Dakar — L'ouvrage "Emigration irrégulière : le mal profond", du journaliste et spécialiste des questions migratoires, El Hadji Daouda Luc Gbaya, procède à un diagnostic des véritables causes de ce phénomène.
Cet ouvrage de 129 pages, publié en novembre dernier aux "Maîtres du jeu éditions", pose un regard critique sur ce phénomène social que constitue l'émigration illégale.
L'auteur explique comment le phénomène a évolué dans le temps et dans l'espace avec ses conséquences sur la société sénégalaise.
Il revient sur des découvertes "macabres" ayant mis le monde en général et le Sénégal en particulier en "émoi".
Prenant l'exemple de l'année 2023, M. Gbaya souligne combien elle a été "macabre" pour les migrants d'Afrique subsahariens en général et ceux du Sénégal en particulier.
"Selon une ONG espagnole citée par le journal Le Monde, plus de 5000 d'entre eux ont péri en mer au cours des cinq dernières années, alors qu'ils tentaient de se rendre aux îles Canaries, soit une moyenne de 33 décès par jour", révèle-t-il.
Il souligne que le Sénégal figure malheureusement en bonne place parmi les pays dont sont originaires ces migrants.
"(...) aussi paradoxal que cela puisse paraître, le changement de régime au Sénégal, n'a pas arrêté cette vague migratoire. En février 2024, au moins 26 Sénégalais sont morts dans un naufrage survenu au large de Saint-Louis. La pirogue avait à bord 300 personnes", relève l'auteur.
Il ajoute que selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), au mois de juillet de l'année en cours, 15 migrants ont été retrouvés morts et 195 autres portés disparus, au large de la Mauritanie.
L'auteur revient également sur l'annonce faite par la Direction de l'information et des relations publiques des armées (DIRPA), de la découverte d'une pirogue contenant environ 30 corps sans vie à 70 km au large de Dakar, etc.
"L'OIM estime que le nombre de morts dans les couloirs migratoires est sous-estimé. Depuis 2014, plus de 60 mille vies [ont été] perdues dans le monde du fait de l'émigration irrégulière dont plus de 22 mille sur la route de la Méditerranée", explique-t-il.
El Hadji Daouda Luc Gbaya rapporte les témoignages de certains rescapés qui avaient décidé de tout quitter pour emprunté les voies de l'émigration illégale.
Il cite notamment un certain Massar Sarr, marchand ambulant ayant payé 500 mille francs cfa pour tenter cette aventure, devenue amère entre le Maroc et l'Espagne.
L'auteur a également rappelé que malgré les stéréotypes liés à la question migratoire Sud-Nord, le rapport du Centre d'études stratégiques de l'Afrique de 2020 relève un flux migratoire entre pays africains de 80%.
Parmi les causes de ce phénomène qui poussent les jeunes, issus pour la plupart des régions du Sénégal, à émigrer illégalement, il cite notamment la pauvreté.
A l'en croire, l'échec de la politique de jeunesse au Sénégal impose une remise en cause des instruments de financement des jeunes, notamment la Délégation générale à l"emploi rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ).
Il invite le pays à changer de posture face à la montée du populisme entretenu par l'extrême droite en Occident.
"Il doit démontrer l'apport de l'immigration à l'UE [Union européenne], confrontée au vieillissement de sa population et qui a besoin de main-d'oeuvre pour faire tourner la machine", ajoute l'auteur.
El Hadji Daouda Luc Gbaya est un journaliste diplômé de l'Institut supérieur des sciences de l'information et de la communication (ISSIC), une école de formation basée à Dakar.
Il a travaillé dans plusieurs médias sénégalais, notamment au journal Le Quotidien, de 2006 à 2011, au quotidien Enquête entre 2011 et 2014. Il a également été lauréat du prix meilleur reportage de l'Institut Panos, en 2009, etc.