Sénégal: Babacar Kébé, ingénieur formateur à l'institut national du pétrole et du gaz - «Il y a beaucoup d'instituts qui offrent des programmes de formation dans le domaine du pétrole et du gaz sans qu'il n'y ait le sérieux qu'il faut»

10 Décembre 2024

L'ingénieur et formateur à l'Institut national du pétrole et du gaz (INPG) et Coordonnateur du Programme de formation des techniciens dans les métiers du pétrole et du gaz, Babacar Kébé, revient, dans cet entretien, sur le besoin de formation dans le secteur des hydrocarbures. Il déplore aussi les enseignements fournis par les privés qui n'ont pas les compétences nécessaires.

Quelles sont les missions de l'INPG ?

L'Institut national du pétrole et du gaz (INPG), créé en 2017 par décret présidentiel, a des missions de formation, de recherches et de régulation dans le métier du pétrole et du gaz. Il constitue un pilier fondamental du contenu local sénégalais. Etant donné que l'État a jugé nécessaire d'anticiper sur la question de la formation, il fallait également, pour le gouvernement, disposer de ressources humaines qualifiées pour prendre en charge toutes les questions liées à la chaîne de valeur du pétrole et du gaz. De la production, au transport et le stockage des hydrocarbures, le raffinage et la commercialisation.

Quelles sont les formations qui y sont dispensées ?

Nous avons deux parcours : des formations longue durée et des formations courte durée. Parmi les formations longue durée, il y a le master en ingénierie pétrolière et gazière, qui recrute des étudiants de niveau Baccalauréat plus 5. C'est une formation de 18 mois dont 6 en stage dans des compagnies pétrolières. Ils se spécialisent sur tout ce qui est production pétrolière, ingénieur réservoir, forage, etc. Nous avons également un master en économie et management du pétrole et du gaz, dont la cible intéresse les profils d'administration, de management et de juriste. La spécialisation est de vingt mois. L'Institut propose également un parcours de formation pour des techniciens qui dure normalement deux ans. Des bacheliers sont formés aux métiers du génie électrique, du génie mécanique, du génie process, mais orientés côté oil et gaz. Parce que, comme vous le savez, depuis la création de l'INPG, nous n'avons eu à former que des ingénieurs.

Avec l'exploitation pétrolière et gazière, à Sangomar, on a déjà commencé la production du pétrole. Bientôt, ce sera autour du GTA. Et là, le besoin en main-d'oeuvre est réel. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de mettre en place ce curriculum-là, pour répondre vraiment aux attentes du marché.

En plus des parcours longue durée, nous avons aussi des programmes de renforcement de capacité courte durée, tels que les fondamentaux du pétrole et du gaz, l'initiation à la chaîne gazière, etc. Ce sont des modules qui permettent à toutes les administrations intervenant d'une manière ou d'une autre dans le cadre de l'exploitation du pétrole et du gaz, que ce soit pour des contrats, ou des négociations, etc., de disposer au moins des prérequis nécessaires pour pouvoir interagir directement avec les acteurs du pétrole et du gaz.

A part l'INPG, on constate que des formations dans les domaines du pétrole et du gaz sont dispensées par des privés. Ces écoles sont-elles habilitées à le faire ?

Il y a beaucoup d'instituts qui offrent des programmes de formation dans le domaine du pétrole et du gaz sans qu'il n'y ait le sérieux qu'il faut. Le domaine du pétrole et du gaz est un domaine très complexe, mais également un domaine très pointu. Il nécessite une expertise de qualité dont l'INPG aujourd'hui dispose, et que la plupart de ces écoles de formation aujourd'hui ne parviennent pas à avoir.

Notre rôle, n'est pas de bloquer ces écoles de formation, mais c'est de les accompagner, afin de mettre sur le marché des formations de qualité, bénéfiques aux jeunes. Des écoles de formation privées nous ont contactés après avoir mis en place des programmes de formation dans le domaine du pétrole et du gaz. Elles nous ont contactés pour nous demander de venir légaliser ces programmes-là. Or, ce n'est pas la procédure. La procédure, c'est quoi ? C'est qu'avant même de lancer un programme de formation, il faut d'abord en parler, en discuter avec les autorités ou la Direction générale de l'INPG, et puis essayer de voir ensemble dans quelles mesures l'accompagnement pourrait se faire par étapes dans la mise en place du programme de formation, mais également dans le choix des formateurs.

Parce qu'il faut aussi des formateurs qualifiés pour dispenser tel ou tel module dans le domaine du pétrole et du gaz, mais également dans le ciblage des profils des étudiants. Quels sont les diplômes ou bien les prérequis qui sont nécessaires pour pouvoir suivre cette formation-là dans de meilleures conditions ? Quelle est la politique qualité qu'il faut définir pour encadrer ce programme-là ? Il y a tous ces aspects-là qu'il est indispensable d'étudier avec ces écoles-là pour leur permettre effectivement de dispenser des formations dans les meilleures conditions.

Avez-vous quantifié le besoin en main d'oeuvre après la mise en service de Sangomar et le démarrage prochain des activités de GTA ?

Ça, nous ne saurons le dire. Peut-être que c'est un cours d'investigation. Dans le cadre de la mise en place de ce programme de formation, nous avons besoin effectivement de ces chiffres pour nous permettre de nous projeter dans le cadre de la formation en nombre de techniciens. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle le Comité de pilotage du Programme de formation des techniciens dans les métiers du pétrole et du gaz a été mis en place, le 27 novembre 2024. On a jugé nécessaire d'associer toutes les entreprises du secteur de l'énergie. L'objet est d'avoir une idée des besoins des entreprises. Pas seulement des entreprises pétrolières, mais de toutes celles qui sont aujourd'hui impliquées dans la chaîne de raffinage. Nous voulons former des techniciens polyvalents.

On va commencer à travailler avec ces entreprises. Il y aura très bientôt à Saly, un conclave qui permettra à ces entreprises-là de faire une présentation du bilan des compétences qu'elles ont en entreprise et également des besoins en termes de nombre de techniciens qu'ils auront besoin de recruter. Nous allons travailler en parfaite synergie pour définir ce qu'on appelle une matrice de compétences et qui va être traduite par des modules de formation que nous allons définir pour permettre à ces apprenants d'acquérir ces types de compétences.

Le deuxième défi, c'est le temps. Nous sommes confrontés à un problème de temps. L'objectif est de lancer, à partir du mois d'octobre 2025, les programmes de formation des techniciens dans le métier du pétrole et du gaz pour la première fois. Le projet est matérialisé, les bases sont posées et il ne nous reste qu'à travailler d'arrachepied, pour pouvoir atteindre l'objectif de mettre en place le programme complet, d'ici octobre 2025, pour permettre de former une nouvelle génération de techniciens à partir de 2025.

Les communautés qui vivent à côté des installations déplorent leur non-inclusion dans les plateformes pétrolières et gazières. A l'INPG existe-t-il des formations qui permettront à ces dernières d'intégrer les compagnies ?

Le domaine du pétrole et du gaz, c'est un domaine très serré et complexe. L'État a jugé nécessaire d'anticiper sur la formation parce que les compagnies pétrolières ne peuvent pas, soit au nom du contenu local, soit pour les besoins de l'État du Sénégal, recruter des personnes et les mettre sur ces plateformes-là, avec des risque de mise en danger de la vie. C'est un domaine très sérieux qui nécessite des formations pointues, mais également qui sont couteuses. Par exemple, la formation que nous voulons mettre en place, c'est une formation de techniciens qui sera ouverte à tous les bacheliers du Sénégal, sans exception. Et ils seront choisis sur le mérite. Et nous allons bien entendu tenir compte de la dimension genre, qui est également très importante, parce qu'il faut aussi associer et inclure le maximum de filles dans le cadre de ces programmes de formation-là.

Mais, pour répondre spécifiquement à la question concernant les populations qui sont impactées au niveau de ces zones, nous, ce que nous avons fait, à l'INPG, c'est beaucoup dans la sensibilisation, la conscientisation et la fourniture de maximum d'informations sur les opportunités de formation et d'entreprenariat dans le domaine du pétrole et du gaz. Maintenant, pour le reste, effectivement, ça ressort du domaine de la Responsabilité sociétale d'entreprise (Rse) de ces entreprises.

Le Sénégal n'a pas les ressources humaines nécessaires pour quantifier son potentiel en ressources naturelles. Comment compter vous combler ce déficit ?

L'INPG a formé trois promotions d'ingénieurs. Ils sont à peu près plus de 90. Ces ingénieurs exercent les plus hautes de responsabilité, soit à la société nationale PETROSEN soit dans des compagnies pétrolières. Et ce sont ces ingénieurs qui pratiquent des métiers, et se familiarisent à un transfert de technologies de ces compagnies pétrolières. Ces compétences pourront leur permettre, bien évidemment, au-delà même d'évaluer les ressources pétrolières et gazières, mais également de positionner la société nationale comme opérateur de production de nos blocs. Nous rêvons tous d'un PETROSEN qui devienne un jour opérateur d'un des blocs, que ce soit du pétrole et du gaz au Sénégal.

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