Ile Maurice: Quand les rêves d'avenir poussent les jeunes Mauriciens à quitter l'île

6 Décembre 2024

Face à une économie en mutation et des opportunités limitées, les jeunes Mauriciens expriment un désir croissant de quitter leur pays. Selon le dernier rapport Afrobarometer, 74 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans et 73 % de ceux entre 25 et 34 ans ont déjà envisagé l'émigration, principalement pour des raisons professionnelles. Ces chiffres marquent une augmentation spectaculaire par rapport à 2016, alors que seuls 27 % et 22 % respectivement avaient «beaucoup» ou «quelque peu» pensé à quitter l'île. Cette tendance s'accompagne de défis complexes pour le gouvernement mauricien, qui lutte à la fois contre un exode des compétences et un mécontentement généralisé des jeunes à l'égard des politiques publiques.

Maurice, vantée par l'ancien régime pour sa stabilité économique et politique, voit aujourd'hui sa jeunesse remettre en question son avenir sur l'île. Le rapport révèle des divergences frappantes entre les jeunes de 18 à 24 ans et ceux de 25 à 34 ans. La lutte contre les drogues est en tête des préoccupations des jeunes de 18 à 24 ans, 40 % d'entre eux estimant que c'est le problème le plus urgent à résoudre pour le gouvernement. En revanche, leurs aînés (25-34 ans) se préoccupent davantage de l'augmentation du coût de la vie, un problème cité par 40 % d'entre eux.

Cependant, les deux groupes s'accordent sur l'importance de l'emploi, 31 % des jeunes de chaque tranche d'âge considérant le chômage comme un problème majeur. Les questions de sécurité et de criminalité figurent également parmi les préoccupations majeures, citées par 19 % des 18-24 ans et 25 % des 25-34 ans. Ces chif- fres traduisent un climat d'inquiétude grandis sant, qui se voient renforcées par des perspectives économiques limitées.

Système économique en décalage avec les attentes

Malgré des progrès dans la réduction du chômage des jeunes - qui est passé de 23,2 % en 2013 à 18,2 % en 2023 -, le rapport met en lumière des obstacles persistants à l'emploi. Parmi les principales barrières citées par les jeunes, on retrouve un manque de formation adéquate (31 % des 18-24 ans, 29 % des 25-34 ans) et un manque d'expérience (26 % et 29 %, respectivement). De plus, 20 % des jeunes de 18-24 ans estiment que leurs qualifications académiques ne répondent pas aux exigences du marché du travail, un problème moins présent chez les 25-34 ans (11 %). Cette inadéquation entre éducation et emploi ren- force un sentiment de frustration, en particulier chez les plus jeunes. Il est notable que les jeunes rejettent largement l'idée qu'ils seraient réticents à accepter des emplois «difficiles» ou peu attractifs, une perception qui reste surtout partagée par les générations plus âgées.

Conditions de vie «insatisfaisantes»

L'analyse d'Afrobarometer met en évidence une différence marquée dans la perception des conditions de vie entre les deux groupes d'âge. Tandis que 59 % des 18-24 ans jugent leur situation économique actuelle «assez bonne» ou «très bonne», ce pourcentage chute à 39 % chez les 25-34 ans.

L'émigration : un choix pragmatique

Les données révèlent que la principale motivation d'envisager l'émigration est la recherche d'opportunités professionnelles. Plus de la moitié des jeunes interrogés (57 % des 18-24 ans et 53 % des 25-34 ans) expriment le désir de partir afin de trouver un emploi ou de meilleures conditions de travail. D'autres raisons incluent l'évasion de la pauvreté ou des difficultés économiques (19 % des 18-24 ans et 18 % des 25-34 ans), tandis que 15 % des plus jeunes évoquent leur souhait de poursuivre des études à l'étranger, une priorité moins marquée chez leurs aînés.

Cette quête d'un avenir meilleur se déroule dans un contexte où les jeunes diplômés ont du mal à trouver des emplois correspondant à leurs compétences. Le secteur privé, bien qu'attractif pour 35 % des 18-24 ans, perd de son attrait chez les 25-34 ans (24 %). Ces derniers se tournent de plus en plus vers l'entrepreneuriat.

Initiatives gouvernementales

Face à ces défis, l'ancien gouvernement mauricien avait tenté de mettre en place des mesures incitatives pour retenir les jeunes talents. Parmi ces mesures figurent l'Independence Scheme, qui accorde une subvention unique de Rs 20 000 à chaque citoyen atteignant 18 ans, ainsi qu'un forfait mensuel de données internet gratuit pour les 18-25 ans, afin de réduire la fracture numérique. De plus, des ajustements salariaux ont été introduits cette année pour les détenteurs de diplômes et de certifications.

Malgré ces efforts, seuls 35 % des jeunes de 18-34 ans approuvent les initiatives gouvernementales en matière de création d'emplois. Pire encore, seulement 20 % des 18-24 ans et 6 % des 25-34 ans estiment que le gouvernement a bien géré la stabilité des prix, un indicateur clé pour contrer la montée de l'inflation. En revanche, les jeunes sont plus positifs concernant des domaines tels que l'éducation, la fourniture d'électricité et la maintenance des infrastructures routières, qui affichent des taux d'approbation supérieurs à 60 %.

L'exode des jeunes a des répercussions directes sur l'économie mauricienne. Par exemple, le secteur hôtelier a dû recourir à de la main-d'œuvre étrangère pour combler les lacunes. De plus, des initiatives telles que le Mauritian Diaspora Scheme, censées attirer les talents expatriés, n'ont pas réussi à inverser la tendance. Selon les experts, ce phénomène crée un cercle vicieux : la perte de talents affaiblit les secteurs clés, décourage les investissements et complique encore la tâche de retenir ou d'attirer de jeunes professionnels.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.