Dans un jugement rendu, hier, les juges Shameem Hamuth-Laulloo et Patrick Kam Sing, siégeant en Cour suprême, ont accordé la liberté conditionnelle à Bernard Maigrot, condamné en août dernier à 15 ans de servitude pénale pour homicide involontaire dans l'affaire de Vanessa Lagesse. Cette décision a été prise en attendant l'issue de l'appel de l'ex-amant de la styliste tuée. Les juges ont souligné que le préjudice subi par Bernard Maigrot en cas d'incarcération prolongée pourrait être irréparable si son appel devait aboutir.
L'état, représenté par le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), avait fermement contesté la libération sous caution de Bernard Maigrot, invoquant un risque sérieux de fuite. Le condamné, homme d'affaires de renom, dispose, selon l'accusation, de moyens financiers considérables et de liens familiaux à l'étranger. En réponse, la défense menée par Me Gavin Glover, Senior Counsel, avait souligné l'absence de preuves concrètes appuyant ces affirmations. Me Glover, dans sa plaidoirie, avait également mis en avant le comportement exemplaire de Bernard Maigrot tout au long de la procédure judiciaire, marquée par 23 ans de comparutions régulières devant les tribunaux sans aucune tentative d'évasion.
L'équipe juridique de Bernard Maigrot avait également insisté sur les obstacles rencontrés pour préparer efficacement son appel depuis sa détention. La communication avec ses avocats étrangers s'est avérée difficile, compliquant la coordination nécessaire pour traiter les 34 motifs d'appel déposés. De plus, des problèmes de santé pour lui et sa femme ont été évoqués comme des éléments aggravants de sa détention prolongée.
Les juges Shameem Hamuth-Laulloo et Patrick Kam Sing ont rappelé que le droit à la liberté constitue la règle tandis que la détention est l'exception, conformément à la Bail Act. Les juges ont estimé que son lieu de résidence fixe à Maurice, ses obligations familiales envers une épouse malade, ainsi que son historique de respect des conditions de liberté provisoire, plaident en sa faveur. Bien que l'appel soit fixé pour mars 2025, la Cour a estimé que l'issue finale pourrait prendre plus de temps, notamment en raison du volume de documents et des facteurs imprévisibles influençant les délais judiciaires. En outre, ils ont souligné que le préjudice subi par Bernard Maigrot en cas d'incarcération prolongée pourrait être irréparable si son appel devait aboutir.
Un précédent jurisprudentiel ?
Le jugement souligne également la pertinence des 34 motifs d'appel déposés par Bernard Maigrot, notamment des allégations de graves erreurs de droit lors de son procès. Parmi elles, des directives jugées inappropriées données au jury sur des éléments-clés comme l'alibi et l'heure du décès. La Cour suprême a noté que ces arguments, bien qu'encore non examinés sur le fond, sont «plausibles et susceptibles de succès».
En dépit des inquiétudes soulevées par l'accusation quant à un potentiel «effet de précédent», les deux juges ont insisté sur le fait que chaque affaire doit être jugée en fonction de ses spécificités. «It is irrelevant to us that our decision may, in the future, prompt other appellants to apply for bail pending their appeal before the Court of Criminal Appeal. This is not a consideration at all and it is not because this may occur that we will keep the present applicant in detention against all legal principles. In any event, we had already pointed out earlier that our decision is based on the very particular and unique circumstances of the present case», ont affirmé les juges.
Les juges Hamuth-Laulloo et Kam Sing ont imposé des conditions de libération strictes, notamment une caution de Rs 2 millions et deux garants à hauteur d'un million de roupies chacun, l'obligation de se présenter deux fois par jour au poste de police de Grand-Gaube, une interdiction formelle de quitter Maurice et la remise de tout passeport détenu, une assignation à résidence avec un couvre-feu de 20 à 7 heures et l'obligation de s'en remettre à la police, si toutefois son appel est rejeté.