Congo-Kinshasa: Changement de la Constitution ? Non ! Retour plutôt à la « Constitution » du 25 novembre 1990 ! »

Le septennat sans limite est prévu à l'article 21, le présidentialisme plein à l'article 20 ; la nomination et la révocation des gouverneurs des provinces à l'article 30. Rien de nouveau alors sous les cieux... Janvier 2019-août 2024. Cinq ans et demi durant, Félix Tshisekedi a prononcé un bon cinquantenaire de messages pour consommation interne, toutes circonstances confondues.

Les rares fois qu'il a fait allusion à la révision de la Constitution, ses préoccupations ont porté sur le rétablissement du second tour de la présidentielle et l'élection au suffrage universel des sénateurs (oubliés au moment de l'élaboration de la loi électorale du 15 juin 2023), ainsi que la désignation des gouverneurs des provinces (il s'y met). Curieusement, pendant qu'on brandit le fameux testament d'Étienne Tshisekedi pour le changement de la Constitution, ni le Président de la République, ni l'Udps ne rappellent à la mémoire collective l'objectif n°10 du parti présidentiel une fois aux affaires : le fédéralisme...

Retour au septennat sans limitation

Au contraire, les actes en train d'être posés portent à croire qu'on est dans des incantations visant la reproduction d'un clone du Monopartisme (Mpr Parti-Etat) avec une « Opposition » réduite en « courant réformateur », sur le modèle proposé autrefois par les 13 Parlementaires auteurs de la Lettre du 1er novembre 1980 au Maréchal.

Pour l'histoire, c'est le rejet par Mobutu de cette initiative au sein du Mpr Parti-Etat qui sera à l'origine de sa mutation en parti politique autonome dénommé Udps. Passons. Dans la foulée de la re-visitation de la Constitution actuelle, les rumeurs font état d'un retour au septennat sans limitation. Une première ? Pas du tout ; c'est du copier-coller des articles 20 et 21 de Loi n °90-008 du 25 novembre 1990 promulguée au lendemain de la proclamation de la libéralisation politique le 24 avril 1990.

L'énoncé de l'article 20 est « Le Président de la République représente l'Etat. II est le chef de l'exécutif. Il détermine et conduit la politique de la nation. Il fixe le programme d'action du gouvernement, veille à son application et informe l'Assemblée nationale de son évolution ».

Celui de l'article 21, alinéa 1, est « Le Président de la République est élu pour 7 ans au suffrage universel direct ». Le nombre de mandat n'est pas déterminé.

Rien de nouveau sous les cieux

Ce présidentialisme sur fond d'unitarisme a pourtant fait beaucoup de tort au pays, et Félix Tshisekedi le sait puisqu'il l'a vécu dans sa chair.

Or, il n'est pas sans savoir que la Constitution actuelle, à l'analyser froidement, conduit lentement mais sûrement le pays vers le fédéralisme pratiqué sous la colonisation dans les six provinces de l'époque : Léopoldville (comprenant Kinshasa, Kongo Central et Bandundu/Ouest), Equateur, Kasaï, Katanga, Kivu et Orientale.

Normalement, chef d'un parti fédéraliste, ressortissant en plus d'un espace fédéraliste, Félix Tshisekedi devrait accompagner la réalisation de cet idéal. Hélas ! il choisit le présidentialisme auquel son père et son parti se sont opposés radicalement au cours des 37 ans de lutte contre les dictatures auxquels ils ont assimilé les régimes Mobutu, Laurent-Désiré et Joseph Kabila.

C'est dans cette optique qu'il faut intégrer sa préoccupation de transformer en représentants personnels les Gouverneurs des provinces élus jusque-là au second degré (Assemblées provinciales).

Encore une première ? Rien de nouveau sous les cieux. Il entend s'octroyer les prérogatives de nomination et de révocation conférées au Président de la République comme stipulé par l'article 30 de la loi précitée : « Le Président de la République nomme et révoque les gouverneurs des provinces ».

On est loin de la formulation rassurante et humanisée de l'article 80 de la Constitution actuelle, à savoir : « Le Président de la République investit par ordonnance les Gouverneurs et les Vice-gouverneurs de province élus, dans un délai de quinze jours conformément à l'article 198 ». Ceci à l'alinéa 1.

A l'alinéa 2 : « Le Gouverneur et le Vice-gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l'Assemblée provinciale. Ils sont investis par ordonnance du Président de la République ».

Certes, c'est bon de mettre dans la bouche de la Génération Internet l'exemple de Khonde Vila Kikanda (originaire du Kongo Central) élu Député National en 2011 au Nord Kivu en souvenir de sa bonne gestion de l'ex-Kivu sous le MPR Parti-Etat.

Pour l'histoire, il n'est pas le seul : il y a aussi Jonas Mukamba au Grand Equateur entre 1980 et 1983 (ce qui lui a valu d'être élu en 2024 sénateur pour nouvelle province de l'Equateur) et Louis Koyagialo au Grand Katanga entre 1986 et 1990 avant le grossier montage « Opération Lititi Mboka ».

Mais, comme tout côté jardin, il y a aussi côté cour avec ces gouverneurs des régions ayant laissé de très mauvais souvenirs là où ils ont été représentants personnels du Maréchal Mobutu. Avec tout ce que ces provinces gardent comme souvenirs traumatisants de la territoriale des gouverneurs non originaires, Félix Tshisekedi risque de porter sur lui la responsabilité des mécontentements qu'il aura beaucoup de mal à administrer.

Dire qu'il aurait dû encourager l'option de leur élection au suffrage universel, de façon à les laisser répondre eux-mêmes de leur gestion devant leur corps électoral constitué de la population et non des députés provinciaux. Ça le mettrait à l'abri du mécontentement.

Déjà, avec la nomination, deux problèmes se créent et renvoient, une fois encore, au Parti-Etat. Le premier est le devenir des maires des villes, bourgmestres des communes, chefs des quartiers etc. qui sont, eux aussi, ses représentants dans leurs entités. La logique imposerait de les nommer également avec comme conséquence le second problème : l'avenir des organes délibérants. Leur élection et leur fonctionnement n'auront plus de sens. Même issus des élections, ils n'auront aucune autorité sur les « mandataires du chef de l'Etat ».

Lutté finalement contre un mirage, alias dictature !

Au regard de ce qui précède, le changement de la Constitution - voulu du reste essentiellement pour les prérogatives du Président de la République - consisterait globalement à ramener la RDC dans le Zaïre, en amont comme en aval.

Au résultat, c'est un Mobutu qui rira sous cape, face à un Tshisekedi wa Mulumba boudeur. La toque de léopard prendra sa revanche sur béret mâle simple (monyere), et cela à l'initiative non pas de François Nzanga Mobutu (fils biologique et politique d'un « dictateur ») mais de Félix Tshisekedi (fils biologique d'un « démocrate »).

Au fait, le changement aura consisté à passer par pertes et profits tout le martyre subi par les Zaïro-Congolais ayant lutté finalement contre des dictatures et pour des démocraties se révélant de vrais mirages ! et cela par la volonté particulièrement de l'UDPS...

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