Au Mali, quelles seront les conséquences de la libération, jeudi 5 décembre, des onze cadres politiques de la « Déclaration du 31 mars » qui réclame le retour à l'ordre constitutionnel ? Détenus, depuis plus de cinq mois et accusés d'« opposition à l'exercice de l'autorité légitime », leur libération n'a pas été décidée mais simplement actée par la Justice malienne, à la demande des autorités politiques de la Transition. Néanmoins, les partis signataires assurent ne pas s'être inféodés aux autorités militaires et demandent la libération des autres prisonniers d'opinion.
Certains ont déjà repris leurs activités politiques au sein de leur parti, d'autres se reposent en famille.
Selon plusieurs de leurs proches, les onze cadres politiques libérés, jeudi 5 décembre, vont en tout cas tous bien, sont libres de se déplacer où ils le souhaitent et restent disponibles en cas de besoin pour la justice. Leur libération, en effet, n'est que provisoire, dans l'attente d'un procès dont la date n'a toujours pas été fixée, au cours duquel leurs avocats tenteront d'obtenir un non-lieu.
Instrumentalisation de la justice
Car c'est bien une initiative strictement politique qui a permis leur libération provisoire. Les tentatives de leurs camarades de parti, pendant plus de cinq mois, étaient demeurées vaines. Pas celle d'Ousmane Issoufi Maïga, ancien Premier ministre réputé proche de la présidence et actuellement chargé de rédiger une nouvelle charte pour la paix et la réconciliation, dans un contexte dans lequel les autorités de transition entendent « créer les conditions nécessaires » pour organiser d'éventuelles élections. Objectif de cette instrumentalisation de la justice malienne quasi assumée : obtenir une forme de « décrispation », voire une claire adhésion de la classe politique au futur processus électoral.
Si de nombreuses sources politiques et judiciaires déplorent ce dévoiement de la Justice malienne, d'autres jugent que la période nécessite des compromis.
Tous, enfin, acceptent avec un soulagement immédiat la libération des onze cadres politiques détenus pendant cinq mois dans le cadre d'une procédure aux bases légales contestées.
« Notre seul engagement : participer au dialogue politique »
Est-ce à dire que les organisations de la Déclaration du 31 mars -- qui avaient suspendu leur participation aux activités politiques, initiées par le gouvernement, tant que leurs camarades ne seraient pas libérés - se montreront dorénavant plus dociles ?
Mahamadou Konaté est président du mouvement Reconstruire-Baara ni Yiriwa, membre du M5-Mali Koura et porte-parole de la Déclaration du 31-Mars. Il assure que la libération s'est faite sans aucune contrepartie : « Le seul engagement que nous avons pris, c'est de participer au dialogue politique et de travailler, tant que nous sentons de la sincérité chez toutes les parties, à réussir cet apaisement du climat politique pour, ensemble, trouver des solutions concrètes de sorties de crise. Et donc de sortie de la période de Transition. »
Les organisations de la Déclaration du 31-Mars rappellent que d'autres personnalités, considérées comme des « prisonniers d'opinion », croupissent toujours en prison, et exigent qu'ils soient libérés à leur tour : « Rose la vie chère, Ras Bath, Clément Dembélé, Etienne Fakaba Sissoko, Ben le cerveau », énumère Mahamadou Konaté, pour ne citer que ceux-là !
« On ne peut pas réussir ce souci de rassemblement si les principaux acteurs, politiques et de la société civile, ne sont pas libérés. Il faut être conséquent », ajoute-t-il.
Une initiative similaire à celle qui a permis la libération des onze pourrait-elle concerner les autres personnalités toujours emprisonnées ?
Sollicité sur leur cas, Ousmane Issoufi Maïga n'a pas donné suite.