Des têtes vont peut-être tomber chez l'ancienne direction de la Mauritius Investment Corporation Ltd (MIC) suivant l'enquête policière enclenchée et portant sur les fraudes entourant le décaissement de fonds à certains bénéficiaires dans la plus grande opacité. Ce, avec en plus la complicité d'anciens dirigeants de la Banque de Maurice (BoM) et du ministère des Finances.
Samedi, à la faveur de sa première conférence de presse, le gouverneur de BoM, Rama Sithanen, est monté au créneau pour clarifier la situation à la MIC. Entre son devoir de réserve, de transparence et de confidentialité s'agissant notamment de la spécificité de la filiale de la BoM régie par le Companies Act, Rama Sithanen a voulu naviguer entre ses différentes contraintes. Ce, pour éviter que certaines informations, voire des allégations autour de certains prêts dits toxiques, dont auraient bénéficié certaines sociétés, puissent à leur tour impacter d'autres qui honorent leurs engagements et qui sont cotées à la Bourse de Maurice.
L'ancien ministre des Finances, qui a passé plus de 90 % de son temps à la tête de la BoM depuis plus de deux semaines à éplucher des dossiers à risque, n'a pas voulu mettre tous les clients de la MIC dans le même panier, sachant que certains ont rempli les conditions et sont règle avec les termes de leur contrat. D'autres ont, en revanche, des difficultés à rembourser leurs prêts, accumulant des arrérages dont ils doivent s'acquitter et pour lesquels le gouverneur s'est engagé à discuter et à trouver des solutions.
Cependant, le principal souci du gouverneur de la BoM reste malheureusement une petite poignée de clients qui ont abusé du système en resquillant des fonds de la MIC. «La société qui est dans la une de l'actualité (NdlR, il n'a pas cité le nom) se trouve dans cette catégorie. La demande de prêt a été faite presque au même moment de l'annonce des élections, dans la plus grande opacité, sans respecter les conditions qui y sont attachées dans le Term Sheet, dont celles sur l'utilisation du prêt», affirme Rama Sithanen, qui s'étonne que malgré les objections des directeurs de la MIC et de ceux de la société bénéficiaire, la MIC ait décaissé le montant, près de USD 1 million (Rs 43 millions), aujourd'hui volatilisé à Dubaï. Une deuxième société domiciliée dans la même juridiction est sur le radar du gouverneur de la BoM.
Sur la base de ses enquêtes préliminaires, il existe Rs 3,7 milliards, sur les Rs 81 milliards initialement allouées par la MIC, qui devraient être difficilement récupérables. Mais Rama Sithanen ne compte pas baisser les bras et s'est donné tous les moyens pour réussir dans cette tâche. Pour le moment, un peu plus de Rs 52 milliards ont quitté les caisses de la MIC pour financer 71 entreprises, dont Rs 25 milliards (31 %) à Airport Holdings Ltd (AHL), qui en a utilisé une partie pour sauver financièrement Air Mauritius, et le reste dans les entreprises engagées dans l'hôtellerie et la restauration à travers les secured redeemable debentures (27 %) et l'acquisition de biens fonciers, principalement Omnicane et Medine (10 % et 3 %) par le biais de titres (equities).
Vu que les résultats négatifs de la MIC au 30 juin 2024, qui seront postés sur son site cette semaine, ont dégradé le bilan de la Banque de Maurice pour la même période, le gouverneur réfléchit à la meilleure option pour stopper le pire au sein de la filiale de celle-ci. Il avance l'idée d'un arrangement institutionnel avec AHL pour reprendre les Rs 25 milliards selon une formule qu'il a déjà en tête, sans pour autant fragiliser davantage la situation financière déjà précaire d'Air Mauritius, une de ses filiales. Parallèlement, il ne compte pas débourser les Rs 29 milliards restants dans le compte de la MIC même si celle-ci a déjà pris des engagements fermes.
Cependant, toute la problématique demeure la raison d'être même de la MIC, lancée dans le sillage du Covid-19, en mai 2020, pour aider financièrement les entreprises systémiques frappées par l'effet de cette pandémie, dont principalement les établissements hôteliers suivant la fermeture de l'aéroport. «Il y a une réflexion stratégique à faire. Est-ce que c'est le rôle de la banque d'être un investisseur, d'aller investir dans des terres, alors qu'il est un régulateur par la loi ? En même temps, le pays a besoin des terres pour des projets d'autosuffisance alimentaire et d'énergie renouvelable. Nous étudions tous ces paramètres pour choisir la meilleure structure pour la MIC.» Rama Sithanen maintient que la BoM doit retourner à son mandat initial de garantir la stabilité de prix et de la roupie en assurant un développement ordonné et équilibré de l'économie.
Une fois les dossiers explosifs de la MIC dépoussiérés, Rama Sithanen compte s'attarder sur les mesures prises par rapport à ses autres priorités à la BoM Tower, soit de stabiliser la roupie, d'assurer la disponibilité de devises sur le marché forex et de revisiter la politique monétaire. Un tout autre chantier.