L'argent est plus urgent que les gens. On « s'en fout » s'il y en a qui souffrent ou meurent de faim, sans abris et sans espoir. La misère fait partie de l'existence. La pauvreté n'est pas une fatalité. On peut vivre heureux avec un souffle sans céder à l'agonie. Tant pis si la détresse se dresse, crie au secours et se tort de douleur.
La souffrance est lointaine quand elle habite l'autre. A quoi bon prêcher la générosité quand l'obligation de donner n'engage que le coeur ? Tant pis si les plus forts écrasent les plus faibles. Peu importe si le riche triche et affiche son butin sur la tête. La vie est une jungle où les plus rusés s'arrogent la part du lion. Les scrupules sont des sentiments pour nuls. Les remords rongent seuls les sensibles.
Il suffit parfois de scander avec conviction « La Patrie ou la Mort, nous Vaincrons » pour être cru et suivi. Il suffit parfois de savoir chanter le Ditanyè sans discontinuer ni s'essouffler, pour hanter les coeurs et être un « patriote ». Ceux qui « aiment » le pays sont parfois ceux qui le pillent avec le regard qui brille. Ceux qui se « sacrifient » pour la patrie sont parfois des profanateurs de coffres forts sans effraction. Ceux qui sont chargés de veiller au respect de l'orthodoxie sont parfois les premiers fossoyeurs des bonnes pratiques. A quel saint faut-il se vouer quand les prophètes de la bonne cause ne sont là que pour les bonnes choses ?
L'argent est plus urgent que les gens. On peut traverser le désert avec un bétail de « semblables » assoiffés et exténués sans ressentir la peine de l'exode des siens tourmentés. On peut enjamber la misère des frères de l'enfer pour tracer et bâtir les fondations de son paradis. On peut fermer les yeux et se boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris stridents de la femme enceinte qui gémit le ventre vide plein de vie, pour subtiliser la ration de détresse qui devait donner espoir à plus d'une vie. On peut faire fi des larmes du digne père de famille éperdu qui a tout perdu sous les cendres de la cruauté pour s'emparer de la « prime de pauvreté » allouée pour le maintenir en vie. On peut faire cela à sa fratrie. On peut oser franchir ce pas à l'encontre de sa patrie.
Ainsi, les vivres destinés aux déplacés seront déplacés pour une autre destination. L'argent collecté par le peuple dans la douleur de la privation sera détourné avec plaisir par d'audacieux commis repus et sans pitié, pour jouir des caprices boulimiques d'une intégrité avortée. Tant pis pour l'hécatombe des innocents massacrés à l'Est. Merde au pogrom des concitoyens trucidés par centaines et pour la femme violée ou la parturiente éventrée au Nord. Dommage pour tous ces villages meurtris, presque rasés ou déplacés au Centre-Nord. Toutes ces pauvres victimes ne sont que de sublimes opportunités d'une bande de vampires en quête de liasses de poisse, l'argent de la compromission. Et dire que les victimes n'ont même pas eu droit à un corbillard. Ceux qui devaient contribuer à soulager leur peine ont oser détourner les milliards à eux dédiés, pour aller en villégiature, jouer au billard et se goinfrer de « caviar aux crudités » de volupté salace sur fond de selfies insultants.
L'argent est plus urgent que les gens. Pendant que le président enjoignait d'aller plus vite en besogne, eux, se sont lancés dans une course « attelée » pour faire diligence dans le vol de haut vol avec des complicités certainement de haut niveau et peut-être à tous les niveaux. Pendant que l'impérialisme poussait le bouchon de la pression et de la répression contre notre intégrité « insolente », eux ils chantaient avec nous l'hymne national, la main sur le coeur, les poches pleines à craquer de totem. Pendant que nous comptions nos morts à la ronde en comptant sur nous, eux ils comptaient en cercle restreint, en sourdine les pépites de leur trésor en comptant sur la crise.
Non, il faut secouer encore le cocotier de tous ces « boucantiers » et châtier les coupables à la hauteur de leur forfait. Il faut vite circonscrire et verrouiller le mal, de sorte à frapper dans le tas de tous ces « anges » dissolus, usurpateurs de vertus indues, de sorte à marquer à jamais la conscience collective et réhabiliter notre intégrité. Il faut aller jusqu'au bout de la « razzia » contre l'impunité et assainir l'image du pays de Thomas Sankara et de tous ces valeureux fils et filles qui l'ont bâti à mains nues, dans la sueur et le sang.
Il faut enfin accélérer le retour de la peine de mort pour rappeler aux uns et aux autres que nul n'a le droit de jouer avec la vie d'un Burkinabè au point de faire fi de la mort de ce dernier. Ce retour ne serait pas celui de la cruauté mais plutôt celui de la réciprocité appliquée en toute équité contre ceux qui dénient aux autres le droit de vivre ou de survivre pour ensuite plaider pour une prison à vie encombrante et inutile. Tant pis si cela constitue un hérétique « recul démocratique » ou un « attentat » aux droits de l'homme. La meilleure façon de respecter les droits de l'homme, c'est le respect de la vie de ce même Homme.