Tunisie: Kairouan - Tout pour sauver la cueillette des olives

7 Décembre 2024

L'importance de l'olivier dans le Kairouanais est d'ordre économique, affectif et culturel avec l'organisation annuelle de festivals en l'honneur de cet arbre vénéré par les fellahs et cité dans le Coran. C'est aussi un bon fixateur du sol et on apprécie ses huiles aux bienfaits nutritifs indéniables, notamment auprès des insuffisants hépatiques, des hypertendus et des malades cardiorénaux.

Notons que le gouvernorat de Kairouan compte 11,8 millions de pieds d'oliviers répartis sur 195.000 hectares. Les délégations les plus productives sont El Ala, Bouhajla, Chebika, Nasrallah, El Hajeb et Haffouz. Ayant un taux d'acidité très bas, leur huile est très appréciée par les consommateurs, à l'échelle régionale, nationale et internationale.

Selon les estimations du Crda, la production prévue pour la saison 2024-2025 est de 206.000 tonnes d'olives (soit 42.000 tonnes d'huile).

Notons dans ce contexte que le coup d'envoi de la campagne de cueillette des olives a été donné le 18 octobre en avance par rapport aux années précédentes à cause des fortes chaleurs automnales ayant fait mûrir les olives d'une manière très précoce.

Néanmoins, un mois après le démarrage officiel de la saison de la cueillette, on a constaté qu'un grand nombre d'oléiculteurs ont arrêté provisoirement leur campagne car, comme ils dépendent des prêts bancaires et des facilités accordées par les fournisseurs, ils n'arrivent pas à accepter les prix trop bas des olives (entre 1D,100 et 1D,300 le kilo) actuellement proposés, le retard de l'ONH dans l'achat des quantités déjà pressées, le refus des huileries d'acheter de nouvelles quantités d'olives, faute de liquidités à cause des entreprises exportatrices qui ne se sont pas encore manifestées.

Et comme le temps presse et que la cueillette risque d'être compromise, beaucoup d'agriculteurs n'arrivent pas à se résigner à leur mauvais sort et ont organisé des sit-in, surtout à Hajeb El Ayoun et à Sidi Amor Bouhajla, où ils ont brûlé des pneus et bloqué la route régionale 81 reliant Bouhajla à Sfax.

Témoignages

Dimanche 1er décembre, nous nous sommes rendus à Bouhajla, située à une trentaine de kilomètres au Sud de Kairouan et occupant une superficie de 75.133 hectares. Les quatorze imadats qui forment cette délégation sont en quelque sorte un prolongement de la plaine de Kairouan. Les amandiers (800.000 pieds) et les oliviers (850.000 pieds et 100 huileries) y prospèrent.

Depuis l'indépendance et après la promulgation des lois sur l'octroi des terres agricoles, le paysage n'a cessé de se transformer.

Ainsi, cette délégation a émergé au milieu d'une nature naguère austère et peu clémente avec son sol sablonneux et inculte et son climat chaud et aride, un million et demi d'arbres de toutes espèces y ont été plantés et des milliers de puits de surface et de puits profonds y ont été creusés.

D'ailleurs, ce qui a attiré notre attention lors de notre randonnée, c'est le nombre et la beauté des espaces de détente pleins de verdure, de cyprès et de tamaris à grappes de fleurs roses.

Et à imadat Aouled Achour, nous avons constaté de visu que les oliveraies étaient presque vides et que les fruits sont encore dans les arbres.

Ahmed Achouri, oléiculteur présent sur les lieux, nous explique que les fellahs sont confrontés à beaucoup de problèmes, et se sentent affligés : «D'abord, on souffre du manque de main-d'oeuvre qualifiée pour la cueillette des olives d'autant plus que les jeunes trouvent que les salaires (entre 25 et 30 D la journée) ne sont pas compétitifs par comparaison à ce que proposent d'autres secteurs. En outre, les huileries n'arrivent pas à acheter de grandes quantités d'olives vu qu'elles n'ont pas l'argent nécessaire pour le faire puisqu'elles n'ont pas encore bénéficié des crédits saisonniers, sans oublier le fait que les entreprises exportatrices ne cherchent pas de nouveaux marchés et se contentent d'exportations limitées. Tous ces retards ont étouffé les fellahs...», nous dit-il avec amertume.

Mokhtar Ammari, un commerçant de Bouhajla, nous confie que d'habitude il achète 10 tonnes d'olives pour les revendre aux usines de transformation. Aujourd'hui, il n'a acheté qu'une seule tonne à cause de l'arrêt de la cueillette et espère que tout rentrera dans l'ordre prochainement grâce aux mesures urgentes prises par le Président de la République.

D'autres agriculteurs, dont Mohsen Mahrezi, ont évoqué le fléau du pillage, surtout que les voleurs n'hésitent pas à couper les arbres à la base du tronc pour les acheminer vers des huileries clandestines, cela sans oublier la cherté des plants de bonne qualité ainsi que la présence dans la plupart des imadas d'étalages anarchiques de vente d'olives.

L'intervention de l'Etat

Comme le secteur oléicole est stratégique pour notre économie nationale et qu'il renfloue les caisses de l'Etat en devises, il faudrait le prémunir contre tout danger, surtout quand la campagne s'annonce très bonne comme cette année.

Rappelons, dans ce contexte, la réunion du 28 novembre, présidée par le Président de la République, en présence du Chef du gouvernement, du ministre de l'Agriculture, du P.-d.g. de l'Office national de l'huile et du directeur général de l'Office des céréales. Kaïs Saïed a insisté sur l'importance de prendre des mesures urgentes pour assurer le bon déroulement de la récolte des olives, tout en garantissant les droits des agriculteurs.

Il a appelé à l'élaboration d'une stratégie claire et prospective pour anticiper les éventualités, en mettant l'accent sur la gestion efficace des ressources agricoles et la protection des intérêts des producteurs. Le Chef de l'Etat a dénoncé les tentatives récentes de perturbation qu'il considère comme anormales, affirmant que l'Etat ne restera pas inactif face à ceux qui cherchent à semer la pagaille.

Par ailleurs, le gouverneur de Kairouan, Dhaker Bergaoui, a présidé une réunion avec les oléiculteurs et les propriétaires d'huileries pour identifier les problèmes qui freinent la saison de la cueillette des olives et pour proposer les bonnes mesures qui s'imposent. Une réunion est également programmée avec les exportateurs.

Enfin, le ministre de l'Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche a effectué, le 29 novembre, une visite à Kairouan où il a présidé, au siège du gouvernorat, une réunion avec toutes les parties concernées, entre fellahs et oléiculteurs, et a rappelé les décisions du Chef de l'Etat pour sauver le secteur oléicole. Et au siège de l'ONH, il a exhorté les responsables à recevoir toutes les variétés d'huile d'olive.

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