, à la douane congolaise : à la DGM (Direction générale de la migration), à la DGDA (Direction générale des douanes et des assises), même au bureau de la chefferie et dans des écoles. Le gouvernement congolais doit prendre ses responsabilités en main en résolvant le problème de la route, nous doter aussi de banques, mais aussi créer des maisons d'échange de monnaie. Il n'y en a pas ici !"
La ville de Kasindi-Lubirihya, un autre point d'entrée en Ouganda, à partir de Beni, toujours dans le Nord-Kivu, a connu aussi, il y a quelques années, une importante circulation des shillings ougandais.
Mais les autorités locales, les mouvements citoyens et la société civile se sont mobilisés et sont parvenus à bloquer l'usage de la monnaie ougandaise.