Sénégal: Dak'art - L'artiste Madeleine Devès Senghor redonne une seconde vie à des débris d'objets

Dakar — La section sénégalaise de la Communauté africaine de culture a rendu hommage à l'artiste visuel Madeleine Devès Senghor, dans le cadre de la 15e Biennale de l'art africain contemporain de Dakar (7 novembre-7 décembre).

Cet hommage lui a été rendu à travers une exposition à la galerie des ateliers du Sahel, à Ouest Foire, où elle redonne vie à des débris d'objets destinés à être jetés aux oubliettes.

L'artiste sénégalaise dont la création artistique remonte à 1965 travaille avec des résidus de matières auxquels elle tente de redonner une âme esthétique.

Elle a débuté avec des chutes de morceaux de tissus ramassés chez des tailleurs du marché Sandaga, dans le centre ville de Dakar, vers 1965.

Les encolures de boubous et autres morceaux de tissus ont donné naissance à une première oeuvre dénommée "coups de pinceau". Cette oeuvre est composée d'une mosaïque de tissus disposés en losange, en carré ou en rectangle pour créer une certaine harmonie de couleurs.

Selon l'artiste Madeleine Devès Senghor, le tableau en tissu qui date des années 1970 a été sélectionné en 1995 pour participer à Jakarta, en Indonésie, à l'exposition internationale d'art contemporain, à l'occasion du 40e anniversaire de la conférence des pays non-alignés de Bandung, en Indonésie.

Une autre toile intitulée "Sahel", composée avec des morceaux de tissus découpés à l'horizontale, donne à voir une vision du désert du Sahara avec ses couleurs orange soleil et ses bandes de sables en tissus batik de couleur ocre.

Le visiteur découvre dans cette exposition des tableaux dont la spécificité réside dans des papiers de journaux teintés avec des compositions de couleurs à bout de souffle qui, parfois, font ressortir des personnages et des patchworks de tissus où, par exemple, la silhouette d'un oiseau au long bec apparaît.

L'un des tableaux "Marche primée" est un hommage à la famille Obama, explique l'artiste, qui compte l'emmener au Musée africain-américain de Washington DC, créé pour honorer la lutte des noirs afro-américains, de la période de l'esclavage à nos jours.

Outre les chutes de tissus, Madeleine Devès Senghor compose aussi avec des feuilles de rôniers ou des branches et fibres de cocotiers, qu'elle dresse comme des personnages ou des décorations murales.

"Le cocotier vous donne à boire avec son eau de coco, à manger et vous habille et le tout dans un berceau où nait le coco", fait-elle valoir.

La plasticienne autodidacte donne à voir des sculptures en os découvert aussi dans ses pérégrinations sur les plages, comme cette vertèbre de baleine trouvée sur la plage de la langue de Barbarie, à Saint-Louis, et des os de bec d'un dauphin. Ces os exposés à l'état pur font apparaitre des sculptures de personnages.

"Mon troisième débris, ce sont les os. Il est intéressant parce que c'est lors d'un voyage à Saint-Louis, vers Tivaouane, que j'ai aperçu quelque chose de blanc et lorsque que je suis descendue pour le récupérer, c'était une hanche d'âne, déjà une sculpture en soi que j'expose ici", raconte l'artiste.

Elle revient sur l'histoire de chaque objet ramassé et cette passion qu'elle cultive tous les jours depuis plus de 50 ans.

Madeleine Devès Senghor n'hésite pas à aller aux abattoirs pour ramasser dans les poubelles des os et leur donner un sens.

Elle suggère aux artistes plasticiens d'aller vers des oeuvres monumentales, au lieu de rester sur de petites pièces.

Son rêve, dit-elle, "est de voir un jour sur les allées du Centenaire, une immense sculpture rien qu'avec des os", pour décorer les espaces de la ville de Dakar.

Pour le commissaire de l'exposition, Maguèye Kassé, les oeuvres de Madeleine Devès Senghor invitent à la découverte de ce qui est caché, de ce qu'on néglige et à quoi elle donne une nouvelle vie. Elle "s'inspire d'un réel qui semble la rendre fantastique aux yeux du profane", analyse-t-il.

Le professeur Alpha Amadou Sy estime que l'oeuvre de Madeleine Devès Senghor s'inspire de la thématique du Dak'art 2024 : "The wake, l'éveil, le sillage".

Personnalité indiquée pour revisiter un pan de la diplomatie sénégalaise en terre brésilienne, Madeleine Devès Senghor fait partie des premières femmes juristes du Sénégal, membre fondatrice de l'Association des juristes du Sénégal.

Retraitée de la Caisse de sécurité sociale (CSS), elle a aussi été au service de l'intégralité des villages SOS de son pays.

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