L'économiste Dodji Nettey-Koumou, membre de l'Association 'Veille Économique', a critiqué vendredi le projet de loi de finances 2025, qui consacre 50% du budget au secteur social.
Selon lui, cette orientation budgétaire serait inadaptée à la croissance économique du Togo, assimilant cette approche à une gestion « d'ONG ». Pourtant, les solutions qu'il propose semblent tout aussi déconnectées des réalités économiques et sociales actuelles.
M. Nettey-Koumou affirme qu'un budget doit prioritairement « créer de la richesse » et « stimuler la production économique ». Si cet objectif est noble, il oublie que la création de richesse passe également par des investissements dans les domaines sociaux essentiels tels que la santé, l'éducation et la protection sociale. Un pays où les citoyens n'ont pas accès à ces services de base voit sa main-d'oeuvre affaiblie, son niveau de productivité réduit et, in fine, sa croissance compromise.
Réduire les dépenses sociales pour maximiser les investissements productifs peut sembler logique sur le papier, mais en pratique, cela risque d'aggraver les inégalités, de fragiliser le tissu social et de freiner le développement humain. Ignorer ces effets revient à adopter une vision à court terme qui sous-estime le rôle central des dépenses sociales dans la croissance inclusive.
L'économiste propose de réduire le train de vie de l'État, notamment en diminuant le nombre de ministres et en luttant contre la corruption pour mobiliser des ressources.
Bien que ces mesures puissent être pertinentes dans une certaine mesure, elles ne suffisent pas à résoudre les défis budgétaires d'un pays.
La réduction du nombre de ministres, par exemple, aurait un impact financier marginal par rapport aux enjeux macroéconomiques.
De plus, la lutte contre la corruption, bien qu'essentielle, nécessite des réformes profondes et de long terme qui ne génèrent pas de revenus immédiats. Présenter ces solutions comme des remèdes miraculeux ignore la complexité des mécanismes budgétaires et les contraintes économiques auxquelles le Togo est confronté.
M. Nettey-Koumou critique également la « politique fiscale agressive » du gouvernement, qui pénaliserait le pouvoir d'achat des citoyens et affaiblirait le secteur privé. Cependant, il semble oublier que cette pression fiscale est souvent le résultat de l'insuffisance des recettes de l'État. En rejetant les dépenses sociales, il omet de reconnaître que ces dernières jouent un rôle crucial dans le soutien aux populations vulnérables, qui forment une grande partie de la base fiscale.
Opposer dépenses sociales et croissance économique est un raisonnement simpliste. De nombreux pays ont démontré que les investissements sociaux, loin d'être un frein, sont un levier puissant pour la croissance. Un accès accru à la santé et à l'éducation, une meilleure sécurité alimentaire, ou encore des filets sociaux pour protéger les populations en difficulté favorisent une économie plus résiliente et une société plus stable.
En d'autres termes, l'idée que le budget social « entretient » les populations plutôt qu'il ne les « autonomise » repose sur une méconnaissance des dynamiques de développement humain. Une société affaiblie ne peut pas produire de richesse durable, peu importe l'ambition des politiques économiques.
Si les inquiétudes de M. Nettey-Koumou sur certains aspects de la gestion budgétaire sont valides, ses recommandations manquent de profondeur et ne tiennent pas compte des réalités sociales et économiques.
Plutôt que de réduire les dépenses sociales, il serait plus pertinent de réfléchir à des politiques équilibrées qui favorisent à la fois les investissements productifs et le soutien aux populations vulnérables.
La croissance économique ne peut être durable sans un investissement conséquent dans le capital humain. Plutôt que de caricaturer les dépenses sociales comme une gestion d'ONG, il serait temps de reconnaître leur rôle central dans la construction d'une économie inclusive et prospère.