Les producteurs de piment de la zone agricole de Gassambilakhé, dans le département de Bakel (est), ont entamé depuis fin novembre la récolte de ce condiment dont ils cherchent à rendre la commercialisation plus rentable, en échappant au diktat des revendeurs qui usent de pratiques déloyales pour tirer les prix vers le bas.
Situé au sud de Bakel, Gassambilakhé est la « porte d'entrée » de la zone de production de piment située sur tout le long de la mare de « Lothiandé » (de Bakel à Diawara).
En ce début de journée où le froid s'installe dans le Gadiaga, un changement de port vestimentaire est perceptible chez les populations qui renouent avec les habits lourds.
Dans les champs, la végétation est luxuriante. Des groupes de jeunes récoltent le piment dans certaines parcelles.
Vêtu d'une tenue de travail pour ouvrier, les pieds enserrés dans des bottes, Alassane Dicko arpente les digues de son périmètre maraîcher à la recherche de plantes en maturité.
« J'ai commencé la récolte aujourd'hui. Et ça se fera maintenant chaque semaine. Il y aura toujours une nouvelle récolte, jusqu'à ce qu'on n'ait plus d'eau », lance-t-il.
A quelques mètres de là, Matar, un producteur d'origine malienne, est en pleine récolte, sa deuxième moisson cette année. Pour cette journée, il a pris deux jeunes pour l'aider à collecter sa récolte et la mettre dans des sacs.
« La semaine dernière, je n'avais eu que deux sacs de trente kilos, mais, aujourd'hui, j'ai déjà rempli quatre sacs de trente kilos et j'y suis toujours », se réjouit Matar.
Il explique que la forte rentabilité du piment est due à sa capacité à offrir de nombreuses récoltes.
« Le poids et la quantité du piment augmentent au fur et à mesure des récoltes. Si on a 500 kilos par ha dans la semaine, il faut tabler sur 700 ou 800 kilos la semaine suivante », dit-il.
Des difficultés liées à la commercialisation
Dans ce périmètre maraîcher d'une longueur d'environ un kilomètre, le piment est cultivé sur une superficie de près de 100 ha, avec diverses spéculations.
« Ici, 90% des producteurs sont des jeunes. Nous cultivons des variétés, comme le « Goana », le « Sofia », « Rouge entier ». Mais, nous avons des difficultés liées à la commercialisation », déplore Alassane Dicko.
Secrétaire du « GIE Gassambilakhé », il regrette le comportement des revendeurs qui usent de pratiques déloyales pour acheter le piment à bas prix.
« En cette période, le prix du kilo est à 3 000 francs CFA. Mais les revendeurs le fixent à 2 450 francs CFA. D'ici les prochaines récoltes, ils vont fixer le prix à 1000 ou 500 francs le kilo », dénonce le maraîcher.
« Les revendeurs y gagnent à 100%, contrairement à nous les cultivateurs. J'ai un hectare. Si la commercialisation se faisait normalement, je pourrais avoir 3 à 4 millions par semaine (...) « , confie-t-il.
Pour réguler la commercialisation, une coopérative est en gestation pour maintenir le prix du kilogramme à 3 000 francs CFA pour les mois de novembre et décembre, renseigne Alassane Dicko.
Insuffisance de la subvention d'engrais et tarissement de la mare « Lothiandé »
La mare de "Lothiandé » est située à 1 km du fleuve. Les producteurs de Gassambilakhé utilisent son eau pour irriguer leurs champs.
Mais, ils ne peuvent le faire que pendant une certaine durée, car la mare tarit dès le début du mois de février.
« La mare n'est pas profonde. Début février, elle est à sec. S'il y avait encore de l'eau, on pourrait poursuivre la récolte jusqu'au mois de mars, et avec la chaleur, cultiver le gombo ou l'aubergine », déclare Dicko, secrétaire général du "GIE Gassambi lakhé".
Il signale qu'une étude a été réalisée à ce sujet en 2022 par l'Office des lacs et cours d'eau (OLAC). Dans ses conclusions, l'étude avait recommandé de creuser le marigot pour le rendre plus profond et ainsi faciliter l'activité des producteurs.
« On n'a pas aussi de piste de production. Nous sommes séparés de la ville par la mare. On utilise un bac, pour transporter les produits au village. Ce qui nous prend énormément de temps « , déplore-t-il.
Les producteurs font face également à une pénurie d'engrais. Selon eux, les stocks de l'engrais subventionné sont insuffisants pour couvrir toute la saison.
« 1 950 ha de superficie emblavé en piment dans le département »
« A Bakel, nous cultivons toute l'année par rapport aux autres zones du nord. Si la quantité d'engrais ne suffit pas, c'est parce qu'il y a la fin des saisons qui bloquent la continuité de l'achat », explique Mbaye Sarr Diop, chef du service départemental du développement rural (SDDR)
« Quand il y a une circulaire qui sort, qui est généralisée et ne prenant pas en compte la spécificité du département de Bakel, forcément au niveau des magasins, il n'y a plus possibilité de vendre des engrais. Le blocage est à ce niveau et nous l'avons signalé », ajouté-t-il
Dans un entretien avec l'APS, Mbaye Sarr Diop affirme que le piment est la culture la plus pratiquée dans le département de Bakel. La zone a en effet d'un potentiel énorme et la spéculation permet à plusieurs producteurs, dont des jeunes, de subvenir à leurs besoins.
« Pour le potentiel du département en termes de culture de piment, nous sommes à 1.950 ha de superficies emblavées. C'est la culture qui domine dans la zone et il faut en prendre compte pour appuyer les jeunes », suggére-t-il.
Le responsable du SDDR révèle que sur les 1.600 ha de parcelles impactées par les inondations liées à la crue du fleuve Sénégal et de la Falémé, 600 ha étaient emblavés en piment.
Il indique que les périmètres de piment se trouvant le long de la mare de « Lothiandé » ont été épargnés par la montée des eaux. Selon lui, le repiquage a même démarré dans les zones impactées par les inondations.
« Ce qu'on peut pointer du doigt aussi, c'est la qualité de certaines semences. Pour régler cela, on veut contractualiser avec des producteurs dans le département, pour au moins la multiplication des semences », rassure-t-il.
Il estime que le système prévu va permettre de produire et certifier les semences dans la zone mais également de les redistribuer aux producteurs.