Sénégal: Fodé Kamara - Mémoire et résistance à travers l'art : la mémoire des tirailleurs, souvent relégués à l'oubli et réduits à des clichés

10 Décembre 2024

La galerie 90 située à quelques mètres de l'Avenue Ponty près de la Place de l'indépendance a rendu un hommage artistique aux tirailleurs sénégalais et dénoncé des injustices coloniales, exposé dans le cadre de la Biennale de Dakar.

L'artiste plasticien Fodé Kamara présente une oeuvre résolument engagée. En revisitant des symboles coloniaux comme l'image du tirailleur sénégalais et les publicités du célèbre chocolat Banania, il questionne les stéréotypes raciaux et rend hommage à la mémoire des tirailleurs, souvent relégués à l'oubli ou réduits à des clichés.

Fodé Kamara, scénographe et peintre de renom, n'a jamais cessé de s'interroger sur les injustices héritées de la colonisation. « Mon engagement a commencé en 1985, à Paris, lorsque j'ai découvert une publicité de Banania. Le tirailleur y était caricaturé avec des traits exagérés et un slogan dévalorisant. J'ai décidé d'utiliser cette image pour la détourner et interpeller les consciences », explique l'artiste. Cette démarche l'a conduit à produire une série d'oeuvres autour de cette icône controversée.

Les tirailleurs sénégalais au coeur de l'oeuvre

Les tirailleurs, soldats africains enrôlés dans l'armée coloniale française, sont au coeur de sa réflexion. À travers ses peintures, Kamara leur rend hommage, mettant en lumière leur bravoure tout en dénonçant les injustices qu'ils ont subies : « Ils ont été des héros oubliés, moqués, souvent exploités. Mon travail, c'est un devoir de mémoire pour réveiller les consciences africaines », précise-t-il.

À la Biennale, Kamara expose une vingtaine de tableaux, dont certains titrés Parcours ou Émitaï, inspirés de figures littéraires et historiques. « La mémoire est essentielle pour comprendre nos luttes. Les oeuvres présentées ici sont une révolte visuelle et poétique contre la déshumanisation des Noirs », explique l'artiste, qui intègre également des influences littéraires comme les poèmes de Senghor ou de David Diop.

Au-delà de la peinture, Kamara a également marqué la Biennale par ses talents de scénographe. Depuis 2006, il a orchestré les expositions, créant des espaces où l'histoire et l'art se rencontrent. « La Biennale est un moment crucial pour confronter nos récits à ceux du monde, et c'est un honneur d'y contribuer », affirme-t-il.

Pour Fodé Kamara, l'art est un combat, une arme contre l'oubli et la marginalisation. À travers ses oeuvres exposées à la Biennale, il invite à une réflexion collective sur le passé colonial et l'identité africaine. Son engagement ne s'arrête pas là : « Je continuerai ce devoir de mémoire, car l'Histoire ne doit jamais être oubliée. »

Un message puissant qui trouve écho dans les visiteurs, jeunes et moins jeunes, venus nombreux découvrir cet hommage poignant aux tirailleurs et à la résistance culturelle.

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.