Ile Maurice: Plaidoyer pour la jeunesse

11 Décembre 2024

Sur le front bench du gouvernement, où il n'y a pas l'ombre d'une dame, le plus jeune s'avère le quinquagénaire Shakeel Mohamed. Il est entouré de fringants septuagénaires qui ont un recul différent des gens de la génération de Shakeel. Devant lui, une speaker qui ne manque pas de rappeler, avec emballement, la longue carrière derrière elle. Ce n'est pas tout.

Le secrétaire au cabinet, le commissaire de police, le gouverneur de la Banque centrale ont tous depuis longtemps dépassé l'âge de la retraite mais renfilent leurs crampons pour remettre le pays sur les rails. Mince consolation : quelques dames et des jeunes sont devenus des Junior Ministers, (sauf dans un cas où le junior est plus senior que son ministre). Les juniors ne peuvent pas se permettre de faire de l'ombre à leur doyen ou vétéran. Ils doivent marcher à leur rythme.

Notre propos dépasse la simple question des années vécues pour se concentrer sur la capacité des dirigeants à se connecter aux expériences, défis et valeurs des nouvelles générations.

Maurice, terre de soleil et de vagues, semble engluée dans les sables mouvants d'une politique figée, réservée aux aînés. Nos dirigeants, souvent pensionnés, donnent des fois l'impression de s'accrocher au pouvoir avec la ténacité d'un arbre mort qui refuse de céder la place à une forêt naissante. Problème : à force d'obstruer le ciel, ils empêchent la lumière d'atteindre les jeunes pousses. Cette ombre, longue et pesante, étouffe les idées neuves et pousse nos jeunes à chercher ailleurs des horizons où l'herbe leur semble plus verte.

Regardons autour de nous. La question n'est pas qu'une question de chiffres. En France, l'élection d'Emmanuel Macron à 39 ans avait ravivé l'espoir d'une jeunesse désabusée. Une rupture, disait-on. Une bouffée d'air frais. Mais le souffle s'est épuisé. À peine élu, Macron semblait avoir troqué son élan juvénile contre une routine technocratique. L'enthousiasme des débuts s'est effrité, révélant une leçon essentielle : la jeunesse n'est pas qu'une question d'âge, c'est une capacité à écouter, comprendre et répondre aux aspirations de ceux qui incarnent l'avenir.

Aux États-Unis, le tableau est tout aussi saisissant. Deux vieillards - Joe Biden et Donald Trump - se disputaient le sort d'une nation, chacun dépassant les 75 ans. Les jeunes Américains, eux, peinent à se reconnaître dans ces figures. Bien sûr, l'expérience compte. Mais quand elle devient synonyme de déconnexion, elle perd de sa valeur. Ce fossé générationnel est partout. Et Maurice ne fait pas exception.

Nous avons connu des géants, comme sir Seewoosagur Ramgoolam ou Anerood Jugnauth, qui ont marqué l'histoire. Mais il est temps de comprendre que l'héritage n'est pas une éternité. Les dirigeants de demain doivent être ceux qui comprennent ce que signifie grandir dans un monde dominé par le numérique, où les défis sont aussi vastes que le réchauffement climatique et les inégalités économiques.

Pourtant, que voyons-nous ? Des personnalités politiques qui refusent de céder leur place.

Cette obstination à occuper le devant de la scène reflète un problème plus profond : celui d'une méfiance envers la relève. Nos jeunes sont souvent relégués aux marges, comme des figurants dans une pièce où ils devraient pourtant tenir les rôles principaux. On leur refuse des opportunités, on leur impose des plafonds de verre qu'ils ne peuvent briser qu'en s'expatriant. Et alors que nous applaudissons les réussites de nos compatriotes à l'étranger, nous oublions que ce sont des talents qui auraient dû s'épanouir ici.

Les jeunes ne demandent pas que l'on efface le passé. Ils demandent une chance de construire l'avenir. Ils demandent que leurs voix soient entendues, leurs idées respectées. Ils demandent que la politique cesse d'être un club fermé où l'expérience est un prétexte pour exclure l'innovation ou la jeunesse.

À ceux qui s'accrochent encore au pouvoir, il est temps de comprendre que la sagesse véritable réside aussi dans la transmission. Céder sa place, ce n'est pas abdiquer, c'est contribuer à l'élan collectif. Regardez au-delà de votre propre reflet. Voyez cette jeunesse qui bouillonne, qui rêve, qui lutte pour un monde meilleur. Donnez-leur les outils pour réussir. Écoutez-les. Et surtout, faites-leur de la place.

Car si vous refusez, si vous persistez à obstruer le chemin, alors le destin vous rattrapera. La jeunesse finira par vous contourner, vous oublier. Elle ira chercher ailleurs ce que vous refusez de lui offrir ici. Et ce jour-là, Maurice perdra plus qu'une génération : elle perdra son avenir.

Si on donne à notre jeunesse la place qu'elle mérite, le futur nous en remerciera, forcément.

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