Quelque 500 drapeaux rouges ont été installés ce week-end sur la colline sacrée de Manjakamiadana, en plein coeur de la capitale malgache. Leur objectif : alerter 2 000 personnes qui y vivent d'un risque accru de glissement de terrain avec l'arrivée de la saison des pluies. Alors que chaque année des personnes meurent dans des éboulements sur cette colline, aucune solution de relogement pérenne n'est proposée aux habitants.
Seul un chemin escarpé conduit à la maison de Madame Dina, située quelques dizaines de mètres en contrebas du Palais de la Reine. L'installation de drapeaux rouges près de chez elle a augmenté sa crainte ces derniers jours. « On reste toujours sur nos gardes par rapport à un éventuel glissement de terrain. On a cette peur constante en nous, surtout quand il pleut la nuit. Cela nous perturbe, on n'a pas l'esprit tranquille, explique Madame Dina. Peut-être que l'on pourrait mettre en place des murs de soutènement. Mais ces travaux-là seraient périlleux, donc je ne vois pas de solution concrète ».
Elle et sa famille n'ont pas les moyens de se loger ailleurs. Au pied de la paroi rocheuse qui domine leur maison, ils ont installé une statue de la Vierge, à qui ils confient leur protection. Un peu plus bas, sur la colline de Manjakamiadana, Virginie, mère de famille, voit le petit terrain qui sépare sa maison du précipice se réduire chaque année davantage sous l'effet des pluies. « Si l'État nous propose un autre terrain et qu'il s'occupe de nous construire une nouvelle habitation, on serait prêts à déménager. C'est déjà arrivé que l'on dorme dans des centres d'hébergement provisoires. Parfois, on part aussi en brousse pour sortir de cette zone à risque, indique-t-elle. Là, il n'y a plus beaucoup de terrain pour soutenir la maison. Nous sommes conscients que tôt ou tard, elle va partir avec le reste du terrain ».
Le jour où elle devra quitter ce quartier où elle est née, sur le flanc est de la colline de Manjakamiadana, Virginie redoute aussi de perdre ses moyens de subsistance, parmi lesquels son élevage de coqs de combat.
« Risque imminent et permanent »
Mais la peur que ressentent Dina, Virginie et leurs familles n'est pas partagée par tous les habitants qui vivent sur cette colline. Dans le quartier d'Ambanin'Ampamarinana, sur le flanc ouest, beaucoup de voisins sont convaincus qu'il n'existe pas de danger et s'amusent même de ces drapeaux rouges réinstallés chaque année. À quelques mètres de chez eux, la chute d'une roche a pourtant tué quatre personnes en 2019.
« Certaines zones des versants est, sud et ouest de la colline de Manjakamiadana sont à risque imminent et permanent », confirme le Docteur Lalah Christian Andriamirado, expert en Géorisques au sein du Bureau national de gestion des risques et catastrophes. « Environ 400 toits sont très exposés face au risque de glissement de terrain et aux chutes de blocs rocheux. Notre modèle a révélé d'importantes infiltrations dans le sous-sol, qui viennent fragiliser le terrain. L'une des réponses consiste à construire ou rénover les canaux de drainage », détaille-t-il.
Météo Madagascar a récemment prédit une saison des pluies dite « active », anticipant jusqu'à cinq cyclones, ce qui augmente encore plus cette année le risque de glissements de terrain, selon le Bureau national de gestion des risques et des catastrophes.