L'audience du procès de détournement de capitaux au ministère de l'Action humanitaire et de la Solidarité s'est poursuivie, hier lundi 9 décembre 2024, au Tribunal de grande instance Ouaga I. Le principal accusé, Amidou Tiégnan, a comparu à la barre pour des faits de faux en écriture, usage de faux en écriture, détournement de deniers publics d'une valeur de 3 milliards F CFA et d'enrichissement illicite de deniers publics.
Le procès de détournement de capitaux au ministère de l'Action humanitaire et de la Solidarité a enfin entamé les débats de fond. Après les trois précédentes audiences, le principal accusé, Amidou Tiégnan, poursuivi pour faux en écriture, usage de faux en écriture, détournement de deniers publics d'une valeur de 3 milliards F CFA et d'enrichissement illicite de deniers publics a comparu à la barre, hier lundi 9 décembre 2024. Il a reconnu partiellement être coupable des faits d'usage de faux en écriture et coupable des trois autres faits.
Invité à s'expliquer, M. Tiégnan a indiqué qu'il n'est qu'un agent exécutant et qu'il a reçu des ordres de ses chefs de service à savoir le Directeur de la gestion des finances (DGEF), Camille Yé et le chef de la commande publique, Amidou Gnoumou. « Je n'ai jamais fait du faux sans que mes chefs ne soient au courant », a-t-il assuré. A ce propos, il a confié que le DGEF lui avait remis des chèques qu'il a pris le soin de signer et un spécimen de sa signature afin qu'il imite en cas de besoin durant son absence.
Pour prouver au Tribunal l'implication de sa hié-rarchie, il a également soutenu qu'il devrait être relevé de ses fonctions de gestionnaire de compte Trésor du ministère selon une recommandation de l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC). Cependant son directeur financier qui l'a signifié, l'a reconduit, le 11 septembre 2023 à son poste. Ainsi, M. Tiégnan, à l'entendre, faisait souvent des opérations de 10 millions, 20 millions au profit de son chef et en contrepartie celui-ci lui remettait sa part.
« Je recevais 2 à 3 millions sur les montants de 10 millions et 5 à 6 millions sur les sommes de 20 millions », a-t-il fait savoir. Selon ses dires, entre 2023 et 2024, il a pu décaisser plus d'1 milliard 800 millions F CFA. « Souvent, lors des missions de la ministre à l'extérieur, je remettais de l'argent au DGEF. Parfois des fournisseurs sont payés à l'avance avec des décharges, sous instruction de Camille Yé qui voyageait beaucoup en Côte d'Ivoire pour ses congés », a-t-il détaillé.
Des agents du Trésor dans le deal ?
Pour les facilités de décaissement, M. Tiégnan a signifié que son directeur appelait souvent une de ses connaissances au Trésor en la personne de Issa Sagnon, le chef de service dépôt de fonds. De ses dires, ce dernier le mettait en contact avec un de ses agents, un certain Lankoandé pour le nécessaire. « Par ce biais, il nous arrive souvent de décaisser par jour des montants de plus de 20 millions F CFA, le seuil règlementaire à savoir 30, 40 ou 200 millions F CFA », a-t-il précisé. A l'issue de ses déclarations, la parole a été donnée au parquet, à l'Agent judiciaire de l'Etat (AJE) et au Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) pour poser des questions.
Le parquet a voulu savoir si, M. Tiégnan qui assurait le poste de gestionnaire de compte depuis 2017 ne s'est pas livré à ses actes contraires à la loi avant la prise de fonction de l'actuel DGEF en mars 2023. Le prévenu au départ a contesté avant de se raviser par la suite avec les questions intempestives du ministère public. Le prévenu qui soutenait n'avoir pas la possibilité de cosigner un chèque si ce n'est qu'en 2023, a été mis devant le fait accompli. En effet, suite à la projection à l'audience des chèques qu'il a cosignés en 2022, il a reconnu sa signature. Pour le parquet, cela montre que le prévenu n'est pas de bonne foi et qu'il était déjà impliqué dans ces mauvaises pratiques avant l'arrivée de l'actuel DGEF qu'il tente d'accuser abusivement.
Dans la même veine, l'AJE Karfa Gnanou a fait savoir que le prévenu est un cadre supérieur de l'administration. «Il s'est très bien que l'ordre manifestement illégal doit se refuser, car il fait partie des obligations des agents publics », a-t-il souligné. L'audience qui a débuté à 9 heures 25 a été suspendue à 16 heures 50 minutes et reprend ce mardi à 9 heures. Avant la suspension, le tribunal a demandé au parquet d'inscrire les deux agents du Trésor cités dans le dossier sur la liste des témoins.