Alors que 2024 s'achève, le monde est aux prises avec des crises qui s'intensifient toujours plus. L'UNFPA, l'agence des Nations Unies pour la santé sexuelle et reproductive, vient de lancer un appel à financements humanitaires à hauteur de 1,4 milliard de dollars pour prendre en charge les besoins spécifiques des femmes et des filles prisonnières de cette vague d'urgences, ou déracinées par elle.
Pourtant, parallèlement, le soutien aux besoins des femmes et des filles touchées par les crises est menacé. Nous décrivons ci-dessous trois tendances mondiales sur le point d'entrer en collision, et au carrefour desquelles se trouvent les femmes et les filles les plus vulnérables de la planète.
1- Les catastrophes sont en forte hausse et ont des conséquences particulières pour les femmes et les filles
Les conflits violents, les événements météorologiques extrêmes et le déplacement forcé atteignent des niveaux records. Dans ces contextes d'urgence, les femmes et les filles sont confrontées à des difficultés uniques et souvent négligées.
Pour commencer, de nombreuses crises concernent des pays où les femmes et les filles subissent déjà des préjudices systémiques qui entravent leur mobilité, leurs déplacements et leur capacité à bénéficier d'une aide. Ainsi, un tiers des pays présentant les plus forts niveaux de déplacement interne lié à des catastrophes figurent parmi les endroits du monde affichant les plus fortes inégalités de genre.
De plus, dans pratiquement toutes les crises, les femmes et les filles sont confrontées à des taux de violence basée sur le genre extrêmement élevés, près de deux fois supérieurs à ceux relevés hors contextes humanitaires.
Tout cela participe à rendre les crises particulièrement terribles pour les femmes et les filles, qui continuent à avoir leurs règles, à tomber enceintes et à accoucher, alors même que les services de santé sexuelle et reproductive sont relégués au second plan dans les interventions d'urgence.
L'UNFPA et ses partenaires s'efforcent de faire en sorte que ces besoins soient satisfaits, même dans les zones les plus dangereuses et défavorisées. En 2024, l'UNFPA a fourni à 10 millions de personnes des services de santé reproductive dans 59 pays en crise : contraception, produits d'hygiène menstruelle, soins pré et postnatals, accouchement sécurisé. 3,6 millions de personnes ont aussi bénéficié d'une protection contre la violence basée sur le genre.
Toutefois, ces efforts n'ont profité qu'à une petite partie des femmes et des filles touchées par les crises dans le monde.
2- La coopération mondiale et les financements humanitaires sont menacés.
« Aujourd'hui, le multilatéralisme est attaqué de toutes parts », a averti le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres. Cette tendance, encouragée par la défiance et le nativisme, menace l'action collective dont nous avons justement besoin pour lutter contre l'avalanche de violence et de catastrophes naturelles.
L'une des formes les plus essentielles de coopération mondiale est le financement humanitaire, qui depuis des années n'est plus à la hauteur de la prolifération des crises. Les manques de fonds s'avèrent particulièrement flagrants en ce qui concerne les besoins spécifiques des femmes et des filles. Dans le monde entier, les interventions humanitaires prenant en charge la violence basée sur le genre font partie des domaines les moins bien financés : 27 % seulement des fonds nécessaires pour 2024 avaient été reçus en date du 24 novembre.
L'UNFPA le constate directement. En septembre 2024, l'appel humanitaire annuel de l'agence n'était financé qu'à 43 %. Dans les 34 crises où les ressources sont les plus rares, ce manque de financement atteint le chiffre alarmant de 75 %.
Des insuffisances encore plus sévères sont attendues pour l'année qui vient, alors même que 11 millions de femmes enceintes auront besoin d'aide humanitaire et que 92 millions de personnes devraient avoir besoin de protection contre la violence basée sur le genre et de services de prise en charge dans ce domaine.
3- Le soutien aux droits humains et reproductifs des femmes s'effrite
Le monde continue de connaître des réactions négatives face aux droits et à la santé sexuelle et reproductive des femmes et des filles. De nouvelles données publiées cette année montrent que dans 40 % des pays disposant de données à ce sujet, la capacité des femmes à exercer leur autonomie corporelle est en réalité en train de diminuer.
« La reproduction humaine est en train d'être politisée. Les droits des femmes, des filles et des personnes de genre variant connaissent un recul de plus en plus fort », a déclaré la Dr Natalia Kanem, la directrice exécutive de l'UNFPA. « Pourtant, nous pouvons et devons poursuivre nos progrès. »
Malgré ce contexte financier difficile, l'UNFPA déploie des milliers de sages-femmes ainsi que des équipes médicales dans les zones humanitaires. En 2024, l'agence a équipé plus de 3 500 établissements de santé afin qu'ils puissent proposer des soins vitaux, et a établi plus de 1 600 espaces sûrs pour les femmes et les filles, afin qu'elles y trouvent refuge et puissent suivre des programmes d'autonomisation.
Dans l'année à venir, l'UNFPA renforcera ses interventions locales et nationales, en particulier en lien avec les organisations menées par des femmes et des jeunes, afin d'améliorer la préparation aux situations d'urgence. Ces mesures visent à renforcer la résilience des communautés à risque, tout en autonomisant les femmes et les filles en première ligne, qui les mieux placées pour savoir ce dont elles ont besoin.
L'année qui s'annonce sera pleine de défis, mais nous savons déjà comment les surmonter : grâce à la solidarité. « La seule façon d'avancer, de procéder et de réussir, c'est de travailler ensemble », a affirmé la Dr Kanem.